Étienne-François de Choiseul







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Étienne-François de Choiseul

Illustration.
Portrait de Choiseul par Louis-Michel Van Loo.
Fonctions
Principal ministre d'État
1758 – 1770
Monarque

Louis XV de France
Prédécesseur

Vacance de la fonction (1743-1758)
Successeur

René de Maupeou

Colonel général des Suisses et des Grisons
Gouverneur et lieutenant-général de Touraine
Gouverneur et grand-bailli de Mirecourt et du pays des Vosges
Ambassadeur de France près le Saint-Siège
1753 – 1757
Ambassadeur de France en Autriche
1757 – 3 décembre 1758

Secrétaire d'État aux Affaires étrangères Lieutenant général des armées du roi
10 avril 1766 – 24 décembre 1770
Monarque

Louis XV de France
Gouvernement

Ministres de Louis XV
Secrétaire d'État à la Guerre
27 janvier 1761 – 24 décembre 1770
Monarque

Louis XV de France
Gouvernement

Ministres de Louis XV
Secrétaire d'État à la Marine
15 octobre 1761 – 10 avril 1766
Monarque

Louis XV de France
Gouvernement

Ministres de Louis XV
Biographie
Titre complet

1er Duc d'Amboise dit « de Choiseul »
et pair de France
Dynastie

Maison de Choiseul
Date de naissance
28 juin 1719
Lieu de naissance

Nancy
(Drapeau de la Lorraine Duché de Lorraine)
Date de décès

8 mai 1785(à 65 ans)
Lieu de décès

Château de Chanteloup
Nationalité

Drapeau du royaume de France Royaume de France
Résidence

Château de La Bourdaisière
Château d'Amboise
Château de Chanteloup

Ambassadeur de France près le Saint-Siège
Ministres de Louis XV
Ministre français des Affaires étrangères
Ministre français de la Défense
Ministre français de la Marine et des Colonies



Le duc de Choiseul.




Louise Honorine Crozat du Châtel (1737-1801), duchesse de Choiseul, sans postérité.


Étienne-François de Choiseul-Beaupré-Stainville, comte puis duc de Choiseul-(Stainville) (1758) et duc d'Amboise (1764), est un homme d'État français né le 28 juin 1719 à Nancy et mort le 8 mai 1785 au château de Chanteloup. Il fut le chef du gouvernement de Louis XV entre 1758 et 1770.


Il était préoccupé par la modernisation de l'État et son renforcement face au pouvoir de l'Église, symbolisant l'alliance sociologique et politique entre une frange libérale de la noblesse européenne et la bourgeoisie progressiste d'affaires, tout comme William Pitt en Grande-Bretagne, Pombal au Portugal, Tanucci à Naples, Du Tillot à Parme, Kaunitz en Autriche.


Son ami le baron de Gleichen, diplomate danois, l'a décrit comme « d'une taille assez petite, plus robuste que svelte, et d'une laideur fort agréable ; ses petits yeux brillaient d'esprit ; son nez au vent lui donnait un air plaisant ». Il est au contraire vu par ses ennemis comme un boute-feu qui a embrasé l'Europe[1]. Bête noire de Frédéric II et de Catherine II, qui se plaignaient de son interventionnisme, il a œuvré à l'alliance défensive avec la cour de Vienne, via le traité du 1er mai 1756, accélérateur de la guerre de Sept Ans.




Sommaire






  • 1 Origines et famille


  • 2 Carrière militaire


  • 3 Carrière diplomatique


  • 4 Les méthodes de Choiseul


  • 5 Le duc de Choiseul et son œuvre politique


    • 5.1 Appréciation de ses contemporains


    • 5.2 Perception dans l'historiographie républicaine


    • 5.3 1758 : Accession au pouvoir


    • 5.4 Choiseul et le pacte de famille


    • 5.5 Le traité de Paris de 1763 : désastre et revanche future


    • 5.6 Une réorientation de la politique diplomatique


    • 5.7 L'annexion de la Lorraine


    • 5.8 La relance de la politique méditerranéenne


    • 5.9 L’acquisition de la Corse


      • 5.9.1 Chronologie




    • 5.10 Une politique étrangère au service des intérêts économiques de l'État : le conflit avec Genève


    • 5.11 La crise des Malouines


    • 5.12 Le jeu diplomatique ambigu de Louis XV : le cabinet secret




  • 6 Politique intérieure de Choiseul : la lutte contre le parti dévot


    • 6.1 Dissolution de l'ordre des jésuites


    • 6.2 Politique de redressement national : stratégie et limites financières


    • 6.3 Réformes militaires : la refondation d'un outil de puissance


    • 6.4 Choiseul était-il un libéral ?


    • 6.5 Une politique financière en crise structurelle


    • 6.6 Contestation du pouvoir de Choiseul : le déclin progressif de la faveur royale


    • 6.7 Disgrâce et chute




  • 7 Dernières années


    • 7.1 La vie à Chanteloup




  • 8 Un grand amateur d'art


  • 9 Titres


  • 10 Décorations


  • 11 Armoiries


  • 12 Généalogie


  • 13 Iconographie


  • 14 Filmographie


  • 15 Notes et références


    • 15.1 Sources




  • 16 Bibliographie


  • 17 Voir aussi


    • 17.1 Articles connexes


    • 17.2 Liens externes







Origines et famille |


La maison de Choiseul se distingue dès 1215 par une alliance prestigieuse, Raynard de Choiseul épousant en Alix de Dreux, fille de Robert II, comte de Dreux et petit-fils du roi Louis VI le Gros, une princesse capétienne.


Par son grand-père le baron François Joseph de Choiseul-Beaupré (1650-1711)[2], dernier gouverneur de l'île de la Tortue puis gouverneur de Saint-Domingue, Étienne de Choiseul hérite de plantations[3] au Bonnet à l'Evêque, paroisse de la Petite-Anse (Haïti), dont il "tire de solides bénéfices"[4].


Il est le fils aîné de François, Joseph de Choiseul-Beaupré, marquis de Stainville (né à Chassey-Beaupré le 12 janvier 1696 et décédé le 27 novembre 1769 à Paris) qui avait 30 000 livres de rente et se livrait "au plaisir de la bonne chère, sa passion dominante"[5]. et de Françoise-Louise de Bassompierre. Son frère cadet Jacques Philippe de Choiseul, se consacre à la carrière militaire, tandis que sa sœur, Béatrix de Choiseul-Stainville, est une salonnière et bibliophile, aux manières libres et brusques, une femme impérieuse et tranchante, qui a de l'influence sur Étienne François.


Sujet du duc Léopold Ier de Lorraine, Etienne-François reçoit les prénoms du fils du duc. Le souverain - qui fit l'admiration de Voltaire - meurt en 1729 et le prince François-Etienne lui succède.


Le Traité de Vienne donnant la Lorraine et le Barrois à Stanislas Leszszynski, beau-père du roi de France, le duc François III Etienne reçoit en compensation le grand-duché de Toscane et nomme le jeune Choiseul "Ministre de Toscane" auprès de la cour de France.


Ayant épousé l'archiduchesse Marie-Thérèse, fille aînée de l'empereur, l'ex-duc de Lorraine sera élu empereur en 1745.


Le 22 décembre 1750, Choiseul épousera Louise Honorine Crozat, fille de Louis François Crozat, et petite-fille d'Antoine Crozat, première fortune de France sous Louis XIV. Il avait eu un enfant avec la sœur aînée de Louise, déjà mariée ; au moment de mourir, celle-ci fit promettre à sa sœur (âgée de dix ans) d'épouser le futur duc de Choiseul[réf. nécessaire]. La jeune Louise lui apporte 120 000 livres de rente et l'hôtel de Choiseul. Une autre des sœurs de Louise est une des intimes de la Marquise de Pompadour[6], maîtresse de Louis XV, qui va donc désormais appuyer totalement sa carrière diplomatique[7].


Il adopta[8]Claude-Antoine-Gabriel de Choiseul, fils d'une cousine issue de germains, qui avait épousé sa nièce Marie Stéphanie de Choiseul (1763-1833).



Carrière militaire |


Étienne François participe aux campagnes de Bohême en 1741 et d’Italie, notamment la bataille de Coni, pendant la guerre de Succession d'Autriche, dans le régiment de Navarre. Après la défense du Rhin et la campagne de Flandre, il est promu sous-lieutenant (1739), colonel (1743), puis brigadier et maréchal de camp. De 1745 à 1748, il est aux Pays-Bas pendant les sièges de Mons, Charleroi et Maastricht et atteint le rang de lieutenant général.


En 1750 il fait partie, avec le roi Stanislas Leszczynski, des membres fondateurs de l'Académie de Stanislas à Nancy[9].



Carrière diplomatique |


Brièvement bailli des Vosges, il devient en juillet 1753 maréchal de camp en Flandre, sous les ordres du prince de Soubise. À son retour, en octobre, une lettre du maréchal de Noailles l'informe que le duc de Nivernais quitte l'ambassade de Rome. Nommé à sa place, il mène les négociations concernant les troubles provoqués par la résistance janséniste à la bulle papale Unigenitus[10].


En 1756, sa protectrice, la marquise de Pompadour, le fait nommer à Vienne, après des recommandations flatteuses[11]. Il doit y cimenter la nouvelle alliance entre la France et l’Autriche, et y parvient par un traité, assorti de la promesse d'un mariage entre le Dauphin, futur Louis XVI, et l'archiduchesse Marie-Antoinette. En récompense, la terre de Stainville sera érigée en duché et l’ambassadeur prend le titre de duc de Choiseul dès 1758.


La fonction à Vienne est la fois diplomatique et militaire, car il doit concerter les mouvements des armées françaises avec ceux des armées autrichiennes, devenant un point central où les informations politiques et les faits de guerre convergent[12].


Près d'une centaine de courriers des généraux français lui seront destinés durant les quinze mois de son ambassade. Ainsi le désastre de Rossbach en 1757 fait écrire au maréchal de Belle Isle dans la lettre qu'il destine à Choiseul « Je ne suis pas surpris, monsieur, que vous ayez le cœur navré de l’affaire du 5. Je n’oserais faire par écrit toutes les réflexions dont cette matière est susceptible. Contre tous les principes du métier et du bon sens, on a enfourné l’armée dans un fond et à mi-côte, laissant ce même ennemi maître de la hauteur, sur laquelle nous n’avions pas seulement le moindre petit détachement pour observer les mouvements du roi de Prusse, en sorte que toute notre armée était encore en marche et en colonnes lorsque toute la cavalerie prussienne a débouché en bataille sur notre tête, et que l’infanterie ennemie a paru sur la hauteur avec une nombreuse artillerie, à laquelle la nôtre, qui était dans le fond ou à mi-côte, n’a pu faire aucun mal… Je ne me consolerai jamais que des troupes du roi, que j’ai vues penser si longtemps noblement et agir avec autant de vigueur et de courage, aient perdu si promptement leur réputation et soient devenues le mépris de l’Europe. » Lors de la défaite de Krefeld en 1758 le général vaincu, le comte de Clermont constate dépité "nous avons seulement le souffle d'une armée."


Pour Choiseul, dans une lettre à Bernis, ce sont les trahisons à Paris qui expliquent ces désastres successifs « Je ne doute pas, écrit-il, que le roi de Prusse ne soit informé très exactement des différens sentimens de nos généraux et des ordres qu’ils reçoivent ; ce sont ces connaissances qui engagent ce prince à remuer avec succès 24 000 hommes vis-à-vis de plus de 120 000 de nos troupes. »


Naïf[réf. nécessaire], Bernis, son supérieur aux affaires étrangères, ne tarit pas d'éloges à l'égard de Choiseul qu'il considère comme un allié dans son ambition d'être premier ministre « Vous avez du nerf, et vous en donnerez plus que moi. Votre caractère s’affecte moins, vous tenez plus ferme contre les orages. Vous seriez plus propre que moi aux affaires étrangères ; vous auriez plus de moyens pour faire frapper de grands coups par notre amie. Je vous parle comme je pense, répondez de même et franchement. » En attendant la réponse, il se tourne vers Mme de Pompadour et s’efforce de la gagner à l’idée de ce changement. « Il ne tient qu’à vous, madame, que M. le duc de Choiseul ait ici une place. Il mettra une activité dans la guerre qui n’y est pas ; il en mettra dans la marine et dans la finance. Vous me ferez vivre trente ans de plus ; je ne sécherai plus sur pied. Vous aurez deux amis unis auprès de vous et l’ami intime de M. de Soubise. Vous ferez le bonheur des trois, et le roi en sera mieux servi. En un mot, M. le duc de Choiseul a un grand avantage sur moi, c’est de connaître la cour impériale, et c’est elle seule qui m’embarrasse. J’ai la tête frappée de notre état, et j’ai besoin du secours du duc de Choiseul pour nous en tirer ». La nomination de Choiseul en tant que duc et secrétaire d'État aux affaires étrangères et celle de Bernis au cardinalat et (in fine) à l'exil disgracié par Louis XV clôt ce jeu de dupes admirablement mené par Choiseul. Le 13 décembre 1758, le cardinal de Bernis s'était retiré des conseils du roi et s'était rendu à son abbaye Saint-Médard de Soissons « pour s'y occuper uniquement du soin de sa santé ». Le 2 novembre 1758, le roi Louis XV écrivait à Marie-Thérèse : « La santé de notre cousin le cardinal de Bernis n'ayant pu seconder son zèle infatigable dans le travail qu'exige le ministère de nos Affaires étrangères, nous n'avons pu nous dispenser de le décharger de ce fardeau. Pour le remplacer, nous n'avons pas cru pouvoir faire un choix plus conforme au bien de nos intérêts communs ni plus agréable à V. M. qu'en confiant ce même ministère à notre cousin le duc de Choiseul, qui est particulièrement instruit de notre ferme résolution à persévérer constamment dans le système d'union et d'alliance si heureusement établi entre nous et qui a vu, dans sa source, la réciprocité des intentions de V. M. pour le même objet. »



Les méthodes de Choiseul |


Il usa de la séduction et de la manipulation au service d'une vision exigeante de la Raison d'État, instrumentalisant par exemple la marquise de Pompadour jusqu'à en faire un objet de sa puissance, dupant le cardinal de Bernis devenu son marchepied pour accéder au pouvoir, instrumentalisant le roi d'Espagne Charles III afin d'en faire un allié docile de la France.



« Léger et frivole dans son privé jusqu’à l’effronterie, ses reparties cinglantes sont restées dans la postérité : “J'aime mon plaisir à la folie ; j'ai une très belle et très commode maison à Paris ; ma femme a beaucoup d'esprit ; ce qui est fort extraordinaire, elle ne me fait pas cocu ; ma famille et ma société me sont agréables infiniment... On a dit que j'avais des maîtresses passables, je les trouve, moi, délicieuses ; dites-moi, je vous prie, quand les soldats du roi de Prusse auraient douze pieds, ce que leur maître peut faire à cela ?”
Le duc de Choiseul est roué dans l’intrigue jusqu’au cynisme, il joignait aux grandes capacités de l’homme d’État le rayonnement d’un chef de parti, et de ce double fait il a dominé la vie politique de son temps »



.


Durant la guerre de Sept Ans, il organisa une politique de propagande autour de grands esprits tels Voltaire afin de contrebalancer les pamphlets de Frédéric II de Prusse rédigés contre Louis XV et madame de Pompadour.« (Choiseul) eut un atelier de satires, de chansons sur un même thème invariable, l'avilissement de Frédéric. Sur tous les tons, sur tous les airs, on chanta, on dit et redit qu'il vivait à la turque. Il n'appuyait que trop ces bruits par un cynisme étrange, l'ostentation des vices dont il était bien peu capable. Il n'était qu'un cerveau. S'il eût vécu ainsi, certes, il n'eût pas gardé cette énergie prodigieuse, cette capacité étonnante de travail jusqu'au dernier âge. Il n'est pas si facile d'être tout à la fois un Henri III et un héros. »[13]. Frédéric II de Prusse d'ailleurs gardera une rancune tenace envers le duc de Choiseul, accusé à demi-mot d'avoir fait circuler différentes rumeurs (avérées depuis par les historiens) sur son homosexualité.


L'amoralisme du duc de Choiseul dans les affaires de l’amour et du pouvoir – inextricablement enchevêtrées au long de sa carrière – ne l’empêchait pas d’avoir, à la différence de plusieurs de ses rivaux, une conception sérieuse et personnelle des tâches politiques.


Il fut à la fois laïc et libéral – admirateur du système britannique – et en même temps le contempteur et l'ennemi le plus résolu de la Grande-Bretagne ; c'est ce qui constitue là encore le paradoxe chez ce libéral anglophile idéologiquement et anglophobe politiquement. Il a été considéré injustement comme n'ayant jamais eu le projet de réformer l’État (cf. les Mémoires de Charles Maurice de Talleyrand). La réalité est plus complexe. Une certaine historiographie (Michel Antoine) s'est complu à le représenter comme héritier d'un courant libéral orléaniste opposé formellement au courant plus régalien d'un cardinal de Fleury ou plus tard d'un Vergennes. La réalité est moins caricaturale (Ladurie), Choiseul dans ses fonctions d'homme d'État a été à l'origine de la modernisation des appareils de souveraineté tels que l'armée, la marine, la diplomatie, afin de préparer la revanche contre l’Angleterre. De ce fait, il a contribué de manière directe à la victoire de la guerre d'indépendance américaine[14].


Son domaine favori était la politique extérieure, où il incarna une vue exigeante, mais non point déraisonnable ni stérile de la fierté nationale et du « leadership » français. Selon Edgar Faure, il disputait à Kaunitz le titre de « cocher de l’Europe ».


En 1752, alors que la cour était à Fontainebleau, Choiseul apprit par l’entremise de son cousin de Choiseul-Beaupré la liaison de l’épouse de son cousin avec Louis XV : le mari, furieux, ne parlait de rien moins que de mettre le feu au château de Versailles. Choiseul calma son cousin, le détourna de son projet et lui conseilla d'emmener tout simplement sa femme qui était enceinte de cinq mois, et ce prétexte suffit. Le lendemain, Choiseul rendit visite à sa cousine. Elle eut le tort de le prendre pour confident et lui ouvrit une cassette lui montrant les lettres du roi. Il y était question tout au long du renvoi de la marquise de Pompadour. Choiseul déclara nettement à sa cousine qu'il lui donnait quatre jours pour quitter Fontainebleau, et que si elle résistait il raconterait tout à son mari. « Il est de mon devoir, lui dit-il, de faire cesser une intrigue déshonorante pour ma famille. Ce n'est pas que je sois d'une pédanterie fort scrupuleuse sur l'amour, outre que j'approuverais tous les goûts, quels qu'ils fussent, que vous pourriez avoir, même que vous satisfassiez ceux du roi, pourvu que ce fût en secret et sans aucune apparence de crédit. » Mme de Romanet cria à la trahison, mais son cousin se montra inflexible et elle dut promettre de partir. Utilisant avec à-propos ces confidences, Choiseul reçut plusieurs messages pressants de la part de Madame de Pompadour priant Choiseul de passer chez elle. Il ne tint d'abord aucun compte de l'invitation puis, devant des instances très pressantes, Choiseul céda. Il trouva Mme de Pompadour tout éplorée. Il finit par avouer ce qu'il savait, c'est-à-dire que Mme de Romanet allait s'éloigner. La marquise, ravie de cette nouvelle, lui manifesta la plus vive reconnaissance. Choiseul obtint la faveur de Madame de Pompadour en lui procurant des lettres que Louis XV avait écrites à sa cousine, Madame de Choiseul-Beaupré. Choiseul écrivit à ce propos : « J'avais une sorte de malaise intérieur de ne pouvoir pas confier les motifs qui engageaient Mme de Pompadour à me marquer de l'intérêt, mais je pensais que l'ambassade de Rome n'était pas un emploi au-dessus de ce que je pouvais prétendre très raisonnablement, et que par conséquent je n'avais pas d'explication à donner au public sur un événement qui me paraissait fort simple. »



Le duc de Choiseul et son œuvre politique |


Choiseul a été l'objet d'une historiographie très évolutive basculant rapidement de la louange à la critique pour ensuite passer à une phase d'un long oubli réparé enfin par une lecture plus objective et équilibrée. Cela relève d'abord d'une vision a posteriori, non seulement du personnage lui-même mais aussi de l'époque qui l'a constitué. Dans le débat actuel sur la grandeur ou le déclin supposés de la France, le XVIIIe siècle est souvent mentionné, entre la mort de Louis XIV en 1715 et la Révolution française en 1789, comme un moment de grandeur culturelle et de décadence politique ; cette vision facile et idéologique est fréquente notamment dans les ouvrages de vulgarisation historique (Max Gallo, Éric Zemmour). Cette lecture historiographique superficielle est le symptôme d’un véritable effacement de la compréhension de la société d’Ancien Régime. Cette dérive est attestée déjà par Charles de Mazade au milieu du XIXe siècle : « Ceux qui dans leur jeunesse ont pu voir M. de Choiseul avant sa mort, ceux qui datent de la lutte des parlements et du chancelier Maupeou, ou qui ont pu entendre parler de Voltaire et de Mme Du Deffand comme de personnages qui vivaient encore la veille, ceux-là se compteraient aujourd’hui assurément. Ce passé d’hier qui s’appelle désormais l’Ancien Régime. »



Appréciation de ses contemporains |


Durant le XVIIIe siècle, le duc de Choiseul est perçu comme la quintessence de l'homme d'État dans son génie autant que dans ses chimères, il est représenté souvent comme la réincarnation du duc de Guise tant sa superbe et son éclat provoquent jalousie et haine. Il fut admiré par son disciple Talleyrand. Choiseul fut le modèle politique de Louis XVIII mais aussi de Metternich, notamment lorsque ce dernier eut à établir une politique d'équilibre et de rapprochement avec Napoléon. Beaumarchais s'est inspiré de lui pour le personnage du comte Almaviva des Noces de Figaro. Il bénéficie de l'amitié et de l'admiration de Voltaire et des encyclopédistes. Jean-Jacques Rousseau fait son éloge, de façon voilée, dans un alinéa du Contrat social[15], mais le ministre aurait pris le passage à contresens et se serait cru insulté. Tout en gardant une grande estime pour ses talents d'homme d'État, Rousseau fera de lui, à la suite de cette mauvaise interprétation supposée, l'un des principaux responsables des persécutions dirigées contre lui. Marie Du Deffand écrit : « Il est aussi charmant que jamais ; il n'y a plus que lui en qui on trouve de la grâce, de l'agrément et de la gaieté ; hors lui, tout est sot, extravagant ou pédant. » Le baron de Gleichen en guise d'hommage écrit à propos de Choiseul : « Il n'aimait les honneurs, la richesse et la puissance que pour en jouir et en faire jouir ceux qui l'entouraient. »


L'action politique et diplomatique du duc de Choiseul est l'objet durant la première moitié du XIXe siècle d’une assez profonde étude historiographique. Parmi les Trois Dialogues des Morts attribués à Frédéric II, roi de Prusse (1712-1786), se trouve celui qui met en scène Socrate, Étienne François duc de Choiseul et Johann Friedrich comte de Struensee, homme politique danois d'origine allemande (1737-1772). Choiseul est dépeint comme un homme à l'ambition démesurée dont la propension à la « grandeur » constitua une menace pour Frédéric II[16].


Tout au long du XIXe siècle, à l'exception notable de la IIIe République, Choiseul est considéré comme la figure politique centrale de la période pré-révolutionnaire. Louis XVIII dans ses Mémoires publiés en 1832 avouait sa grande admiration pour Choiseul, ce « Grand politique ». Pour Gaëtan de Raxis de Flassan, auteur d'une Histoire générale et raisonnée de la diplomatie française publiée en 1811, « Le duc de Choiseul […] son goût, ses talens, la considération dont il jouissait dans les cours étrangères, le rappelaient à ce poste, le plus important de tous. Il y portait de la grandeur, de la fermeté, de la franchise, et surtout un coup d'œil rapide qui lui faisait distinguer ce qui dans les anciens systèmes, à l'égard des diverses puissances, devait être maintenu, modifié ou rejeté. Il avait, ce qui avait de propre au génie, beaucoup d'aperçus neufs et frais ».
On connaît la description de Choiseul faite par Alexandre Dumas dans son roman Joseph Balsamo, dans un dialogue imaginé entre le duc de Richelieu et Madame du Barry, qui synthétise la représentation du XIXe siècle : l'homme des paradoxes, à la fois au faîte de la puissance du fait de son génie politique et au bord de la disgrâce du fait de la jalousie qu'il suscite chez ses opposants, au premier chef chez Madame Du Barry. Le duc est peint comme un Machiavel moderne, aimant à déstabiliser les esprits les plus roués tels le maréchal de Richelieu[17].


Pour Charles de Mazade, « Le duc de Choiseul fut un moment le roi, le dictateur tout-puissant […] d’avoir eu tous les dehors de la grandeur, d’avoir ressemblé à un contemporain de Louis XIV égaré dans le XVIIIe siècle. Pendant douze années, il tint d’une main ferme et souple les affaires de l’État. [Il avait] les vues et la ferme trempe d’un politique capable de concevoir la seule pensée patriotique qui se soit fait jour dans le XVIIIe siècle : c’était de fonder l’alliance du midi par le pacte de famille de 1761 et de préparer la France à retrouver sa puissance amoindrie par les dernières guerres. M. de Choiseul avait évidemment quelques-unes des qualités de l’homme d’État, le coup d’œil, l’esprit d’initiative, la hardiesse de conception, et ce qu’on appellerait de nos jours le sentiment de la grandeur de la France ; il avait en même temps les faiblesses de sa nature, la légèreté et l’étourderie audacieuse. Son grand art était d’éblouir et de gagner l’opinion en dissimulant ses fautes mêmes sous cette brillante aisance qui le faisait appeler par l’impératrice Catherine de Russie le cocher de l’Europe. Ce n’était pas un homme d’État méthodique, c’était un joueur hardi qui réussit tant que Mme de Pompadour fut là ; sa fortune eut une chance de moins à la mort de la marquise en 1764. »[18].



Perception dans l'historiographie républicaine |


À partir du milieu du XIXe siècle, Choiseul subit les foudres de l'histoire républicaine : Michelet[Où ?] mêle dans son opprobre indistinctement Louis XV et ses ministres, en premier lieu Choiseul. Celui-ci est dépeint par Michelet comme tyrannisant le roi : « C'est la jouissance peureuse du mauvais écolier (Louis XV) qui croit faire un tour à ses maîtres. Nulle part il n'est plus misérable. Il s'égare en ses propres fils, veut tromper ses agents, ment à ceux qui mentent pour lui, il perd la tête et convient qu'il "s'embrouille". Là son tyran Choiseul le pince et l'humilie. Il se renfonce dans l'obscur, dans la vie souterraine d'un rat sous le parquet. Mais on le tient : Versailles tout entier est sa souricière. L'affaire d'Éon […] illumine le rat dans ses plus misérables trous. Choiseul y est cruel, impitoyable pour son maître. On ne s'étonne pas de la haine fidèle que lui garda un homme qui haïssait peu (Louis XVI). » Choiseul est pour Michelet le représentant honnie de la Lorraine autrichienne, une réincarnation du clan des Guise.


Dans la seconde partie de la Troisième République, dans un contexte de la lutte avec l'Allemagne, il est réhabilité par Lavisse et par une historiographie sensible à l'effort de redressement politique et militaire amorcé par Choiseul. Cette lecture s'amplifie avec les travaux d'Edgar Faure dans les années 1960, qui restituent Choiseul dans son œuvre d'homme d'État. Il fut ensuite, notamment à la fin du XXe siècle, largement préempté en tant qu'homme d'État d'inspiration libérale (en termes politiques). Ainsi l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie le voit-il en continuateur de la politique intérieure du Régent Philippe d'Orléans (1715-1723). [réf. nécessaire]


Pour Emmanuel Le Roy Ladurie, l'année 1763 « marque le début d'un déclin plus que bi-séculaire de la France, du moins du point de vue de la puissance » ; Choiseul est néanmoins inscrit dans une phase « ouverte » de l'histoire de la monarchie française, marquée par une certaine prospérité économique et un pragmatisme idéologique propre à tout effort de modernisation. « Périodes d'ouverture : Anne de Beaujeu, Henri III, la Régent Philippe d'Orléans, Choiseul, phases au cours desquelles la France s'approche quelque peu, de très loin, et sans jamais égaler celles-ci, du "paradis" des libertés anglaises. » En opposition avec « les périodes de rigueur : Louis XI, Louis XIV, le comte Pierre d'Argenson, Maupeou, périodes caractérisées par le trinôme autorité-fiscalité-voire intolérance ». Le Roy Ladurie le reconnaît sans ambages : « Mes sympathies de citoyen vont bien sûr davantage aux phases d'ouverture plus ou moins "à l'anglaise" ». [réf. nécessaire]


Pour l'historien Guy Nogaret, Choiseul est le prédécesseur généalogique de la gauche politique française.[réf. nécessaire]


Libéral en politique intérieure, conservateur en politique extérieure, régalien dans le renforcement de l'État, libéral en économie, Choiseul déroute et surprend les regards historiographiques trop linéaires. Dans le personnel politique européen de cette époque, il est avec Pitt l'homme d'État ayant la vision la plus mondiale des enjeux diplomatiques. Sa vision stratégique l'a conduit à percevoir mieux que d'autres le caractère international de la guerre de Sept Ans (Jonathan R. Dull) et anticiper de manière remarquable la guerre d'indépendance américaine.



1758 : Accession au pouvoir |




Armoiries de la Maison de Choiseul.


L'accès au pouvoir de Choiseul en 1758 s'effectue dans un contexte des batailles perdues à Rossbach (1757) et Krefeld (1758) et de conflit entre Louis XV et la cour à propos de l'influence de la marquise de Pompadour.


Depuis la mort de Fleury en 1743, la France semble en crise de direction politique et déchirée par les luttes de factions. Rapidement, Choiseul met fin à l'effondrement de l'autorité royale. Sa réussite lui permet de devenir secrétaire d’État aux Affaires étrangères de 1758 à 1761. À peine installé, il fait nommer banquier de la cour son ami le financier Jean-Joseph de Laborde, à la principale fonction économique et commerciale du royaume[19].


En politique étrangère, il considère que les deux premiers traités franco autrichiens furent très mal négociés et négocie un renouvellement du traité de Versailles entre la France et l'Autriche, prévoyant de s'assister réciproquement et de ne faire la paix que d'un commun accord. En 1761, il négocie avec Jerónimo Grimaldi le troisième Pacte de famille Bourbon entre la France et l’Espagne.


Cette même année, il devient également secrétaire d’État à la Guerre et à la Marine, poste auquel il avait appelé le lieutenant général de la police Antoine de Sartine, transférant le secrétariat d’État aux Affaires étrangères à son cousin Choiseul-Praslin, propriétaire de Vaux-le-Vicomte. Les esprits ayant été démoralisés par les défaites successives, il cherche à arrêter rapidement la guerre de Sept Ans, signant le traité de Paris de 1763 qui transfère à la Grande-Bretagne le Canada et l’Inde mais conserve à la France les Antilles et la production du sucre.


En 1766, il reprendra les Affaires étrangères, Choiseul-Praslin héritant la Marine. De 1766 à 1770, succèdant au cardinal de Bernis, il est fait « duc » et « pair de France ».


La politique de Choiseul se fait en deux périodes: il se concentre sur l'effort de guerre et les moyens d'en sortir entre 1758 et 1762, puis entre 1762 et 1770 sur la rénovation de la politique étrangère, la modernisation de l'armée et la reconstruction d'une flotte susceptible de rivaliser avec l’Angleterre.


À son accession au pouvoir, la diplomatie des successeurs de Fleury était monopolisée par les féodalités et les aristocraties ministérielles, décrédibilisant la politique étrangère de Louis XV, trop soucieux de paix. Choiseul a eu pour axe principal le renforcement des liens diplomatiques avec les alliés traditionnels de la France (Suède, Pologne, Empire ottoman) alors en déclin et marginalisées par la Prusse et la Russie.


À ses yeux, les intérêts à long terme de la France sont trop souvent sacrifiés au profit des avantages de court terme, via le financement des gouvernements alliés ou vassaux, par exemple via la convention du 10 novembre 1738 signée avec la Suède, qui promettait soutien militaire et politique, en échange de 45 millions de livres versées entre 1738 et 1765. La convention de 1765 ramena le transfert à 12 millions de livres entre 1765 et 1772.


Louis Auguste Le Tonnelier de Breteuil, nouvel ambassadeur en Suède, reçoit des instructions claires : la France ne doit plus soutenir une faction (les chapeaux) contre l'autre (les bonnets, pro-russe), mais renforcer le pouvoir monarchique, tenant d'une diplomatie pro-française, face à la diète réputée pro-russe :



« Le règne de Charles XII a été funeste à la puissance et à la considération de la Suède. Cette couronne pendant la vie d'un prince qui trouvait toujours ses ressources (..) préféra la continuité de la guerre à une paix qu'elle prévoyait ne pouvoir être qu’humiliante et onéreuse pour elle (..) La France en se laissant aller à la circonstance du moment, a fait la faute d'exciter et de soutenir le parti qu'on appelle patriotique, pour enchaîner la puissance royale en Suède, établir dans ce royaume une administration métaphysique, qu'autant que tous les Suédois seraient aussi sages d'esprit et de mœurs, que pourrait l'être Platon […] Je conclus que la Suède aristocratique, démocratique et platonique, ne sera jamais une allée utile; il faut augmenter le pouvoir monarchique en Suède de manière que le roi ait la principale influence sur les forces du pays et sur les alliances étrangères (..) Sa majesté Louis XV ne peut pas être liée à un parti (..) elle veut donc diriger toutes ses démarches sur un plan solide (..) rendre au roi de Suède l'autorité que les précédentes diètes lui ont enlevée. »



Ses recommandations se caractérisent par une approche résolument moderne des rapports de forces, préoccupés uniquement du rôle et du rang de la France. Sa politique est fondée sur la double opposition envers l’Angleterre et la Russie, puissance émergente.



Choiseul et le pacte de famille |


Dès le 25 décembre, Choiseul comme ses prédécesseurs n'a eu de cesse d'alerter la cour des Bourbons d'Espagne sur le danger d'une suprématie britannique dans les Amériques, dès sa prise de fonction il écrit à d'Aubeterre ambassadeur de France à Madrid : « J'ai vu. M', par plusieurs dépêches qui vous ont été adressées et, en particulier, par celles du 29 août et du 12 septembre dernier, que nous n'avons dissimulé à l'Espagne ni nos inquiétudes par rapport au Canada, ni le danger auquel les établissements espagnols en Amérique seraient infailliblement exposés si nos colonies, qui leur servent de barrière, devenaient la conquête des Anglais. Quoique cette matière ait été déjà traitée amplement de votre part avec les ministres de S, M. catholique à intention du roi est que vous remettiez de nouveau sous leurs yeux les motifs qui devraient enfin déterminer la cour de Madrid à faire cause commune avec nous dans une circonstance qui ne l'intéresse pas moins que nous-mêmes. Si les Anglais s'emparent du Canada, ce qui malheureusement n'est que trop vraisemblable (malgré toutes les précautions que nous prenons pour sa défense), ils se rendront encore plus facilement les maîtres de la Louisiane et rien ne pourra plus mettre un frein à l'exécution du projet favori, qu'ils ont toujours en vue, d'avoir un port dans le golfe du Mexique. Les moments sont précieux et il n'y en a pas un seul à perdre. Il faut donc, aussitôt que vous aurez reçu cette dépêche, que vous vous expliquiez sur cette matière avec M. Wall et que vous lui demandiez, au nom du Roi, de vous dire si l'Espagne veut courir les risques auxquels ses domaines en Amérique sont exposés ou si elle veut les prévenir. Dans le premier cas, c'est à ce ministre et à ses confrères à réfléchir sur les reproches fondées qu'on aurait à leur faire dans la suite si leur maître et leur nation éprouvaient les malheurs qui seraient la suite naturelle de la perte de nos colonies. » (In Bourguet). Choiseul dut attendre la mort de Ferdinand VI pour véritablement arrimer l'Espagne à la France, il ne resta pas pour autant dans l'attentisme ; en effet dans cette période de transition entre 1758 et la fin de 1759, Choiseul posa habillement les jalons de l'alliance future avec le roi de Naples et futur roi d'Espagne Charles III afin d'établir sur les fondements les plus solides une confiance entière et le plus grand concert de principes et de vues avec lui par rapport à tous les objets que la maladie du roi d'Espagne pouvait faire envisager comme prochains. »[20]


De manière habile, Choiseul fit savoir au futur Charles III le 5 juin 1759 que Louis XV s'était assuré qu'au moment de la mort du roi Ferdinand VI, ni la cour de Vienne ni celle de Turin ne feraient aucune démarche pouvant troubler la situation politique de l'Italie et que tout y resterait en l'état jusqu'à la conclusion de la paix générale. Dans cette stratégie, Choiseul vise à ne pas brusquer l’orgueil historique des Espagnols afin de les amener à ses vues :



« Nous désirons de très bonne foi et conformément aux principes de la plus saine politique, de rendre parfaite et inaltérable la liaison intime qui, pour toutes sortes de motifs, doit subsister entre les deux monarchies. Mais pour y parvenir par les voies les plus honnêtes et les plus sûres, nous nous écarterons dans notre manière de procéder des routes qu'on a trop constamment suivies jusqu'à présent à Madrid et nous aurons attention à proscrire de nos propos et de notre conduite tout ce qui pourrait avoir quelque air de supériorité vis-à-vis des Espagnols.


Nous éviterons d'aller trop au-devant de la cour de Madrid, disait le ministre. Notre intérêt et notre intention sont de la ménager, mais nous ne la fatiguerons pas de nos demandes et nous nous mettrons encore moins dans le cas d'éprouver un dégoût de sa part par le refus qu'elle ferait de se prêter à nos vues et à nos désirs »



— Choiseul Ministère des Affaires étrangères : Espagne 525, f> 28.1


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Il semblait difficile à Choiseul « qu'un prince de la maison de Bourbon qui régnerait en Espagne ne se sentît tôt ou tard essentiellement intéressé à s'unir avec la France » Ce Pacte de Famille est vu comme un des succès diplomatiques majeurs de Choiseul dans sa lutte contre l’Angleterre. D'ailleurs, l’historiographie espagnole au XIXe siècle a reproché au roi Charles III d'avoir été le jouet de la politique de Choiseul responsable de l'entrée en guerre de l'Espagne durant la guerre de Sept Ans.


Choiseul sur deux points réussit à faire de Charles III un supplétif de la politique française en marginalisant du même coup la ligne neutraliste et anglophile des anciens ministres du roi précédent Ferdinand VI, en premier lieu Ricardo Wall exilé à la suite du succès de Choiseul. Pour Alfred Bourguet la prise de fonction de Choiseul notamment dans cette politique d’Espagne est caractérisée par une sûreté de vue alliée à une énergie peu commune : « on sent qu'un esprit nouveau animait les conseils de Louis XV depuis que le duc de Choiseul y avait pris sa place. Avec lui, les qualités de décision et de clarté, qui répondent si bien à notre goût national, apparaissent au premier plan et sonnent le réveil de l'énergie française »[21].


Dans le préambule de ce pacte, signé par eux le 15 août 1761, le roi de France et le roi d'Espagne déclarent qu'ils regarderont à l'avenir comme leur ennemie toute puissance qui le deviendra de l'un ou de l'autre. Il est à noter cependant que ni le roi des Deux-Siciles ni le duc de Parme n'accédèrent au Pacte de Famille. Le traité de 1761 stipulait de plus qu'il devrait être regardé comme un pacte de famille, et que nulle puissance, autre que celles appartenant à cette maison, ne pourrait être invitée à y accéder. Néanmoins, au début de l'année 1762, le roi Charles III le proposa à son beau-frère, le roi du Portugal pour essayer, sans succès, de le faire s'opposer à l'Angleterre. Ce pacte renforça l'obsession et la hantise de l'Angleterre vis-à-vis de son encerclement, ainsi, en 1814, elle contraignit l'Espagne à signer un engagement secret afin de ne pas renouveler avec les Bourbons le Pacte de Famille.



Le traité de Paris de 1763 : désastre et revanche future |


Choiseul est conscient que dès le début des hostilités, l'orientation de la guerre fut très mal menée, il ne fut jamais dupe du soutien autrichien, et dès sa prise de fonction il n'eut de cesse que de sortir du conflit du mieux possible avec un double objectif; mettre fin à l'alliance entre la Prusse et l'Angleterre, traiter séparément un traité de paix avec l'Angleterre. La mort de Georges II en 1760, le renversement du premier ministre britannique Pitt en 1761, lui donnent un cadre politique plus favorable pour avancer une demande de paix directement adressée à l'Angleterre conduite par de nouveaux dirigeants plus conciliants, en l'espèce Georges III.


La négociation franco-britannique permit à Choiseul de séparer l’Angleterre de la Prusse, le 3 novembre 1762 sont signés les préliminaires de paix de Fontainebleau entre la France, l'Espagne et l'Angleterre ratifié lors du traité de Paris le 10 février 1763. Jamais Frédéric II de Prusse ne pardonna ce qu'il estima une trahison de l'Angleterre.


La France évacue les territoires des alliés de l'Angleterre en Allemagne, ainsi que les territoires du Hanovre, propriété personnelle du roi de Grande-Bretagne.


La Grande-Bretagne rend Belle-Île à la France, prise en 1761.


Dans les colonies américaines :



  • La Grande-Bretagne obtient de la France l'Île Royale, l'Isle Saint-Jean, l'Acadie, et le Canada, y compris le bassin des Grands Lacs et la rive gauche du Mississippi.

  • Conformément à la capitulation conditionnelle de 1760, la Grande-Bretagne garantit une liberté de religion limitée aux Canadiens.

  • L'Espagne reçoit l'Ouest du Mississippi, donc la Louisiane, et le delta et la Nouvelle-Orléans.

  • L'Espagne cède, quant à elle, la Floride à la Grande-Bretagne.

  • La France conserve des droits de pêche à Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent. En retour, elle acquiert Saint-Pierre-et-Miquelon et recouvre ses lucratives possessions dans les Antilles.


Dans le reste du monde :


  • La France recouvre ses comptoirs en Inde (Pondichéry) et son poste de traite des esclaves sur l'île de Gorée (Sénégal) mais elle cède Saint-Louis du Sénégal.

Le bilan de ce traité est formellement très positif pour la Grande-Bretagne qui acquiert un grand empire alors que la France perd son premier empire colonial. Choiseul en signant le traité de Paris dit de manière prémonitoire : « Parfait, nous partons, ce sera bientôt le tour de l'Angleterre. »
Dans son dernier rapport à Louis XV en 1770, alors qu'il quittait ses fonctions, le duc de Choiseul écrivait qu’il n’y avait aucun regret à avoir abandonné le Canada : «Je crois que je puis avancer que la Corse est plus utile de toutes les manières à la France que ne l’était ou ne l’avait été le Canada.». La Corse avait été achetée aux Génois en 1768 — pour 200 000 livres tournois, somme devant être payée chaque année pendant dix ans — afin de rétablir la maîtrise de la France en Méditerranée.


Cette vision du traité de Paris est depuis une dizaine d'années radicalement remise en question par l'historiographie anglo-américaine comme l’écrit l’historien Dull : le traité de Paris aussi désastreux qu’il puisse paraître à première vue, a permis à la France de conserver son statut de puissance maritime grâce à la restitution des Antilles et des droits de pêche devant Terre-Neuve avec Miquelon et Saint-Pierre. Les concessions des Anglais sur le sujet constituèrent à mains égard une grande faute. Une fois la paix signée, la France commença à reconstruire son armée et à rétablir un ordre militaire conséquent sur mer et sur terre. Son adversaire le plus implacable durant la guerre de Sept Ans William Pitt dira de Choiseul qu'il fut « l'homme d'État le plus éminent depuis Richelieu ».


Au cours des négociations de paix de l'été 1761, le duc Étienne-François de Choiseul fit une confidence au négociateur britannique, Hans Stanley (1721-1780), qui mérite d'être rapportée : «Je m'étonne que votre grand Pitt attache tant d'importance à l'acquisition du Canada, territoire trop peu peuplé pour devenir jamais dangereux pour vous, et qui, entre nos mains, servirait à garder vos colonies dans une dépendance dont elles ne manqueront pas de s'affranchir le jour où le Canada sera cédé.»


Dans l’espoir qu’un nouveau conflit, cette fois-ci victorieux, pourra rétablir l’équilibre des puissances en Europe, il réforme avec énergie l’Armée et la Marine. L’un des premiers actes de cette politique de redressement fut l’ordonnance du 10 décembre 1762, celle-ci donna à l’infanterie une forme nouvelle. Chaque bataillon fut composé d’une Compagnie de grenadiers et de huit Compagnies de fusiliers. La même ordonnance établissait sur des bases plus solides, l’administration intérieure, la police et la discipline des Corps. Elle réformait les commandant de bataillon, qui ne devaient plus être employé dans ce grade qu’à l’armée seulement; supprimant les prévôts, créait un sous aide-major et deux porte-drapeau, choisis parmi les sergents et ayant de lieutenant, pour remplacer les deux enseignes. 92 régiments étaient conservés sur pied. Cette ordonnance provoqua la démission de beaucoup de vieux officiers attachés à leurs privilèges à l’ancien ordre des choses.



Une réorientation de la politique diplomatique |


Le 14 mai 1770, à deux pas de Compiègne, la jeune dauphine Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine rencontre le premier ministre, le duc de Choiseul, venu au-devant d'elle. Le mariage entre le dauphin, futur Louis XVI et l'archiduchesse fille de l'impératrice Marie Thérèse est censé renforcer le pacte diplomatique entre Vienne et Paris. Pourtant ce mariage constitue le chant du cygne d'une alliance peu populaire dans l'opinion publique française. La France a été déçue par le soutien ambigu de l’Autriche pendant la guerre. Trop souvent, l'historiographie a négligé l'idée que la politique pro-autrichienne fut d'abord guidée par Louis XV lui-même et ceci bien avant l'arrivée au pouvoir de Choiseul. Celui-ci dès sa prise de pouvoir en 1758, constate la disproportion des efforts entre la France engagée sur tous les fronts de la guerre de Sept Ans et l'Autriche dont l'unique effort se situe en Allemagne. Le premier ministre effectif sinon en titre, fera de cet argument une de ses principales motivations pour terminer ce conflit. Il considère que les deux traités de Versailles signés en 1756 et 1757 ont été plus à l'avantage de l'Autriche que de la France. Il reprochera a posteriori leur naïveté aux négociateurs français. En effet, au sujet de la négociation du « renversement des alliances », Marie-Thérèse avait employé son ambassadeur en France, Starhemberg, auprès du Louis-François de Bourbon-Conti cousin du Roi. C'est le comte de Starhemberg qui mentionne à l'impératrice que Conti n'a plus aucune influence auprès de Louis XV et qu'il valait mieux utiliser la marquise de Pompadour… Tous les autres ministres de Louis XV étaient ouvertement anti-autrichiens, le cabinet ministériel du roi étant divisé, les opposants qui eurent été de fins négociateurs dans cette importante phase de politique étrangère française, ne jouèrent aucun rôle. Dans ces négociations, l'Autriche eut sans conteste affaire à une partie facile tant les Français avec qui elle avait à traiter n'étaient que peu habiles en matière politique et diplomatique : la marquise de Pompadour (elle reconnaissait qu'elle n'était pas apte à cette négociation) et Bernis (dit « Babet la Bouquetiere ») qu'elle s'était adjoint (Pompadour regrettera amèrement ce choix malheureux plus tard).


Ainsi, contrairement à la légende diffusée notamment par l'historien de la fin du XIXe siècle R. Waddington, Choiseul ne fut jamais un inconditionnel de la politique pro-autrichienne. Homme d'État, lucide et stratège, il obéissait d'abord à une double logique à court terme, une tactique pragmatique liée au soutien de madame de Pompadour, la mort de celle-ci en 1764 lui donna les marges de manœuvre nécessaires pour définir une stratégie de long terme de mise à distance voulue et consciente vis-à-vis de Vienne. Comme le souligne avec beaucoup d'à-propos Gabriel Monod dans la préface de l'ouvrage fondamental d'Alfred Bourget sur la politique étrangère du duc de Choiseul :



« Il quitta l'Autriche comblé des marques de distinction et de bonté que les souverains impériaux lui prodiguèrent. Il leur en garda toujours une vive reconnaissance et n'hésita pas à la leur témoigner en toutes les occasions possibles, mais sans que l'amitié de Marie-Thérèse pût lui faire oublier qu'il était, avant tout, le serviteur de la France et le défenseur de ses intérêts. C'est à ces intérêts qu'il consacra sa vie. C'est ce qui fait la grandeur de sa tâche et l'importance qu'il y a de la bien connaître. « Le défaut des Français, » a dit un jour Frédéric le Grand, « est d'être tour à tour, et suivant leur inclination du moment, Anglais, Prussiens ou Autrichiens. Choiseul fut trop Autrichien. Le mot dénote quelqu'un qui aime à faire de l'esprit, mais l'examen de la correspondance du ministre ne permet pas de le ratifier sans réserves. Déjà, quand il était à Vienne, Choiseul ne se laissait pas aveugler, comme on l'a parfois prétendu, par le désir exclusif de plaire à la cour auprès de laquelle il se trouvait accrédité. S'il se montrait plus favorable que Bemis à la continuation de la guerre, c'est qu'il était plus jeune et plus audacieux que son chef. Il espérait tellement en la vitalité de la France qu'il croyait que l'avenir consolerait du passé et qu'il serait possible de réparer les premiers malheurs de ces funestes campagnes. »



L'échec des deux États (et leurs alliés) à vaincre la Prusse a été considéré par Choiseul comme une des principales raisons de la perte par la France de nombreuses colonies au profit des Britanniques, tandis que les Autrichiens n'ont guère été impressionnés par le niveau de l'aide française reçue en vue de récupérer la Silésie. Le comte de Mercy-Argenteau, nouvel ambassadeur autrichien, n'a pas l'habileté ni l'intelligence politique de son prédécesseur Starhemberg (1755-1766).


Cette déception a conduit à un refroidissement des relations entre les deux États, la France s'est rapprochée de sa voisine, l'Espagne, tandis que l'Autriche s'est tournée vers son allié russe à l'Est, avec lequel elle partageait une hostilité envers l'Empire ottoman. La conséquence est, de la part de Choiseul, un retrait progressif de la politique française vis-à-vis de l’Europe de l’Est et une réorientation diplomatique axée sur la revanche de la Grande-Bretagne. Cette volonté de réorientation se traduit notamment en Italie, ou Choiseul fait du duché de Parme une vassalité de la France, et ceci par le moyen de son protégé Guillaume du Tillot, premier ministre du duché de Parme, mis en place par la France et l'Espagne. D’ailleurs, par souci de limiter l'influence des Autrichiens, Choiseul exprime sa préférence pour une cousine de Louis XV, Bathilde d'Orléans, particulièrement riche, mais l'Espagne repousse cette proposition. Cette politique mécontenta les partisans de la politique autrichienne sans que pour autant Choiseul bénéficiât du soutien des dévots. Un exemple de ce refroidissement se traduira lors de sa disgrâce fin 1770 et son remplacement à la tête du ministère des affaires étrangères par le duc d'Aiguillon. Cette décision de Louis XV fut considérée largement avec satisfaction par le chancelier Kaunitz, le jugeant plus malléable et moins compétent que Choiseul.


Cette disgrâce fut pour Louis XV un acte d'autorité politique permettant d'inaugurer un changement dans les axes de priorités de la politique de l'État monarchique, négligeant le dehors au bénéfice du dedans, la politique étrangère durant les quatre dernières années de son règne fut profondément délaissée au profit d'une réaffirmation interne de l'État. Ce changement coûta à la France, la perte durable de son influence en Europe de l'Est avec en premier lieu le premier démembrement de la Pologne. Ce qui fit dire au roi Louis XV en apprenant le démembrement de la Pologne « Ah ! Cela ne serait pas arrivé, si Choiseul eût été encore ici » (Biographie universelle).


Le trésor royal étant exsangue, il lance le « don des vaisseaux » qu'il fait financer grâce à la volonté de revanche de l'opinion. Il investit dans les colonies des Antilles, notamment Saint-Domingue, et il achète la Corse à la république de Gênes mais subit un lourd échec en tentant une opération de colonisation rapide de la Guyane.



L'annexion de la Lorraine |


Choiseul, à la suite du décès du roi et duc Stanislas Leszczyński en 1766 et conformément à la convention de 1735, en février 1766, prend officiellement possession du Barrois et de la Lorraine au nom du roi. Il crée le Grand-gouvernement de Lorraine-et-Barrois qui acte l'annexion du Duché de Lorraine et de Bar par le Royaume de France. Ce Grand gouvernement gérait les territoires suivants :



  • le Duché de Lorraine et de Bar,

  • la province des Trois-Évêchés (province Française de facto depuis 1552),

  • le Luxembourg français (bailliage de Thionville, prévôté de Montmédy),

  • le duché de Carignan,

  • le pays de la Sarre,

  • le duché de Bouillon.



La relance de la politique méditerranéenne |


La politique méditerranéenne de Choiseul peut se comprendre par le souci de contenir la puissance russe par l'entremise de l'Empire ottoman (voir Archives des Affaires étrangères). En effet la Méditerranée est inscrite dans une vision géopolitique hantée par la menace Russe notamment. Dans l'espoir de desserrer l'emprise russe en Pologne, où Stanislas Auguste Poniatowski avait été élu roi en 1764 sous la protection des troupes de Catherine II, Choiseul s'efforça de convaincre l'empire ottoman, inquiet pour sa propre sécurité, à entrer en guerre contre la Russie. Ses instructions furent servies avec zèle par le nouvel ambassadeur français à Constantinople, puisque le Grand Seigneur entra en conflit contre la Russie en octobre 1768[22].


Cette volonté anti-russe, inspire à Choiseul non seulement des instructions précises aux ministres envoyés à Saint-Pétersbourg, mais aussi le conduit à soutenir financièrement les confédérés polonais. Le premier ministre ordonne au comte de Vergennes, ambassadeur de Constantinople, de pousser le Sultan à la guerre contre la Russie. Cette volonté se précise dans un mémoire envoyé par Choiseul à son chargé d'affaires en Russie Sabatier de Cabre, le 30 mai 1769 : « le vœu du roi est donc que la guerre actuelle entre la Russie et les Turcs dure assez de temps pour que la cour de Saint-Pétersbourg, humiliée ou du moins épuisée ne puisse de longtemps penser à abuser de la puissance[…] et s'immiscer aussi avant dans les affaires générales de l'Europe qu'elle a été tentée de le faire vers la fin des deux guerres […] La France seule s'est montrée résolue de s'y opposer ».


Malgré les mises en garde de Vergennes, Choiseul est certain de la puissance militaire de l’Empire ottoman non pas tant pour vaincre la puissance russe mais du moins pour retarder son affirmation en Europe. Cette politique légitimement cynique encourage une guerre qui débute dès 1768. En 1770, année du départ de Choiseul du pouvoir, la flotte russe intervient en Méditerranée et détruit la marine de guerre ottomane lors de la bataille de Tchesmé (5 juillet). En août de la même année, la victoire terrestre de Kagoul établit définitivement la supériorité militaire russe. La Méditerranée orientale semble sous tutelle russe, Choiseul alarmé des projets de conquête de Constantinople nourris par Catherine II conduit son ambassadeur Saint-Priest à proposer le baron de Tott comme conseiller militaire au sultan Mustapha III afin de défendre les Dardanelles. Ceci n'empêchera pas la défaite finale de l'Empire ottoman, la diplomatie française dirigée par le duc d'Aiguillon ne poursuivra pas la stratégie offensive de Choiseul qui se retires de toute ambition géopolitique. Le traité de Kütchuk-Kaïnardja (21 juillet 1774) marque l'expansion méridionale de la Russie.


Les conceptions géopolitiques de Choiseul à propos de la Méditerranée ont été de nouveau discuté au début du règne de Louis XVI, partisan de la conquête de l'Empire ottoman, notamment à partir de sa province la plus riche : l'Égypte. Choiseul s'oppose à la politique de Vergennes qui soutient une démarche plus classique d'alliance avec l'empire Ottoman. Dans son projet égyptien, Choiseul aura pour héritier Napoléon Bonaparte.



L’acquisition de la Corse |


Choiseul à partir de 1763 réoriente la diplomatie française vers le Sud et délaisse le versant nord-européen ; cette politique vise à contrer l'influence grandissante de la Grande-Bretagne. Dans la Méditerranée orientale, il renoue la politique de Louis XIV et de François Ier envers l'Empire ottoman en établissant un dialogue politique et une coopération soutenue, avec ce dernier. En Méditerranée occidentale orientale, la Corse occupe une position importante, elle est un objectif fondamental pour le ministre français. Entre-temps, incapable de s'opposer toute seule à la révolte corse, Gênes doit faire appel au roi de France pour obtenir des troupes d'occupation à envoyer sur l'île en sédition.


Choiseul voit dans cet appel l'occasion qu'il cherchait pour occuper l'île sans déchaîner un nouveau conflit européen tel que la France ne pourrait soutenir à l'instant.


Plusieurs milliers de soldats français - pour le compte du gouvernement de Gênes et à ses frais - sont ainsi envoyés garnir les forteresses de l'île contre les Corses qui les assiègent.


Toutefois, Choiseul préfère tenir ses troupes enfermées dans les ports et dans les forteresses corses plutôt que de balayer la révolte, en se donnant des airs de médiateur entre les Corses et Gênes. En quelques années, sans avoir rien obtenu, l'ancienne République se trouve endettée envers le roi de France au-delà de ses possibilités économiques.


Ainsi, Choiseul force Gênes à céder la Corse, en résignant les créances que le roi de France a sur Gênes : elle avait cumulé une dette de 2 millions de lires avec Louis XV pour l'aide militaire qu'il avait fournie à la République ligure pour « réprimer » la révolte des Corses.


Le traité de Versailles du 15 mai 1768 rattache la Corse au patrimoine personnel du roi de France. C'est-à-dire que l'île reste juridiquement possession de la République de Gênes mais que, de fait, elle est occupée et administrée par la France.


Il n’est à l’origine qu’un traité de « conservation ». En effet, moyennant une rente annuelle d’environ 200 000 lires pour une durée de 10 ans, la République de Gênes ne cède pas ses droits de souveraineté sur la Corse à la France, laquelle est chargée d’administrer et de pacifier l’île. Néanmoins, Gênes, ruinée, sera incapable de rembourser à la France les frais occasionnés par la pacification des troupes de Louis XV exigés dans les deux derniers articles « séparés et secrets » du traité.


Voltaire résume ainsi la transaction effectuée : « Par ce traité, le royaume de Corse n’était pas absolument donné au roi de France, mais il était censé lui appartenir, avec la faculté réservée à la république de rentrer dans cette souveraineté en remboursant au roi les frais immenses qu’il avait faits en faveur de la république. C’était, en effet, céder à jamais la Corse, car il n’était pas probable que les Génois fussent en état de la racheter ; et il était encore moins probable que, l’ayant racheté, ils pussent le conserver contre les Corses qui avaient fait serment de mourir plutôt que de vivre sons le joug de Gênes. »



Chronologie |



  • 1768 : 15 mai, par le traité de Versailles Gênes cède la Corse, que dans les faits elle ne possède plus, à la France. Louis XV, qui refuse de reconnaître la République corse comme légitime, envoie son armée prendre possession de l'île. En échange, il annule la dette de Gènes.

  • 1768 : 9 octobre, les troupes paolistes mettent en déroute l'armée française à Borgo.

  • 1769 : 8 mai, les troupes de Pascal Paoli perdent la bataille de Ponte Novu, la Corse passe sous l'administration militaire française.

  • 1769 : 13 juin, Pascal Paoli quitte la Corse pour la Grande-Bretagne.

  • 1769 : 15 août, naissance de Napoléon Bonaparte à Ajaccio.

  • 1769 : fermeture de l'université de Corte par Louis XV.


L'acquisition de la Corse par la France fut perçue par la Grande-Bretagne comme un revers diplomatique attestant d'un retour inquiétant de la puissance française.


La politique méditerranéenne de Choiseul refit surface durant le début du règne de Louis XVI, ceci à la suite de l'affaiblissement de l'Empire ottoman. Sous le règne de Louis XVI, deux politiques s'opposaient : l'une, défendue par Choiseul, préconisait une conquête pure et simple et l'établissement d'un empire colonial français, à l'image de celui que les Anglais se taillaient en Inde, l'autre dont Vergennes était le partisan, voulait au contraire renforcer l'Empire ottoman en l'aidant à se moderniser de façon à préserver l'équilibre territorial européen tout en développant l'influence française. Napoléon Bonaparte poursuivit la politique de Choiseul notamment dans la conquête de l'Égypte.



Une politique étrangère au service des intérêts économiques de l'État : le conflit avec Genève |


Choiseul comme ses devanciers et en premier lieu Colbert vise à affirmer une politique étrangère liée aux intérêts de politique économique, ainsi Dominic Pedrazzini dans le Dictionnaire historique de la Suisse, relate la politique suisse de Choiseul. Celui-ci en tant que colonel général des Suisses et Grisons (1762-1770) institue et fait ratifier avec les cantons suisses catholiques en 1764 une capitulation générale pour tous les régiments suisses permanents au service de France. Mais c'est à l'occasion d'une crise spécifique avec les autorités de Genève que se déploiera tous les aspects de la politique de Choiseul. En juin 1762, le Petit Conseil de Genève ordonne que le Contrat social et L’Émile de Rousseau soient lacérés et brûlés par le bourreau. Il décrète en outre que Rousseau doit être «saisi et appréhendé», s’il vient à Genève. La condamnation de Rousseau et de ses livres provoque de graves troubles sociaux à Genève. Pour rétablir l’ordre dans la République, les Conseils restreints décident, en décembre 1765, de faire appel aux puissances garantes. De mars à novembre 1766, les ministres plénipotentiaires zurichois, bernois et français écouteront les arguments des partisans et des adversaires des Conseils restreints puis élaboreront un plan de pacification de la République de Genève. Cependant, toutes ces manœuvres politiques ne parviennent pas à convaincre le parti populaire et, le 15 décembre 1766, 1095 citoyens et bourgeois, contre 515, rejettent le Projet de Règlement des Médiateurs. Le jour même le représentant de Louis XV déclare que le Roi, son maître, est indigné de la conduite « indécente », « insolente » et « téméraire » du peuple de Genève, et il leur fait savoir qu’à partir de ce jour, Louis XV leur interdit « l’entrée et le commerce dans son Royaume ». Ceux qui, malgré cette «défense», essayeront néanmoins de «se présenter sur les terres de Sa Majesté», y seront « arrêtés », et leurs marchandises « saisies ». Pour contraindre les Genevois à accepter l'édit de pacification, Choiseul les soumit en 1766 à un blocus sévère. Dès 1767, il soutint le projet de Versoix-la-Ville, chercha à y établir une manufacture royale d'horlogerie et à y créer un port (qui devait porter son nom) pour ruiner Genève, projet qui ne se releva pas de la disgrâce du ministre en 1770.



La crise des Malouines |


Dans le recensement des causes de la chute de Choiseul, il faut nécessairement évoquer la crise des Malouines de 1770 qui se révéla une crise diplomatique de grande ampleur entre la Grande-Bretagne et l'Espagne à propos de la possession de cet archipel de l'Atlantique Sud. Ces événements ont été la cause d’une situation de guerre. Finalement, c'est un manque de soutien français envers l'Espagne qui a désamorcé les tensions, l’Espagne et la Grande-Bretagne s’obligeant à établir un compromis aux termes duquel les deux nations ont maintenu leurs colonies sans renoncer à leur revendication sur les îles.


En juin 1770, le gouverneur espagnol de Buenos Aires envoie cinq frégates à Port-Egmont, dont le petit détachement britannique se trouve sous le commandement de George Farmer. Lorsque le Parlement se réunit en novembre à Londres, les députés, indignés par cette insulte à l'honneur national, réclament une action immédiate. Beaucoup de parlementaires britanniques ayant considéré l’annexion de la Corse par Choiseul en 1768 comme un échec diplomatique sont irrités par ce qu'ils estiment être une menace similaire envers les Malouines.


Au milieu de cette avalanche de menaces et contre-menaces, les Espagnols tentent de renforcer leur position en réclamant le soutien de la France, invoquant le Pacte de Famille entre les deux branches royales des Bourbon. Mais Louis XV va reculer. Il écrit à son cousin Charles III : « Mon ministre souhaite la guerre, mais je n'en ai pas envie ». Choiseul est démis de ses fonctions, et sans le soutien français les Espagnols sont obligés de chercher un compromis avec les Britanniques.


Cette crise a eu des répercussions ultérieures: au cours de la guerre d'Indépendance américaine, les Britanniques allaient penser que, à l'instar de ce qui s'était passé aux Malouines, la France n'oserait pas intervenir dans leurs affaires coloniales. Théorie qui se révèlera fausse à ce moment-là, et portera préjudice aux intérêts britanniques.



Le jeu diplomatique ambigu de Louis XV : le cabinet secret |


Le cabinet secret c'est-à-dire la diplomatie parallèle de Louis XV ne fut découvert qu'a la mort de Louis XV. Dans sa politique, Choiseul dut compter avec le jeu ambigu de la politique de Louis XV qui organise une véritable diplomatie secrète autour du Secret du Roi. Cette diplomatie secrète, employant 32 personnes, visait à nouer une alliance avec l'Autriche et la Russie afin de les écarter de la Prusse et de l’Angleterre. Le comte de Broglie avait été renvoyé en Pologne en mai 1758 ; à son retour, le roi l'investit définitivement de la direction de sa politique secrète par une lettre, en date du 23 mars 1759, conçue en ces termes :



« Monsieur le comte de Broglie, mon intention étant de continuer en Pologne la négociation secrète que vous y avez suivie pendant votre ambassade avec zèle et succès, je veux que vous en ayez la principale direction.(..) Votre attachement à ma personne m'assure que vous ferez un usage utile des connaissances que vous avez acquises dans cette partie, et que vous continuerez à observer le plus exact secret, comme vous avez fait par le passé. »



Cette concurrence des diplomaties qui fut en définitive préjudiciable, se vérifia avec l'affaire de l'ambassade française en Angleterre. Six mois après le traité de paix de 1763, le comte de Guerchy remplace le duc de Nivernais à l'ambassade de France à la Cour de Londres dans les circonstances les plus critiques : sont à l'ordre du jour les questions des prisonniers de guerre, des fortifications de Dunkerque, les litiges que suscitent la pêche en Terre-Neuve et les îles Falkland. Choiseul n'est qu'assez peu convaincu des qualités de Guerchy et craint « ses dépêches comme le feu ». La correspondance secrète du duc de Broglie le désigne d'ailleurs sous les noms de code de Novice, de Bélier ou de Mouton cornu. Le comte de Guerchy se révèle incompétent, ses deux secrétaires, Leboucher et Bontemps, le secondent et fournissent la majeure partie du travail quand le marquis de Blosset le remplace pendant ses séjours annuels en France. Charles de Beaumont, chevalier d'Éon, doit lui servir de guide et tenir sa plume. Son ambassade est marquée par un conflit avec le chevalier d'Éon de Beaumont membre du Cabinet Secret. Au départ un simple problème de compétence, Éon refuse son poste subalterne. Puis les crises se font de plus en plus scandaleuses et publiques et Éon prétend qu'on a voulu l'empoisonner à la table de l'ambassadeur. L'adversaire de Guerchy, disgracié par le roi, est devenu un renégat. Cependant, la double politique de Louis XV complique l'affaire 1. Le souverain soutient ouvertement son ambassadeur et donne dans le même temps des gages de tranquillité au chevalier d'Éon, allant jusqu'à lui demander de surveiller l'ambassadeur. L'affaire se termina en 1767 avec le rappel du comte de Guerchy et la disgrâce d'Éon.



Politique intérieure de Choiseul : la lutte contre le parti dévot |


La gestion intérieure de Choiseul est jugée favorablement par les encyclopédistes avec qui il entretiens de bonnes relations et qu’il soutient en bannissant les jésuites, critique de l'autorité royal. Dans sa correspondance pendant les premières défaites de la guerre de Sept Ans, Voltaire écrivit à propos du duc de Choiseul : « Je crains que monsieur de Choiseul ne se dégoûte et qu'il ne quitte un poste fatiguant [sic], comme un médecin appelé trop tard, abandonne son malade, j’en serai inconsolable ».
Talleyrand dans ses Mémoires décrit cette période comme l'apogée du ministère du duc de Choiseul :



« À dater de cette époque, tout plia sous le sceptre de M. de Choiseul, dont l'audace et la volonté ne rencontraient ni échec ni contradiction. Sa fortune était alors à son apogée ; il changeait les ministres, rappelait les ambassadeurs, inquiétait les cabinets de l'Europe, bravait l'héritier du trône, cassait les arrêts des parlements, rendait des arrêts du conseil, faisait des ordonnances, donnait des lettres de cachet, obtenait des grâces de toute espèce, et livrait la France à ses amis. »



Choiseul fut l'allié et le bienfaiteur des philosophes contre le parti des « dévots », il soutint d'ailleurs avec une grande constance Voltaire dans l'affaire Calas. Il eut pour principal adversaire le dauphin fils de Louis XV, le baron de Gleichen relate cette confrontation : « Dans les premières années de son ministère, ils se servirent du duc de la Vauguyon, pour engager M. le Dauphin à remettre au roi un mémoire plein de calomnies contre M. de Choiseul qui, s'étant justifié, obtint la permission de s'en expliquer vis-à-vis de M. le Dauphin, auquel son père avait fait une vive semonce. Ce prince malgré cela n'ayant pas reçu convenablement M. de Choiseul, celui-ci eut la hardiesse de lui dire : Monseigneur, j'aurai peut-être le malheur d'être un jour votre sujet, mais je ne serai jamais votre serviteur! ». Pour mieux comprendre cette lutte, il faut préciser que les jansénistes tout comme le parti des dévots se proclament fidèle au roi, à l'Église et à l'absolutisme louis-quatorzien; à partir du XVIIIe siècle ses deux mouvances à l'origine proches se sont séparés pour des raisons liées d'abord à la politique de Louis XIV soucieux de diviser pour mieux régner. Cette politique eut des effets néfastes car faisant de la monarchie un objet du débat entre les jansénistes adversaires de l'absolutisme et les dévots partisans du système louis-quatorzien. Dans cette lutte, Choiseul ne pouvait s'extraire de l'alliance politique entre sa protectrice madame de Pompadour et le "parti janséniste", cette alliance était la base politique du pouvoir de la favorite et Choiseul par nécessité comme par inclination devait s'en prévaloir tout au long de son ministère. En outre, intellectuellement, le duc de Choiseul était lié à un certain gallicanisme parlementaire qui envisageait un certain système ou les Parlements en tant que représentant de la nation seraient les conseillers premier du Roi et par là même devait défendre cette légitimité contre Rome et de manière conjoncturelle contre Louis XVsi celui-ci prenait de mauvaises décisions. À sa prise de fonction Choiseul ne trouva que peu d'opposition dans le Conseil royal du fait de la disgrâce du principal chef du parti dévot, le comte d'Argenson. L'expulsion des jésuites en 1764 est un exemple de cette guerre politique.


Par souci de lutte contre l’Angleterre, Choiseul plaida sans cesse une politique de modération envers les Parlements afin de bénéficier de l'aide de ceux-ci pour une future guerre contre l'ennemi britannique. Mais le duc de Choiseul incita le Roi à faire volte-face, en raison de la politique extérieure. Une guerre se profilait contre l’Angleterre, sur le théâtre des colonies ; elle risquait, donc, d’être encore plus coûteuse que ne l’avait été la guerre de Sept Ans sur le sol européen. Or, les finances françaises étaient totalement dégradées. Le Roi et Choiseul avaient besoin de l’aide des Parlements pour créer des impôts qui financeraient la création d’une flotte militaire efficace. Ainsi sous ses conseils, Louis XV antiparlementaire décida une volte-face notamment dans l'affaire de Bretagne, le 15 juillet 1769, le Conseil royal rétablit le parlement de Rennes, rappela les parlementaires exilés et démit les nouveaux parlementaires issus du « parti dévot ». Ce fut la dernière victoire de Choiseul contre ce parti, qui in fine réussit à exiler leur ennemi de toujours. Là réside la cause politique de sa chute. Elle relève du soutien de Choiseul à La Chalotais, et de son soutien à l’opposition des parlements provinciaux envers l'absolutisme politique.



Dissolution de l'ordre des jésuites |


La décision de Choiseul d'expulser les jésuites fut soutenu par le parti philosophique, et s'organisa en coordination avec les cours alliées (Parme, Madrid). Elle fut liée à la lutte politique entre le duc de Choiseul et le parti des dévots, cette politique était l'occasion pour le premier ministre de conforter son pouvoir et casser un foyer d’opposition. Soucieux de se concilier le parti des parlementaires, Choiseul leur abandonne les jésuites. L'hostilité aux jésuites était autant alimentée par les jansénistes, les gallicans que les philosophes et encyclopédistes. Après la faillite de l'établissement jésuite de la Martinique, dirigée par le père Antoine La Valette, le parlement, saisi par les créanciers, confirma en appel le 8 mai 1761 un jugement ordonnant le paiement des dettes sous peine de saisie des biens des jésuites.


Il s'ensuivit toute une série d'actions orientées par Choiseul qui allaient aboutir à leur disparition. En août 1761, le parlement ordonna la fermeture des collèges jésuites. Le parti dévot se retrouva seul contre l’alliance des gallicans, des jansénistes et des philosophes. Sous la direction de l'abbé Chauvelin, le 17 avril 1762, la constitution de l'ordre fut épluchée par le parlement, on mit en exergue des écrits de théologiens jésuites, afin de les accuser d'enseigner toutes sortes d'erreurs et de considérations immorales. Le 6 août, un arrêt ordonnait la dissolution de l'ordre, mais un délai de huit mois leur fut accordé par Louis XV. Après avoir refusé un compromis, ils furent contraints de fermer leurs collèges le 1er avril 1763, puis, le 9 mars 1764, ils durent renoncer à leurs vœux sous peine de bannissement. À la fin novembre 1764, Louis XV signa un acte de dissolution de l'ordre dans tout le royaume.



Politique de redressement national : stratégie et limites financières |


Historiquement, la phase de bouleversement de la puissance française en Europe (1750-1790) est marquée par un déclin objectif de la monarchie des Bourbons et l'affirmation de différents processus politiques et diplomatiques (l’auto-isolement de la Grande-Bretagne l’expansion de la Prusse et la Russie, le démembrement de la Pologne et de l'Empire ottoman) : cette lecture décliniste a suscité différentes interprétations.


Selon que l’on ait une vision « continentale » ou « mondiale » cette période a suscité deux approches :



  • La première suscitée par Paul Schroeder et Hamish Scott situe le déclin français à partir de la guerre de Sept Ans comme la source objective de différents conflits,

  • La seconde insiste sur la période de paix initiée à partir des traités de Paris et d’Hubertsbourg, et définit la guerre de Sept Ans comme la première guerre fondée sur l’appropriation des colonies d’Amérique et non plus uniquement basée sur le terrain européen. Face au déclin d'un pouvoir, il existe différentes formes de réponses :

  • La restauration réactionnaire Metternich

  • La reforme étatiste Charles III d'Espagne

  • La politique libérale Hardenberg, Talleyrand, Adolphe Thiers


Choiseul clairement se démarque de la restauration réactionnaire vouée à moyen et long terme à l'échec; clairement, Choiseul est plus proche d'un redressement de type libéral (attaché au corps intermédiaire et au soutien de la bourgeoisie) avec une vision nationale du redressement qui peut se comprendre dans la démarche politique d'un Thiers ou la lignée diplomatique d'un Vergennes, d'un Théophile Delcassé.


S'il y a un recul de la présence française en Europe de l’Est et la fin de l’empire colonial américain, la politique de redressement de Choiseul a permis l’acquisition de la Corse et de la Lorraine et le maintien du rang de la France en tant que grande puissance navale. La politique de Choiseul a permis de manière paradoxale la mise en place des premiers éléments militaires de la future hégémonie de la France révolutionnaire en tant que première puissance européenne. En utilisant un certain comparatisme, nous pourrions dire que la politique de redressement initiée par Choiseul en particulier après le désastre de 1763 peut se comparer à la politique dite de « recueillement » initiée au début de la III République après la défaite de 1870, faite de réalisme politique, de redressement militaire et diplomatique et d'ambition nationale.


Choiseul maintient et sur certains points renforce les piliers d'une ambition française et incarne une politique incontestable de redressement national. Pourtant il faut nuancer car ce redressement est indexé à une politique financière qui fut des plus fragiles. Comme d'ailleurs le souligne dans ses Mémoires Frédéric II de Prusse, à la fois laudateur et agacé, qui écrivit à son propos « Le duc de Choiseul était un homme dévoré d'ambition, et qui voulait donner de l'éclat à son ministère; trop prévenu d'un prétendu testament du cardinal de Richelieu, il avait toujours présente à l'esprit la promesse du cardinal à Louis XIII, qu'il ferait respecter sa monarchie de l'Europe; et lui se proposait de faire respecter Louis XV. Mais les temps et la situation des affaires sous M. de Choiseul étaient en tout dissemblables à celles où se trouvait le cardinal de Richelieu. Premièrement, alors la France n'était point accablée de dettes. En second lieu, depuis le XVIIe siècle, l'Europe avait tout à fait changé : la Russie, à laquelle nous voyons jouer un si grand rôle maintenant, était alors inconnue et barbare; la Prusse et le Brandebourg étaient sans énergie; la Suède brillait, et à présent elle est éclipsée. Et d'ailleurs, quel projet peut former un ministre, quand les moyens de les exécuter lui manquent, et que la crainte d'une banqueroute générale l'oblige à se borner aux intrigues, et à écarter toutes les entreprises hardies qui pourraient le tirer de son inaction ? Ces obstacles, qu'on ne pouvait lever, sans calmer l'inquiétude de M. de Choiseul, resserraient son génie; et ne pouvant mettre en action les grands ressorts de la politique, il se contentait de tracasser. » Si sa politique extérieure est marquée par une cohérence certaine et une vigueur de décision et d'analyse admirable, sa politique interne notamment financière fut des plus controversées, il ne sut ou put réorienter le déroulement catastrophique des finances menée par le gouvernement de Louis XV depuis l'échec des réformes des années 1750, tant ses préoccupations ne le prédisposaient pas à s'attacher à une gestion saine des finances rappelant le mépris de De Gaulle pour une politique de la corbeille.


Pour Emmanuel Leroy Ladurie :



« Le bilan de ce long ministère Choiseul, tel que tracé avec brio par Guy Chaussinand-Nogaret, n’est pas négligeable. Et d’abord s’esquisse, Choiseul en tête, un rapprochement du souverain avec les élites, en particulier celles de la haute robe et des parlements. Elles avaient été par contre fort malmenées sous le règne précédent, celui de Louis XIV et pas toujours très caressées ultérieurement par Louis XV. À ces hauts magistrats, fort gallicans, nationalistes français anti-romains, les choiseuliens jettent d’abord en pâture, comme un os à ronger, l’ordre des jésuites. Ceux-ci, en dépit de tout, avaient quelques mérites. Excellents pédagogues, ils formaient, dans leurs collèges d’enseignement secondaire, une bonne partie de la France écrivailleuse et savante, à commencer par le grand Voltaire en personne. Mais la faction janséniste les détestait et elle avait pour ça quelques raisons « valables », fussent-elles bonnes ou mauvaises.


Les jansénistes en effet n’aimaient pas du tout le laxisme en matière de mœurs qu’était censée professer la Compagnie de Jésus. Ils détestaient donc d’autant plus la « synagogue de Satan » qu’était devenue, à les en croire (ils exagéraient), l’Église de France, ainsi que la papauté, gangrenées qu’elles étaient l’une et l’autre par la corruption, par les « affaires ». Ces disciples de Jansénius avaient donc besoin d’un bouc émissaire. Les Jésuites s’adaptaient parfaitement à ce rôle, détestés qu’ils étaient par beaucoup de gens comme le seront plus tard les juifs, de façon tout aussi injuste.


Choiseul n’est pas le responsable principal de cette destruction, qui devait s’ensuivre, d’un ordre religieux catholique, mais il a laissé faire et même il en sera vaguement le complice, comme l’a bien montré notre historien. Choiseul appuyait aussi l’entreprise antijésuitique tout à fait semblable que menait au sud des Pyrénées le roi d’Espagne Charles III, l’un des monarques Bourbons les plus éclairés qu’on ait jamais connu en cette famille, en compagnie de son lointain descendant, l’actuel Juan Carlos. A Versailles même, il s’agissait, pour l’aristocrate ex-lorrain qu’était Choiseul devenu homme d’État, de donner ce faisant le coup de barre à gauche, disons au centre gauche, qu’attendait l’opinion publique ou du moins l’opinion philosophique, volontiers anticléricale. Faisant d’une pierre deux coups, le chef du gouvernement de Louis XV profitait de cette conjoncture défavorable au clergé « papiste » pour rattacher au royaume de France le Comtat venaissin d’Avignon, par lui dérobé au Souverain Pontife. Le Comtat sera du reste restitué au Pape après la chute de Choiseul puis récupéré durablement par la France lors de la Révolution. Surtout Choiseul, lui-même homme d’affaires assez remarquable qui sans compter encaissait et dépensait, fut le contemporain actif de l’extraordinaire prospérité du XVIIIe siècle français. Les choses en étaient au point qu’on pouvait parler non pas, comme en notre temps, des Trente Glorieuses que suivront les trente piteuses, mais bel et bien des soixante glorieuses de 1715 à 1775, pour le moins. L’extraordinaire prospérité des îles à sucre et de Saint-Domingue sous-tendait le dynamisme de la façade atlantique du royaume dont la riche architecture de Nantes et de Bordeaux porte encore aujourd’hui témoignage. »



— Emmanuel Leroy Ladurie, Le Figaro littéraire du 28 mai 1998.



Réformes militaires : la refondation d'un outil de puissance |


L'organisation de l’armée durant les premières années de la guerre de Sept Ans fut catastrophique : les différents ministres qui se succèdent n’ayant jamais eu assez d’autorité politique pour véritablement définir et proposer un cadre prospectif de réforme ; confusion et désertion (trois amnisties furent accordées par le roi en quatre ans 1757, 1758, 1758, 1761) régnaient à tous les niveaux de la hiérarchie militaires. On dut incorporer les milices aux compagnies faute d’hommes volontaires. Les principales réformes entamées notamment par Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson (1743-1758) et Charles-Louis-Auguste Fouquet de Belle-Isle (1758-1761) concernaient les fortifications, les camps militaires, les hôpitaux militaires, l’artillerie sans toucher directement à l’organisation des corps militaires eux-mêmes. Charles-Louis-Auguste Fouquet de Belle-Isle nommé le 3 mars augmenta le traitement des officiers et la solde des soldats (2 deniers).


Choiseul avant même la fin de la guerre de Sept Ans entreprend de profondes réformes militaires, par l’édit royal du 4 janvier 1761 est institué une école militaire pour 500 gentilshommes afin d’élargir la base social de recrutement des officiers de l’armée. Seuls, les orphelins pouvaient être reçus jusqu'à 13 ans. Il fallait être sain de corps et d'esprit, savoir lire, écrire et compter et prouver quatre générations de noblesse. À 18 ans, les jeunes élèves devaient entrer dans les régiments et, pendant les trois premières années, ils recevaient du roi une pension de 200 livres. Leur éducation, dit le texte de l'édit, comprendra tout ce qui peut contribuer à former un bon chrétien, un militaire, un homme sociable. L'instruction portera sur la religion, l'histoire, la géographie, les langues latines et allemandes, les mathématiques, les exercices militaires, l'équitation, l'escrime, la danse et le dessin. La garde de l'école était confiée à une compagnie de 50 invalides. L'ordonnance du 27 décembre 1760 vise à faire de l’administration civile du royaume la principale organisatrice du recrutement des armées du Roi, elle est éditée afin de combler les béances du recrutement, elle institutionnalise le projet de recrues provinciales avec un règlement : établissant le cadre d’organisation pour la mobilisation des recrues volontaires au niveau des provinces. Pour ce faire un commissaire est établi dans chaque généralité sera chargée des enrôlements et ceci en étroite liaison avec les intendants du royaume (Art. 2. - Des préposés aux recrues seront établis dans toutes les villes où il est utile d'en avoir. Art. 3. - Les préposés aux recrues seront commissionnés par les intendants et choisis parmi les officiers réformés ou les bas officiers).


Les ordonnances capitales des 10 et 21 décembre 1761 et 1er février 1761 dotent chaque régiment d’une caisse de financement avec un officier comptable trésorier du régiment ; le major était déclaré officier supérieur à tous les capitaines, le grade de brigadier des armées du roi pouvant lui être directement conféré : ils sont les dépositaires de la discipline, de la surveillance des officiers et du commandement des exercices. Les grades d’enseigne et de cornettes sont abolis, ils sont remplacés par les sous-lieutenants institués dans chaque compagnie. En outre, ces ordonnances déchargaient les capitaines des responsabilités du recrutement et de la prise en charge des soldats (habillement, solde), le roi prenant en charge les dettes contractées par le capitaine du régiment pour l’entretien des compagnies, leurs fonctions devant être remplies par les sous-lieutenants nouvellement institués dans toutes les compagnies.
Le grade de maréchal des logis dans la cavalerie fut également supprimé ainsi que toutes les prérogatives y attachées.
Les nouveaux sous-officiers de cavalerie, appelés cependant maréchaux des logis, furent établis au rang de sergent d'infanterie.
Les sous-officiers ne sont plus nommés par les capitaines mais devaient être désignés par voie d'élection par les sergents dans l'infanterie, les maréchaux des logis dans la cavalerie, ainsi que les quartiers-maîtres et porte-drapeau, qui choisissaient trois noms dans la liste des brigadiers. Cette pré-sélection était présentée au major qui, avec l’accord du plus ancien capitaine, sélectionnait un nom qu'il portait au colonel. Celui-ci nommait alors le nouveau sergent. Les quartiers-maîtres (adjudant de bataillon), porte-drapeau (sous-lieutenant), sous-aide-major (lieutenant) choisis parmi les sergents, étaient nommés par le roi sur la présentation du colonel.


« Les officiers n'avaient plus qu'un seul devoir : veiller à l'instruction des hommes et au bon entretien des chevaux. La nouvelle constitution des régiments étrangers était réglée d'après les mêmes principes. » (Lucien Mouillard)
Les compagnies n'eurent plus de rang d'ancienneté qui leur fût propre et prirent entre elles le rang d'ancienneté de leur capitaine : « Les compagnies ne devaient plus être vendues. Pour compléter cette réforme, par l'ordonnance du 1er février 1763 on établissait 31 régiments de recrues d'un bataillon en résidence dans chacune des capitales de province et un régiment de 2 bataillons à Saint-Denis. Les préposés aux recrues, établis depuis 1760, devaient faire conduire les recrues à ces bataillons. Le prix d'engagement était fixé à 30 livres pour 8 années ; le tiers donné lors de la signature, un tiers au régiment de recrue et le reste au régiment définitif.(..) La durée de l'engagement était fixée à 8 ans, avec promesse formelle d'accorder le congé à l'expiration de ce terme, le soldat restant toutefois sujet à la milice. Pour le recrutement des soldats étrangers on devait procéder de la même manière. » (Lucien Mouillard). Pour l’historien Lucien Mouillard : « l'armée gagnait à la réforme de Choiseul de devenir partie intégrante de la nation, tandis qu'autrefois elle était uniquement l'instrument de la volonté du roi ».



Choiseul était-il un libéral ? |


Pour les tenants d’un absolutisme monarchique, Choiseul avait devancé la conception du libéralisme parlementaire mis au service d’une monarchie constitutionnelle et arbitrale. Sans souscrire totalement à cette idée, il faut bien constater qu’à la différence de ses contemporains européens, Choiseul était considéré par l'opinion publique française comme une sorte d'opposant de l'intérieur à la politique de la monarchie absolue. C’est ce qui en fait une figure non seulement singulière mais très intéressante sur le plan de l’étude du gouvernement. Chez Choiseul, le service de l’État est disjoint de la croyance à la monarchie de type absolutiste, contrairement à un Olivarès premier ministre de Philippe IV d'Espagne au début du XVIIe siècle, qui s’acharna à centraliser et le pouvoir politique et le pouvoir de l’État au nom d’une vision mystique de la monarchie ; Contrairement aussi à Fleury, Choiseul est plus que réservé sur l’idée d’une « monarchie universelle » (J Eliott). Il est en « bon sceptique », le serviteur soucieux d’un État mais dont la tête (Le roi) ne serait qu’une figure de représentation. D’où l’admiration méfiante de Louis XV et la haine des conservateurs (duc d’Aiguillon). Pour autant cette lecture, si elle paraît séduisante après coup, ne peut faire abstraction d'un autre fait tout aussi marqué : l'obsession qu'a entretenu Choiseul de la revanche vis-à-vis de l’Angleterre; cette volonté systématique le conduisit à indexer l'autorité de Louis XV face aux Parlements au profit d'une politique active de réarmement afin de réparer l'humiliation subie au traité de Paris de 1763. Cette démarche ne pouvait se faire sans l'appui des parlementaires notamment concernant le vote de nouveaux financements pour la reconstruction de l’appareil militaire.



Une politique financière en crise structurelle |


La politique financière constitua à tout le moins le plus notable échec de la politique de Choiseul. L’historien Lucien Mouillard juge que ses reformes notamment militaires ont été trop ambitieuses. « La solde de l'armée en 1748 coûta 112 746 200 livres pour 406 000 hommes servant à différents titres. La solde était insuffisante, mais les capitaines et les colonels soulageaient la misère du soldat. En 1770, la dépense réelle fut de 94 000 000, pour 203 000 hommes sous les armes ; le ministre avait demandé au conseil des finances 64 millions ; le conseil en avait accordé 55 ; déficit pour cette seule année, 39 millions ; 15 ans plus tard, en 1786, la dépense réelle fut de 115 millions, pour 198 000 hommes, le ministre demandait 90 millions ; le conseil en accordait 80. Ce fut pendant 30 ans un déficit de 35 à 40 millions. La réforme de Choiseul fut donc une des causes nombreuses de la catastrophe financière de la fin du siècle (Lucien Mouillard) »


Cette critique omet de dire que Choiseul à l'instar de son prédécesseur Louvois est préoccupé de maintenir et de préserver le rang de la France et ceci à n'importe quel prix financier. Choiseul durant son gouvernement n’eut pas de ministre de l'envergure de Philibert Orry sous le ministère précédent de Fleury pour donner des bases solides à ses finances. Choiseul était comparable à Louvois ; plutôt qu'à Colbert la France du dehors plutôt que la France du dedans. D'ailleurs, au contraire de ses prédécesseurs il avait expressément réduit le pouvoir du contrôleur général des finances au profit d’un cercle de financiers tels Laborde, banquier de la cour qui procura des secours au Trésor, en même temps qu'elle lui donnait autorité sur le contrôle des finances. Le baron de Gleichen écrit à ce propos : « L'on a reproché à M. de Choiseul d'avoir dilapidé les finances. J'ai été témoin, qu'après la mort de madame de Pompadour, il s'est donné beaucoup de peine pour s'instruire sur cet objet, et pour chercher des remèdes : il a consulté surtout Forbonnais et M. de Mirabeau, qui tous deux m'ont dit avoir été étonnés de la perspicacité, avec laquelle il approfondissait des matières si difficiles. Mais réfléchissant sur l'impossibilité de remédier à des désordres fondés sur la faiblesse du roi, sur de longs abus, et sur l'avidité insatiable des gens de la cour, il a désespéré de pouvoir combiner des projets d'économie avec le maintien de son crédit et de la faveur. Il ne s'est plus occupé qu'à faire nommer des contrôleurs-généraux, qui lui fussent dévoués, à se procurer tous les fonds nécessaires au succès des départements dont il était chargé, et à être le distributeur des grâces du roi. Toutefois, on ne peut lui reprocher la prodigalité relativement à lui-même, 34 et le compte qu'il a rendu des épargnes faites dans ses départements, a prouvé également son honnêteté et ses talents pour l'économie. M. de Choiseul, qui a toujours visé à se rendre indépendant et inamovible, aurait bien voulu obtenir la charge de surintendant des finances. La comptabilité rigoureuse, imposée à cette place, lui aurait donné le droit de refuser toutes les demandes indiscrètes, même celles du roi, et fourni l'excuse bien légitime de dire : Sire, il y va de ma tête. Mais Louis XV pressentait bien un tel inconvénient, et avait de plus une répugnance invincible à faire revivre aucune de ces anciennes grandes charges de la couronne. »


Durant la guerre de Sept Ans, la politique était évidemment celle de l'urgence, il fallut recourir à l’émission de multiples emprunts et à une augmentation des impôts afin de pallier le déficit entraîné par la guerre. Cette économie de Guerre se poursuivit paradoxalement après la paix, pour Choiseul les finances relevaient de l'intendance c'est-à-dire de quelque chose de secondaire au regard de l'ambition de ses projets ; ce fut son erreur qui ne lui était pas d'ailleurs imputable à lui seul ; Louis XV ayant abandonné toute volonté de réforme financière depuis le retrait du projet de Jean-Baptiste de Machault d'Arnouville en décembre 1751. Durant le gouvernement Choiseul, il y eut ainsi près de 6 contrôleurs généraux des finances successifs




  • 25 août 1757-4 mars 1759 : Jean de Boullongne


  • 4 mars 1759-21 novembre 1759 : Étienne de Silhouette


  • 23 novembre 1759-13 décembre 1763 : Henri Léonard Jean Baptiste Bertin


  • 13 décembre 1763-1er octobre 1768 : Clément Charles François de L’Averdy


  • 22 septembre 1768-22 décembre 1769 : Étienne Maynon d'Invault


  • 22 décembre 1769-24 août 1774 : Abbé Joseph Marie Terray


Ceux-ci ne surent ni ne purent réellement réorganiser de manière équilibrée la politique financière du royaume. Les Parlements dans cette situations jouèrent un rôle des plus néfastes en bloquant toute velléité de réformes. Bien entendu, Choiseul obsédé par la guerre contre l'Angleterre ne voulut contrevenir à ce conservatisme, le soutien fiscal du parlement de Paris pour une éventuelle guerre contre l'ennemi britannique étant à ses yeux à ce prix. À cette première cause de l’insuccès dans les reformes financières, il faut ajouter qu'à la différence des domaines de souverainetés extérieures ou régaliens (Affaires étrangères ; police ; Armée) Choiseul n'était pas l'unique détenteur des pouvoirs sur le contrôle général des finances ; sa protectrice madame de Pompadour et ses obligés avaient aussi leur droit de regard sur la politique financière, ce qui ne pouvait que conforter l'impression d'une certaine instabilité. Néanmoins, la stratégie économique de Choiseul ne se réduit pas à la politique financière ; en matière économique, il mena avec Henri Bertin contrôleur des finances entre 1759 et 1763 un programme ambitieux de rénovation de l'agriculture. Ceci dans le cadre d'une politique résolument libérale dont la plus notable mesure fut celle décidée avec le successeur Bertin au contrôle des finances Clément Charles François de L’Averdy ; elle reposait sur la mise en application les théories des physiocrates qui préconisaient la liberté du commerce des grains. En juillet 1764, ils supprimèrent toute entrave au commerce des grains. Les belles récoltes et les bas prix des années 1760-1763 incitaient à l'optimisme, mais, dès 1764, la production agricole connut une situation difficile et la spéculation fit rage, faisant s'envoler les prix. Des révoltes éclatèrent dans des dizaines de villes. L'Averdy fut renvoyé à la fin de septembre 1768. À propos de cette politique Leroy Ladurie écrivit :



« Choiseul, favorisé de ce fait par la conjoncture, veut donc soutenir les économistes et les physiocrates, favorables au libre-échange : il décide que seront libéralisés, à partir de 1764, les divers négoces des céréales, de ville à ville, de province à province. Législation assez géniale ! Elle tire de multiples flèches vers l’avenir. Le libre-échange des biens, voire des personnes, n’est-il pas devenu de nos jours la règle tant pour les voyageurs de commerce que pour ceux du tourisme, puisque aussi bien l’on peut aller en 1998 de France en Allemagne, ou d’Autriche en Italie sans que se profile à l’horizon la moindre casquette de douanier. Choiseul n’allait certainement pas aussi loin, et pour cause ; mais en délivrant le grain, ce vieux captif, hors des prisons réglementaires où la loi le tenait enfermé depuis des siècles, le ministre n’avait qu’à frapper le sol français de sa canne pour y faire se lever des légions de petits capitalistes, de bricoleurs du négoce du grain, boulangers illettrés mais actifs, meuniers qui partaient par les routes, les uns et les autres étant dans le vent d’une époque féconde en croissance, comme en initiatives d’entrepreneurs.(..) Le rêve d’une liberté sans entraves quant au déplacement des convois de grains allait se heurter après 1765-1767 aux dures contraintes des mauvaises récoltes et des émeutes de subsistances. Le peuple des villes s’inquiétait en effet du danger (toujours craint) de la pénurie des subsistances même si les vraies famines tueuses de centaines de milliers de personnes avaient en réalité disparu des territoires du royaume depuis plus d’un demi-siècle. Il faudra donc, au cours de la décennie 1770, supprimer la réforme libérale de Choiseul en matière de grain. (Leroy Ladurie). Le successeur de l'Averdy Étienne Maynon d'Invault fit proroger le second vingtième jusqu'en 1772, mais dut lui aussi renoncer à ses réformes faute du soutien des Parlements, contraignant Louis XV à tenir un lit de justice le 11 janvier 1769 afin d'enregistrer l'édit. Sa position en décembre 1969 donna lieu à une bataille d'influence entre Choiseul et Maupeou un des chefs du parti « des dévots » ; la bataille fut gagné par le parti des "dévots" ce qui amena la démission de Maynon d'Invault le 19 décembre 1769. Il fut remplacé par l'abbé Terray issu du cercle de Maupeou elle sanctionne un échec politique de Choiseul et le début de la fin de son pouvoir aboutissant au renvoi du Premier ministre le 24 décembre 1770. »


[réf. nécessaire]



Contestation du pouvoir de Choiseul : le déclin progressif de la faveur royale |




Étienne-François de Choiseul, Madame de Brionne et l’abbé Barthélemy par Jacques Wilbaut, Getty Center.


Choiseul progressivement à partir de la mort de madame de Pompadour, dut utiliser de manière permanente son habileté à maintenir son pouvoir et son influence sur Louis XV, tant celui-ci était l’objet de stratégies concurrentes pour supplanter l’influence du ministre. Bien entendu, ce fut par le moyen de la faveur royale que les coteries et autres clans investissaient en utilisant le moyen d’intrigantes rêvant pour la plupart à un destin similaire à celui de madame de Pompadour. François Furet décrit « sous Louis XV, la famille royale a transposé à la cour de France, une pièce du répertoire bourgeois. D'un côté le Roi et sa maîtresse qui règne sur Versailles et même, à en croire ses ennemis sur la politique du royaume, elle est même protectrice du “parti philosophique” […]. De l'autre côté, la Reine Marie Leczynska, malade et vieillissante, mais forte de la fidélité outragée de ses enfants, gardien de la morale et de la religion[23]. »
Pour J.F. Solnon[24]« le gouvernement paraît dirigé (sous Louis XV) par des intrigues de boudoir. La ville ne pense pas autrement […]. Une “grisette” dirige la Cour, décide du choix des ministres, commande aux armées, oriente la diplomatie. Ses châteaux et ses fêtes ruinent le royaume, elle vend des régiments et des places de fermiers généraux. Son désir d'amasser est insatiable. Elle "nage" dans les richesses". Nous sommes dans un jeu de miroirs et d’apparences liés au jeu social centré sur l'accaparement de la faveur publique du souverain au nom d’intérêts privés ». Le baron Charles Henri de Gleichen illustre par l'absurde cette pratique :


« La faveur du duc de Choiseul avait attiré tant de cousins, qui portaient son nom que, pour les distinguer, on leur avait donné des sobriquets : il y en avait un qu'on appelait "Choiseul bon-Dieu". On importunait à outrance le maréchal de Belle-Isle pour faire avoir un régiment à ce cousin de son ennemi. Ce ministre étant à la mort, on lui apporta le viatique, et on lui annonça le bon Dieu, comme c'est l'usage à Paris, où le valet de chambre, qui est à la porte, nomme toujours les arrivants à haute voix. Le maréchal agonisant crut que c'était ce Choiseul qui venait le relancer, et cria de toutes ses forces : Qu'il s'en aille, qu'il me laisse en repos ! dites que je lui donne un régiment ».


Choiseul sans cesse écrivit à Louis XV pour devancer les attaques et éviter la disgrâce[25].


L’autre stratégie déployée par Choiseul était de prévenir de manière raffinée les attaques d’intrigantes, jouets, pour la plupart, des diverses coteries de la cour de Versailles. Ainsi l’affaire de madame d'Esparbès: Madame d'Esparbès de Lussan, parente de Mme de Pompadour d'une immoralité absolue, elle cédait à toutes ses fantaisies. Elle avait déjà eu vingt aventures lorsqu'elle déniaisa Armand-Louis, duc de Lauzun, à 17 ans, accorda ses faveurs à de nombreux princes, dont Louis-Henri-Joseph, prince de Condé, puis, Mme de Pompadour étant absente, au roi lui-même. Louis XV savait qu'elle menait joyeuse vie, et lui en fit le reproche en riant :



« - Tu as couché avec tous mes sujets.
- Ah ! Sire.- Tu as eu le duc de Choiseul.
- Il est si puissant !
- Le maréchal de Richelieu.
- Il a tant d'esprit !
- Monville.
- Il a une si belle jambe !
- À la bonne heure ! mais le duc d'Aumont qui n'a rien de tout cela ?
- Ah ! Sire, il est si attaché à Votre Majesté ! »



À la mort de la Pompadour, le 15 avril 1764, Louis XV réserva à Mme d'Esparbès un appartement à Marly, un autre à Versailles, et l'on crut qu'elle allait devenir maîtresse déclarée. Choiseul tenta de lui substituer la duchesse de Gramont, qui avait 34 ans et était de son clan ; les Rohan-Soubise soutinrent Mme d'Esparbès qui semblait bien devoir triompher, lorsqu'au printemps 1766 Choiseul avec habileté introduit dans l'intimité de cette dernière une amie infidèle, qui l'interrogea sur ses rapports avec le roi, et obtint des confidences scandaleuses que l'on fit publier par les nouvellistes à la main. Le roi, aussitôt informé par Choiseul, donna, sur le champ, ordre à Mme d'Esparbès de se retirer auprès de son mari. Elle quitta Versailles en mai 1766, s'installa au château de Lamothe-Bardigues,


Le duc de Choiseul après la mort de madame de Pompadour, caressait l'espoir de placer auprès du roi sa sœur, la duchesse de Grammont, ou toute autre femme à leur dévotion. D'où la déconvenue et le ressentiment des Choiseul à l'égard de l’ascension de la nouvelle favorite Mme Du Barry, qui leur fit perdre une part d'influence auprès du roi. Une créature du clan Choiseul, Pidansat de Mairobert, fut le rédacteur des premières attaques, souvent triviales contre Mme Du Barry. Il suscita des chansons grivoises et même des libelles pornographiques (L’Apprentissage d’une fille de modes, ou L’Apothéose du roi Pétaud). Par la force des choses, Mme Du Barry se retrouva soutenue par le parti dévot, par le fait même qu'il était hostile à Choiseul qui, pour avoir conclu le mariage du nouveau Dauphin Louis-Auguste et de l'archiduchesse Marie-Antoinette d'Autriche, semblait encore intouchable (on pensa même régulariser la situation en la faisant officiellement épouser par le roi). Prévenue contre Mme Du Barry dès son arrivée en France, la dauphine, jeune et entière, lui voua d'emblée un mépris profond en ne lui parlant pas, ce qui était grave quand on vivait à la cour, moins parce qu'elle était favorite royale que parce qu'elle était non agréée par le parti lorrain de la cour (1770). En effet, Marie-Antoinette était de la Maison de Lorraine.



Disgrâce et chute |


Membre de la commission pour la réforme fiscale de L'Averdy, l'abbé Terray fut remarqué par René-Nicolas de Maupeou, qui le fit nommer contrôleur général des finances en décembre 1769. Terray l'aida à se débarrasser de Choiseul et de son cousin Choiseul-Praslin, le 24 décembre 1770.


Sa disgrâce s'est progressivement dessinée. L’affaire d’Aiguillon-La Chalotais mécontente Louis XV sur l'orientation libérale de son ministre dont la pratique politique s'apparente à une cogestion implicite avec les adversaires de la monarchie absolue. La connaissance d’une négociation menée secrètement par Choiseul avec Charles III d’Espagne pour une reprise de la guerre contre l’Angleterre, guerre dont le roi ne veut pas, accélère la disgrâce du ministre à la fin de 1770. À cette première cause idéologique s'ajoute une raison liée à l'intimité de Louis XV. Ses ennemis, menés par la comtesse du Barry, maîtresse du roi, et le chancelier Maupeou, ont raison de lui. Dans sa correspondance madame Du Deffant relate cette disgrâce :



« Si Mme de Pompadour eût été là, M. de Choiseul eût tenu bon encore peut-être ; il eût fait face au dehors, il eût adouci la guerre avec les parlemens ; mais au lieu d’un appui à la cour, il n’avait que l’hostilité de la favorite nouvelle, devant qui son orgueil refusait de plier. Soit par dépit, soit par un mouvement tardif de fierté aristocratique, après avoir vécu si bien avec Mme de Pompadour, il ne voulait pas reconnaître Mme Du Barry, et tout ce qui tenait au premier ministre entrait en guerre contre la favorite. Les amis de Mme Du Barry, le duc d’Aiguillon, le maréchal de Richelieu, appelaient cela plaisamment une révolte de la faction Choiseul contre la prérogative du roi. Dès lors la lutte était engagée. Mme Du Barry, en bonne fille qu’elle était, n’eût point été éloignée de faire la paix avec ce grand seigneur révolté ; jusqu’au dernier moment, elle voulut le gagner, et elle finit par lui faire dire de prendre garde à lui, « qu’on avait souvent vu des maîtresses faire renvoyer des ministres, mais qu’on n’avait jamais vu de ministre obtenir la disgrâce d’une maîtresse. M. de Choiseul résista ; il ne se dissimulait pas qu’il jouait une vive partie. Un jour rencontrant de bon matin le duc d’Aiguillon à la porte du roi, il lui dit avec son ironique aisance de gentilhomme : « Eh bien ! vous me chassez donc ! J’espère qu’ils m’enverront à Chanteloup. Vous prendrez ma place, quelqu’autre vous chassera à son tour. Ils vous enverront à Veretz ; nous serons voisins, nous n’aurons plus d’affaires politiques, nous voisinerons et nous en dirons de bonnes ! » Au fond, il se croyait plus nécessaire qu’il ne le laissait paraître ; il pensait avoir assuré son crédit par le mariage récent du prince qui devait être Louis XVI avec l’archiduchesse qui fut Marie-Antoinette. Et puis, avec le sentiment de son importance, peut-être se disait-il comme ce Guise à qui on le comparaît si singulièrement pour l’ambition. On n’oserait ! » On osa. Le duc d’Aiguillon, le chancelier Maupeou, l’abbé Terray, associés à la vengeance de Mme Du Barry, l’emportèrent. »



Le chancelier Maupeou, créature de Choiseul, sentant le vent tourner, se rapprocha du clan du Barry et dénonça au Roi la politique de soutien de Choiseul envers les parlementaires. Courroucé par ce seul mot, le roi le fut davantage en voyant le duc de Choiseul travailler à susciter une guerre au dehors. Un incident mit un comble à l’indignation royale : le roi et Choiseul se rencontrèrent dans la galerie des glaces, le duc de Choiseul était suivi d’un cortège à la tête duquel il semblait être un souverain, tandis que Louis XV à peine accompagné semblait un souverain en disgrâce. Cette circonstance décida de la chute de Choiseul, représenté aussitôt comme osant se présenter pour rival du souverain. En 1771, à la suite d'humiliations répétées contre Mme Du Barry – entre autres au théâtre de Fontainebleau –, Louis XV décida le renvoi de Choiseul et des siens, et le fit remplacer par le duc d’Aiguillon, ce qui accrut la rancœur de Marie-Antoinette à son égard.


Le neveu du duc d’Aiguillon alla remettre au duc de Choiseul une lettre par laquelle le Roi l’exilait non seulement avec dureté mais de manière menaçante. Le 24 décembre 1770 M. de Choiseul recevait cette lettre du roi : « Mon cousin, le mécontentement que me causent vos services me force à vous exiler à Chanteloup, où vous vous rendrez dans vingt-quatre heures. Je vous aurais envoyé beaucoup plus loin, si ce n’était l’estime particulière que j’ai pour Mme la duchesse de Choiseul, dont la santé m’est fort intéressante. Prenez garde que votre conduite ne me fasse prendre un autre parti ; sur ce, je prie Dieu, mon cousin, qu’il vous ait en sa sainte garde. » Il reçoit l’ordre de se retirer dans son château de Chanteloup près d’Amboise : « Le duc de La Vrillière, lié d’intérêts avec le duc d’Aiguillon, fut chargé de remettre la lettre royale à M. de Choiseul, et comme il s’efforçait d’exprimer à celui-ci son chagrin d’avoir à remplir une telle mission, le premier ministre, le regardant froidement, lui répondit avec sa superbe railleuse : « Je suis persuadé, monsieur le duc, de vos sentimens en cette circonstance[26]. »


En 1771, on lui demande de démissionner de sa charge de colonel des Suisses. Comme l’écrivit un chroniqueur « jamais un ministre au faîte de la faveur et de la puissance ne fut aussi triomphant que le duc de Choiseul dans sa disgrâce ».


Malgré tout, le roi Louis XV conserva une haute opinion de Choiseul : il s’écria en apprenant le démembrement de la Pologne « Ah ! Cela ne serait pas arrivé, si Choiseul eût été encore ici » (Biographie universelle)


L'impératrice Marie-Thérèse après avoir formellement déploré cette situation se satisfit parfaitement du duc d’Aiguillon, qu’elle jugea « doué de peu de génie et de talents, sans crédit et harcelé sans cesse par des factions »


Durant son bannissement, il est visité par des personnages puissants et apparaît comme un véritable chef de l’opposition. « Le duc de Choiseul, exilé à Chanteloup, y avait toute la France », observe l’abbé Morellet en 1773.


Marie-Antoinette considéra d'un très mauvais œil le départ de Choiseul, auquel elle pensait devoir son mariage. Pendant toute sa disgrâce, elle lui témoigne une grande fidélité et le fait rappeler à l’avènement de Louis XVI, le 10 mai 1774, lui donnant une audience à Reims au moment du sacre.


Mais Louis XVI ne pardonnait pas à Choiseul de s’être vivement opposé à son père, le dauphin Louis, à propos de l’expulsion des Jésuites en 1764, à tel point que lorsque le Dauphin mourut en 1765, le bruit des opposants fit courir la rumeur que Choiseul l’avait fait empoisonner.


Cependant, le Roi, cédant aux instances de la Reine, lui permet de revenir à Paris. Il reparaît à la Cour dès le 12 juin 1774, mais à cette date, Maurepas domine le Conseil et Vergennes occupe le secrétariat d’État aux Affaires étrangères.


Louis XVI lui réserva un accueil maussade, se bornant à lui dire : « Monsieur de Choiseul, vous avez perdu une partie de vos cheveux. » Choiseul comprit qu’il n’avait plus rien à espérer et repartit dès le lendemain pour Chanteloup où il mourut onze ans plus tard. Homme d'État, le duc de Choiseul ne succomba pas à l'amertume : ainsi en 1774 lors de la constitution du gouvernement de Louis XVI, questionné sur le choix de ministre, ce dernier répondit alors : «Je ne vois que le comte de Vergennes pour les affaires étrangères». Cette déclaration de soutien n'est pas surprenante et ceci malgré ses différends avec le marquis de Vergennes. Celui-ci, issu du courant traditionnel diplomatique du duc de Fleury, peut être considéré comme le continuateur de la politique de redressement du duc de Choiseul (1758-1770).


Le château de Chanteloup, vendu en 1786 par sa veuve au duc de Penthièvre, fut vidé de son mobilier par les saisies révolutionnaires, puis acquis par Chaptal, dont le fils, pressé par ses créanciers, le vendit à « la Bande Noire ». Cette sorte d'association de marchands de biens et de matériaux le dépeça et le démolit, à l'exception des caves, des deux pavillons de l'avant-cour et de la Pagode qui, avec la forêt, fut rachetée ensuite par Louis-Philippe Ier.



Dernières années |


Les dernières années du duc de Choiseul sont connues par différents témoignages : ainsi la marquise du Deffand en 1772, alors âgée de 75 ans, courant le risque de voir sa pension supprimée par la Du Barry, vint faire une visite à la duchesse de Choiseul.



« La vie qu'on mène me convient fort, on jouit de la plus grande liberté, c'est le ton de la maison. Point de compliments, on ne se lève pour personne, on reste chez soi ou on va dans le salon, on cause avec qui l'on veut; on déjeune à une heure; y va qui veut; on reste après dans le salon tant et si peu qu'on veut. Sur les cinq ou six heures, chasse ou promenade. Les unes y vont, les autres restent dans la maison, on soupe à huit heures, on fait très bonne chère, on est dix-huit ou vingt à table; les premiers arrivés s'y placent; on y arrive à l'heure qu'on veut, on n'attend personne. Au sortir de table on reçoit les lettres de la poste, chacun lit les siennes en particulier, on se dit les nouvelles qu'on apprend, on s'arrange ensuite pour le jeu; on joue, on ne joue pas : cela est égal. Après le jeu, va se coucher qui veut ; ceux qui restent font la conversation, qui est très gaie, très agréable, parce qu'il y a beaucoup de gens d'esprit et de bonne compagnie... […] »



Plus précisément à propos du duc de Choiseul, « Il faut les voir ici pour connaître parfaitement tout ce qu'ils valent; je dis l'un et l'autre, car le mari est aussi excellent dans son genre qu'elle l'est dans le sien : on ne peut être plus aimable, plus doux, plus facile; il s'amuse de tout; quant à elle, il est fâcheux qu'elle soit un ange; j'aimerais mieux qu'elle fût une femme; mais elle n'a que des vertus, pas une faiblesse, pas un défaut. »



La vie à Chanteloup |




Façade nord du château de Chanteloup.




Tombeau d'Étienne-François de Choiseul.


Le grand souci des hôtes de Chanteloup était de multiplier les distractions : jeux de société, billard, fêtes dans les jardins ou autour de la pièce d'eau.


Ou bien on organisait des chasses, mais on se plaignait sans cesse de l'absence de gibier; quand on faisait lâcher des faisans d'élevage, ils allaient aussitôt sur les propriétés voisines : « C'est qu'il y a trop de brouillard par ici, expliqua un vieux paysan du coin; ils ne parviennent pas à retrouver leur gîte. — Qu'à cela ne tienne, répliqua l'abbé Barthélémy; il suffit de fixer un peu partout sur les arbres de la région des écriteaux indiquant la direction de Chanteloup.. » On dit que Choiseul ne goûta pas cette fine plaisanterie !


"Tout le monde se prépare à vous aller voir. Compiègne sera désert, c'est à Chanteloup que sera la Cour. Chantilly, Villers-Cotterêts n'auront que vos éclaboussures..."


Mme du Deffand à la duchesse de Choiseul (correspondance publiée en 1859).


Une foule des visiteurs n'a cessé de se presser à Chanteloup entre 1772 et 1774. À cette époque le monde de la Cour délaissait Versailles et Compiègne pour se retrouver à Villers-Cotterets chez le duc d'Orléans, à Chantilly chez le prince de Condé et chez Choiseul à Chanteloup. Louis XV, en effet, avait interdit l'accès de Chanteloup à toutes les personnes qui ne seraient pas de la famille proche des Choiseul. Il n'en fallut pas plus pour que les visiteurs — qui voulaient par là affirmer leur indépendance — affluent à Amboise. Ce n'était pas sans risque pour eux : le prince de Beauvau, par exemple, perdit son gouvernement du Languedoc simplement pour être venu à Chanteloup.


La demeure des Choiseul fut pendant quelques années, surtout l'été, un véritable hôtel, ce qui étourdissait le pauvre abbé Barthélémy, qui n'arrivait plus à y trouver le repos : « Que de monde, que de cris, que de bruit, que de rires perçants, que de portes qu'on semble enfoncer, que de chiens qui aboient, que de conversations tumultueuses, que de polissonneries, que de voix, de bras, de pieds en l'air, que d'éclats de rire au billard, au salon, à la pièce du clavecin ! »


Choiseul mourut à Paris le 8 mai 1785; ruiné par un train de vie somptueux et malgré une immense fortune, il résidait depuis quelques années en l’hôtel Delaunay (construit en 1716 pour l'orfèvre Nicolas Delaunay), situé à l'angle de la rue de la Grange-Batelière (actuel 5, rue Drouot) et du boulevard des Italiens; c'était sa résidence depuis 1782, car il fut obligé de vendre en lots le jardin de son hôtel de la rue de Richelieu toute proche, puis l’hôtel lui-même, qui était situé au niveau des n° 90-98 de l’actuelle rue de Richelieu; Choiseul le possédait par son mariage avec Mlle Crozat.


Il meurt d’une bronchite mal soignée, laissant 10 millions de livres de dettes: ses 200 invités quotidiens ont eu raison de la fortune de sa femme.


Après le service à Paris, le corps fut transféré à Amboise, en passant par Blois. Cheverny a laissé ce témoignage : « J'étais tristement à me promener dans le jardin de l'évêché de Blois, tout entier à mes réflexions, quand j'aperçois dans le chemin deux voitures en poste, une voiture allemande et une berline, avec un seul courrier. C'était le duc qu'on portait dans le cimetière d'Amboise. Le maréchal de Stainville et le duc du Châtelet suivaient dans une berline; le cercueil était accompagné d'un prêtre. »


Le duc fut enseveli dans le nouveau cimetière d'Amboise, qu'il avait donné à la ville et qui avait été béni le 26 mai 1775. Sur l'ordre formel qu'il avait donné dans son testament, un cyprès mâle fut planté sur sa tombe et le pépiniériste de Chanteloup fut chargé de l'entretenir; il avait également demandé qu'une place dans son tombeau fût réservée près de lui à la duchesse : « Il lui était doux de penser, dit-il dans son testament, qu'il reposerait après sa mort auprès de celle qu'il avait tant chérie et respectée pendant sa vie. »


La duchesse lui fit élever un tombeau en pierre dans le style grec, et composa elle-même une longue inscription qui se développait sur trois faces du monument :



« Étienne-François duc de Choiseul Amboise, pair de France, chevalier des ordres du roi et de la Toison d'or, lieutenant général des armées, gouverneur général de Touraine et de la ville d'Amboise, gouverneur et grand bailli du pays des Vosges et de Mirecourt, grand bailli de la préfecture d'Haguenau, ministre d'État.


Dans ces lieux saints qu'il a choisis pour sa sépulture, au milieu du peuple qu'il chérissait, repose Étienne François duc de Choiseul Amboise. Il fut ami sensible, frère et époux tendre, maître indulgent, sujet fidèle, citoyen zélé, grand homme d'État. Il étonna l'Europe par son génie, la persuada par sa franchise, la pacifia par sa sagesse. La France lui doit le retour de sa gloire; elle applaudit encore aux talents qui lui en rendirent l'éclat. Bon, noble et facile, généreux, délicat, bienfaisant, tout ce qui l'approchait lui payait un tribut d'admiration, de reconnaissance et d'amour.


Les regrets de toutes les classes de citoyens attestent ses vertus politiques. Et le désespoir de sa veuve, les larmes de son frère, de ses sœurs et de son fils adoptif, la douleur de ses amis, l'abattement de ses domestiques attestent ses vertus privées. Le temps qui détruira son tombeau conservera son nom, pour apprendre à la postérité que la réunion du génie et des vertus est la véritable grandeur. Né le 28 juin de l'an 1719, il mourut le 8 de mai de l'an 1785. »



La quatrième inscription était destinée à elle-même : seule la date de sa mort restait à ajouter :



« Ci-gît l'épouse auprès de l'époux, épouse autrefois chérie et fortunée d'Étienne François duc de Choiseul Amboise, qui, par son testament, l'a appelée à l'honneur de partager sa sépulture. Elle lui a fait élever ce monument et l'a pleuré depuis le 8 mai 1785 jusqu'au moment de sa mort arrivée le… »




Un grand amateur d'art |


Le duc de Choiseul avait à cœur de vivre en grand seigneur, toujours soucieux d'affirmer son rang non seulement par la politique mais aussi en tant qu'homme amateur des arts et des œuvres.


Il été dans son train de vie et sa superbe souvent comparé à une autre famille historique issue de la Lorraine, les Guise, connus pour leur patronage artistique et leur mécénat tout autant que par leur rôle politique et militaire. "Le lorrain" comme le surnommait avec un mépris teinté de xénophobie Michelet avait des goûts artistiques sûrs et incontestables.


On connaît de lui un portrait (h/t, 81,1 x 64,9 cm) de l’atelier de Louis-Michel Van Loo (Toulon 1707 - Paris 1771), reprise d'atelier dérivée d'une gravure de Fessard. Il en existe plusieurs versions autographes; celle, de format différent, qui est conservée au château de Versailles provient de la succession de la princesse de Faucigny-Lucinge, née de Choiseul-Gouffier.


On peut citer comme exemple de son goût une commode d’époque Louis XV, vers 1750, (haut. 87 cm - Long. : 131 cm - Prof. : 63 cm) provenant, sans doute, du pavillon de chasse du duc, a été adjugée 28 000 , à Neuilly-sur-Seine, le mardi 20 juin 2006 par la SVV Aguttes; ce meuble estampillé par François Garnier et portant la marque JME (Jurande des Maitres Ebénistes) est laqué à la manière européenne et chinoise, à décor sur des fonds noirs et or. Dans une réserve, une coupe présente des ustensiles, un vase fleuri et feuillagé animé de papillons et de branchages ; sur les côtés des branches sont animées d'oiseaux ; les encadrements sont de quartefeuilles ; elle ouvre par deux tiroirs sans traverse ; les montants et pieds sont cambrés. Il est pourvu d’ornements […]


Le goût de Choiseul pour les aménagements somptueux est illustré par deux miniatures de Louis-Nicolas Van Blarenberghe, vers 1770 représentant deux pièces de son hôtel parisien de la rue Crozat :



  • l'une (coll.privée) montre un salon de forme octogonale éclairé par une verrière au centre du plafond circulaire, aux murs couverts de tableaux aux cadres dorés, meublée de deux commodes "en demi-lune" apparemment incorporées aux lambris bas blanc et or (comme la cheminée de marbre et sa glace) , de deux canapés, deux bergères (et un fauteuil ?) recouverts d'un tissu vert, et d'un bureau d'aspect Louis XVI dont le cartonnier ouvert est surmonté d'un exemplaire de la célèbre pendule dite « à la Geoffrin » ou « l'Emploi du temps » (reprod. dans un numéro de l'Estampille-L'Objet d'art) ;

  • l'autre (Paris, Musée du Louvre) représente [sa] chambre […] ; les tableaux qui ornaient cet appartement ont été reproduits dans le Cabinet de Choiseul de Basan : :L'Offrande à l'Amour de Greuze, (exposé au salon de 1769, coll. prince de Conti puis coll. Wallace);Le Baiser envoyé de Greuze; La Jeune Grecque sortant du bain par Vien; Le Sacrifice à Priape de Raoux; un secrétaire et une bibliothèque d'Oeben; L'Innocence, statue de J.J. Caffieri (exposée au Salon de 1767) […]


Cette miniature est à rapprocher de la tabatière octogonale en or du maître-orfèvre parisien Roucel (1770-17771) qui fit partie de la collection Élie de Rothschild : elle est ornée de neuf petites gouaches représentant le duc examinant des plans de forteresse dans la Grande Galerie du Louvre et dans diverses pièces de son hôtel de la rue de Richelieu - où l'on peut identifier certains meubles et tableaux de sa collection - faisant sa toilette ou assis à un bureau dû à Caffieri (vers 1760); ce meuble fut ensuite utilisé par Talleyrand et Metternich, avant d'intégrer la collection Robert de Rothschild (reprod. par Douglas Cooper Les Grandes Collections Privées, éditions du Pont-Royal, 1963, p.178).


Tous les appartements de Chanteloup sont ornés avec le même goût. Le musée de Tours conserve une grande quantité de toiles […]. Les jardins qui entouraient le palais étaient à l'unisson. »


— René-Édouard André, Documents inédits sur l'histoire du château et des jardins de Chanteloup, bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français, Librairie Armand Colin, 1935, p 29 et 30 - archives pers.



« Les achats et les ventes de mobiliers et d'objets d'art par les Choiseul ont jalonné l'histoire de la curiosité et des collections de 1764 à 1875, dont les ventes prestigieuses de 1793 et 1808 […] le goût Choiseul a été somptueux  »



— Patrice de Vogué, Mémoire d'un chef-d'œuvre, Vaux-Le-Vicomte, 1875-2008, Imprimerie Nationale, 2008, p.44


.


Plusieurs musées et grandes collections conservent des épaves du mobilier et de la collection du duc de Choiseul, certaines issues des saisies révolutionnaires opérées en 1794 à Chanteloup :



  • une copie de son portrait en cuirasse par Van Loo (1763), travail d'atelier (musée des Beaux-Arts de Tours);

  • un autre exemplaire est cité au musée d'Amboise en 1962 (l'œuvre a été gravée par Fessard en 1769 et 1770);

  • un grand cartel en bronze doré de style Louis XV (château du Clos-Lucé à Amboise);

  • un bureau plat à cartonnier en ébène et bronzes dorés, un des premiers exemples français de meubles à décor « à la Grecque » (musée de Chantilly - cf. celui représenté dans son portrait par Van Loo de 1763 - musée de Versailles);

  • le Musée des Beaux-Arts de Tours conserve un bureau plat à cartonnier, de style déjà Louis XVI, marqueté de cubes et bronzes dorés, une commode à panneaux de laque orientale par l'ébéniste Demoulin, quatre vues de sites romains attribuées à Hubert Robert, vers 1761, ayant servi de dessus-de-porte, quatre paysages, dont une Vue de Paradis près Chanteloup par Houel (1769), Apollon révélant sa divinité à la bergère Issé par Boucher (1750), deux Paysages avec une bergère, etc., de l'école de Boucher;

  • le Pierrot content d'Antoine Watteau, ayant probablement figuré à la vente de cinquante tableaux, estampes, dessins, etc., du 18/12/1786 (cf. la Notice des objets curieux dépendants de la succession de feu M. le Duc de Choiseul); acquis alors par l'américain Henry Carry, le tableau fut exposé par ses héritiers à Boston en 1939, puis intégra en 1977 la collection du baron Hans Heinrich Thyssen-Bornemisza (reprod. coul. sous le numéro 52 du catalogue de l'exposition des oeuvres anciennes de cette collection au Petit-Palais de Paris du 7/01 au 28/03/1982, pp 100 et 101); quatre dessins en rapport sont connus;



  • une paire de fauteuils dits « à la Reine » et un « petit canapé ou bergère » de style dit Transition en bois doré, estampillés par George Jacob, sont conservés au musée Carnavalet à Paris à la suite du legs Pomeranz (1992) comprenant un canapé, de quatre fauteuils et deux "bergères", ensemble qui peut être celui (coll. Grandmaison ?) qui fut proposé au château de Versailles en 1937 ; les autres pièces - quoique portant la marque de Chanteloup - paraissant être des copies, n'ont pas été retenues par les conservateurs (un grand canapé et un fauteuil au bois redoré et garniture moderne, parties du lot 93 de la vente Pomeranz du 12/12/1992, furent acquis par Hubert de Givenchy);

  • un « confident » (dit « tête-à-tête » dans un inventaire de 1787) de même modèle, qui serait le seul siège du château conservé dans son état originel (garnitures attribuées à Martin Vallet) est conservé depuis 1988 au J.P. Getty Museum de Malibu (USA); un autre (redoré) appartient à une collection particulière. Ces sièges, évoqués par A.Gabeau en 1898 et rapprochés de la série de cinq qui meublaient la galerie du château jusqu'en 1794, ont été reproduits respectivement par Anne Forray-Carlier (Le musée Carnavalet s'enrichit - L'Estampille-L'Objet d'Art, n°264, décembre 1992, pp 52 à 57) et dans le catalogue de l'exposition de 2007 cité supra (pp. 269 à 274);

  • un fauteuil de style Transition en bois doré et satiné (vers 1770), portant la marque d'inventaire de Chanteloup, est au Victoria and Albert Museum à Londres;

  • une grande commode d'époque Louis XVI attribuée à l'ébéniste Beneman portant la marque du château de Chanteloup « provenant d'une grande collection » a été vendue aux enchères publiques à Paris (étude Ader Picard et Tajan, 17/03/1988).

  • une paire de bergères en bois doré de style Louis XVI par Delaunay (mort en 1778) provenant d'un important un mobilier de salon de Chanteloup et ayant fait partie de la collection de Béatrice Ephrussi née de Rothschild est conservée dans le salon louis XVI de la fondation éponyme à Saint-Jean-Cap-Ferrat est (l'une est reprod. dans "l'Estampille-l'Objet d'art" n°227 juillet/-août 1989 p.48).


Un "fauteuil de bureau canné à dossier de cuir" par Michard ayant appartenu à Choiseul et qui fit partie de la collection de Jacques Doucet, fut vendu 33 500 francs lors de sa vente du 5 juin 1912 (mentionné par Seymour de Ricci dans Henri Clouzot L'ameublement français sous Louis XV, 1913, p.105).


En 1790 furent publiés sous le nom de Choiseul des Mémoires apocryphes.


Par ailleurs, Félix Sébastien Feuillet de Conches posséda des "Mémoires de la main d'Etienne Choiseul-Stainville, Duc de Choiseul, Ecrits dans sa retraite de Chanteloup après son ministère" rédigés sous forme de lettres, que le marchand d'autographes Etienne Charavay, chargé par ses héritiers de la vente de ce qui restait de sa collection après les ventes de 1873 et 1875, découvrit après sa mort (1887 . "Les documents relatifs à Choiseul étant assez rares", il acquit ce manuscrit de 143 pages, le soumit à l'expertise graphologique de son ami Jules Flammermont, puis le publia en 1904 sous le titre Mémoires du Duc de Choiseul 1719-1785; il apparut ensuite dans un catalogue non daté de 252 lots de manuscrits, livres et autographes du libraire londonien J. Pearson and Co (arch. pers.), mis à prix 300 livres.


Le duc passait pour avoir pour sa sœur, la duchesse de Gramont, une affection plus que fraternelle; celle-ci fut amie de Mme de Pompadour, ce qui favorisa la carrière politique de son frère. Lors de la vente aux enchères publiques du mobilier Choiseul, elle écrivit au dos de chaque estampe du livret ou catalogue représentant les tableaux mis en vente le prix atteint par chacun d'eux (une copie du catalogue existait dans la collection Elie de Rothschild en 1963).


Un portrait de la duchesse par Drouais provenant du château de Chanteloup fut vendu aux enchères publiques à Saint-Dié le 16 décembre 2007.



Titres |




  • Comte de Choiseul[27] ;


  • Marquis d'Estainville et de La Bourdaisière[27],[28] ;


  • 1er duc de Stainville dit « de Choiseul » et pair de France (1758) ;


  • 1er duc d'Amboise dit « de Choiseul » et pair de France (1764) ;



Décorations |







Chevalier du Saint-Esprit

Chevalier de la Toison d'or




  • Chevalier du Saint-Esprit (Versailles, 2 février 1757)[28] ;


  • Chevalier de la Toison d'or (ordre espagnol, 1761, brevet n°756) ;



Armoiries |



Armes du duc de Choiseul 


D'azur, à la croix « billetée » d'or[28],[29],[30].

Armes des Choiseul-Stainville 

(1) D'azur, à la croix d'or, cantonnée de vingt billettes du même, cinq dans chaque canton, 2, 1 et 2, et chargé (de Choiseul) en cœur d'une croix ancrée de gueules qui est de Stainville[31].


« Alias » 

(2) Écartelé de Choiseul et de Stainville[31].



  • Supports : deux lions d'or[31].



Généalogie |




Iconographie |


  • Un portrait à mi-corps, assis à un bureau, par Louis Michel Van Loo (1763), reproduit partiellement sur cette page (anc. collection de Louis XV, musée national du château de Versailles), fut gravé par Fessard en 1769; il en existe des répliques d'atelier et copies anciennes, certaines d'après l'estampe et avec des variantes, à la mairie d'Amboise (qui en conserve un autre de Choiseul plus jeune en buste, daté, et un troisième, de celui-ci cuirassé, désignant une bataille), Coutances, Limeray, Versailles, et dans des collections particulières;

  • un portrait, également à mi-corps, cuirassé, de l'atelier du même peintre (dépôt du musée de Versailles au musée des beaux-arts de Tours en 1927);

  • un médaillon en bronze dans un cadre de bronze ciselé et doré, portant l'inscription "Et.F (Étienne-François) de Choiseul-Amboise, pair de France" au musée Nissim de Camondo à Paris (no 431 de la 3e édit. du catalogue, après 1936).


Filmographie |



















































































































Œuvre

Type

Réalisateur

Année

Interprète du rôle de Choiseul

Madame du Barry

Long métrage

Ernst Lubitsch
1919

Reinhold Schünzel

Madame du Barry
Long métrage

William Dieterle
1934

Henry O'Neill

Remontons les Champs-Élysées
Long métrage

Sacha Guitry
1938

Jean Périer

La Du Barry était une dame
Long métrage musical

Roy Del Ruth
1943

Donald Meek

Madame du Barry
Long métrage

Christian-Jaque
1954

Massimo Serato

Napoléon
Long métrage

Sacha Guitry
1955

Marcel Journet

Marie-Antoinette, reine de France
Long métrage

Jean Delannoy
1956

Raphaël Patorni

La caméra explore le temps : Duc de Choiseul

Série télévisée

Stellio Lorenzi, André Castelot et Alain Decaux
1957


La caméra explore le temps : L'affaire Calas
Série télévisée

Stellio Lorenzi, André Castelot et Alain Decaux
1963

François Darbon

The Fanatics
Série télévisée

1968

Tom Criddle

Marie-Antoinette
Long métrage

Sofia Coppola
2006

Jean-Christophe Bouvet

Jeanne Poisson, marquise de Pompadour

Téléfilm

Robin Davis
2006

Albert Goldberg

Voltaire et l'affaire Calas
Téléfilm

2007

Michel Voïta

Nicolas Le Floch
Série télévisée

2008-

Paul Minth

Louis XV, le Soleil noir

Documentaire-fiction

Thierry Binisti
Diffusé le 25 décembre 2009 sur France 2

Benoît Solès


Notes et références |






  1. Charles Henri baron de Gleichen Souvenirs, édition 2011


  2. Biographie de


  3. http://www.domingino.de/stdomin/colons_l.htm


  4. "La France coloniale: La gloire de l'Empire", par Pierre Montagnon, 1988, p. 74


  5. Description par Maugras


  6. L'Histoire en ligne


  7. Le baron de Gleichen décrit avec une grande précision les membres du « clan des Choiseul » : « Madame de Choiseul a été l'être le plus moralement parfait que j'aie connu : elle était épouse incomparable, amie fidèle et prudente, et femme sans reproche. C'était une sainte, quoiqu'elle n'eût d'autres croyances que celles que prescrit la vertu; mais sa mauvaise santé, la délicatesse de ses nerfs, la mélancolie de son humeur, et la subtilité de son esprit, la rendaient sérieuse, sévère, minutieuse, dissertatrice, métaphysicienne, et presque prude. Voilà du moins comme elle était représentée à son mari par sa sœur, et le cercle joyeux qui se divertissait chez elle. Malgré cela, il était pénétré d'estime, de reconnaissance, et de respect pour une femme qui l'adorait, qui lui conciliait les ennemis de sa sœur, et à qui son cœur rendait la justice d'avoir une vertu plus pure, plus solide, et plus méritoire que n'était la sienne ».


  8. [1]


  9. « Choiseul (Étienne-François), comte de Stainville puis duc de Choiseul », sur le site du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) (consulté le 23 octobre 2013)


  10. Le baron de Gleichen le décrit ainsi :

    « Nommé ambassadeur à Rome, il était encore fort ignorant, il lisait peu, mais n'oubliait jamais rien de ce qu'il avait lu; son esprit prompt, adroit, pénétrant et juste, entendait à demi-mot, devançait les explications et cachait son ignorance en éblouissant par sa perspicacité. Aussi se contentait-il de savoir l'essentiel des choses, abandonnant les détails aux secrétaires et à ses commis. Il écrivait de sa main les dépêches les plus secrètes sans faire un brouillon, il n'en gardait pas de copies, et les envoyait par des courriers. Son écriture était si illisible, qu'un ministre fut obligé un jour de renvoyer la dépêche, en alléguant l'impossibilité de la déchiffrer. Il travaillait peu et faisait beaucoup. Ses intrigues et ses plaisirs lui enlevaient un temps considérable, mais il le regagnait par la promptitude de son génie et la facilité de son travail. Il avait imaginé différents moyens de l'abréger et de le simplifier; entre autres, une manière de réduire un grand nombre de lectures et de signatures à une seule. La voici : chaque courrier lui apportait une corbeille pleine de lettres et de placets, que lui, comme ministre de la guerre, aurait dû lire; il n'en faisait rien : premièrement, parce que c'était presque impossible, et puis, parce qu'il avait 26 bien autre chose à faire. Un commis les lisait pour lui, et formait une colonne à mi-marge, des numéros et des précis de ces lettres. Il en faisait la lecture au ministre qui lui dictait la substance de ses résolutions, et qui était écrite vis-à-vis, à la marge. Cela fait, le ministre parcourait le tout, et signait. Ensuite cette feuille se remettait à un autre commis, qui en faisait les réponses, lesquelles ne se signaient qu'avec la griffe, et partaient sans être revues par le ministre; mais l'original de toutes ces expéditions, déposé aux archives, était un document permanent qui obviait à tous les abus de l'estampille. »



    — Charles Henri baron de Gleichen Souvenirs 2011




  11. Le 11 août 1756, Benoît XIV écrivait au cardinal de Tencin : « Le comte de Stainville… s'est toujours très bien comporté et est honnête et galant homme. Il a même montré beaucoup plus de capacité qu'on en attendait de lui. » (cité in Maurice Boutry)


  12. La correspondance de 1763 à 1770 entre Choiseul et Voltaire remet en question un certain nombre d’idées courantes sur Choiseul, il est moins que certain de présenter Choiseul comme un partisan absolu de la cause autrichienne, à la différence de Bernis ou de Louis XV, son opinion est marquée par un réalisme plus lucide sur les atouts et les limites de cette révolution diplomatique que constitua le renversement des alliances de 1757 marquée par le premier et le second traité de Versailles.


  13. Jules Michelet, Histoire de France, 1724-1759, volume 18 1876


  14. Zysberg A. Nouvelle histoire de la France moderne, Tome 5, La monarchie des Lumières 1715-1786, Paris, Ed. du Seuil, 2002, 552 p. (Collection : Points. Histoire, n°211, (ISSN 0768-0457))


  15. l. III, chap. 6, O C III, p. 410




  16. « Le Duc de Choiseul peut être considéré civilement mort depuis son exil, et le comte de Struensee peut être considéré comme déjà condamné à mort par la sentence qu'on portera contre lui. Rien n'empêche donc un auteur peu scrupuleux sur la chronologie de les traiter comme d'anciens morts, et de les faire trouver ensemble dans les lieux imaginaires où les ombres convergent et s'entretiennent, selon la mythologie des païens, des chrétiens, des musulmans, et de presque tous les peuples du monde.

    Struensee : Après les belles choses que vous aviez si heureusement exécutées, de quel prétexte peut-on se servir pour vous exiler ?

    Choiseul : On allégua l'épuisement des finances. Louis avait quelque répugnance à se voir auteur d'une banqueroute; il voulut traîner les choses, pour laisser à son petit-fils en héritage l'horreur publique que cet événement devait lui attirer. On m'accusa donc d'avoir prodigué les espèces pendant mon règne; et il est vrai que je méprisais ce vil métal; je faisais des largesses; j'étais né avec des sentiments nobles d'un roi, qui doit être généreux et même prodigue.

    Socrate : Ma foi, tu étais un maître fou d'achever la ruine d'un royaume.
    Choiseul : Mon esprit était porté au grand, et sans doute qu'il y a de la grandeur à une monarchie comme la France de faire banqueroute. Ce n'est pas la faillite d'un marchand; il s'agit de milliards; l'événement fait du bruit, frappe les uns, étonne les autres, et bouleverse tout-à-coup nombre de fortunes. Quel coup de théâtre!

    Socrate : Le scélérat!

    Choiseul : Mr le philosophe, sachez qu'il ne faut pas avoir la conscience étroite quand on gouverne le monde.

    Socrate : Vas, pour rendre des milliers de citoyens malheureux, il faut avoir la férocité d'un tigre et un cœur de roche.

    Choiseul : Avec de telles dispositions vous pouviez briller au Céramique, mais vous n'auriez jamais été qu'un pauvre ministre.

    Struensee : Sans doute, un vaste génie se signale par des entreprises hardies; il veut du nouveau, il exécute des choses dont il n'y a point d'exemple, il laisse les petits scrupules aux vieilles femmes, et marche droit à son but, sans s'embarrasser des moyens qui l'y conduisent. Tout le monde n'est pas fait pour sentir notre mérite, les philosophes moins que les autres, et cependant nous sommes pour l'ordinaire les victimes des intrigues de cour.

    Choiseul : Voilà précisément comme j'ai succombé. Le mérite à notre cour ne tient pas contre les caprices d'un catin; encore était-elle soufflée par un cuistre à rabat; car que pouvait-elle d'elle-même que ranimer le feu presque éteint d'un prince en tout temps esclave du sexe ?

    Struensee : Si vous aviez employé l'opium pour engourdir votre monarque, les intrigues auraient été vaines, vous feriez encore ministre ou plutôt roi; car celui qui a le pouvoir et qui agit, est effectivement le maître, et celui qui le laisse faire, est tout au plus l'esclave de l'autre.

    Choiseul : L'opium était superflu. La nature avait fait mon maître tel que vos remèdes ont rendu le vôtre.

    Socrate : Ton opium t'a bien servi, malheureux apostat d'Hippocrate; tu as été emprisonné ni plus ni moins, et puni plus doucement que tu ne l'avais mérité.

    Struensee : C'était un coup de la fatalité, que l'on ne pouvait prévoir. Quelle catastrophe d'être déplacé, et encore par quelles gens!

    Socrate : Non, c'est une fuite de la justice éternelle, afin que tous les crimes ne soient pas heureux et qu'il y en ait quelques-uns de punis pour l'exemple des pervers.

    Choiseul :Je me flatte pourtant que vous plaignez ma disgrâce; car si j'avais continué mon règne, j'aurais étonné l'Europe par les grandes choses que mon génie aurait produites et exécutées.

    Socrate : Tu aurais continué à faire de brillantes sottises : si l'Europe avait des petites maisons, on devait t'y loger. Et toi, Danois, les supplices d'Ixion et de Prométhée feraient encore trop doux pour punir ta noire ingratitude envers ton maître, et tous les attentats qu'une ambition effrénée t'a fait commettre. »



    — Œuvres posthumes de Fréderic II, roi de Prusse, volume 6 (extraits), p. 113-127





  17. « — Le maréchal duc de Richelieu :C’est vrai, (je n’en persiste pas moins dans mon opinion.

    — Madame Du Barry : Que M. de Choiseul est un génie ?

    — Eh ! oui.

    — Mais en quoi éclate-t-il donc, ce grand génie, voyons ?

    — En ceci, madame : qu’il a fait une telle affaire des parlements et des Anglais, que le roi ne peut plus se passer de lui.

    — Les parlements, mais il les excite contre Sa Majesté !

    — Sans doute, et voilà l’habileté.

    — Les Anglais, il les pousse à la guerre !

    — Justement, la paix le perdrait.

    — Ce n’est pas du génie, cela, duc.

    — Qu’est-ce donc, comtesse ?

    — C’est de la haute trahison.

    — Quand la haute trahison réussit, comtesse, c’est du génie, ce me semble, et du meilleur »



    — Alexandre Dumas Joseph Balsamo Edition 1872




  18. Charles de Mazade à propos de la Correspondance inédite de Mme Du Deffand, précédée d’une notice par le marquis de Sainte-Aulaire, 2 vol. in-8°, 1859. Revue des deux Mondes t.24, 1859


  19. "Louis XV", par Michel Antoine


  20. Choiseul Ministère des Affaires étrangères : Espagne 524, f» 274.


  21. Bourguet, 6



  22. « La guerre étrangère peut seule faire cesser les troubles intérieurs de l'Empire, rappeler dans l'Europe l'ancienne considération des Turcs et imprimer à ses voisins le respect que la Porte leur inspirait autrefois. Aujourd'hui l'Empire turc est traité selon sa conduite. On élit un roi de Pologne malgré son opposition publique. La France, éloignée de 400 lieues de la Pologne, qui ne s'est intéressée depuis des siècles à ce royaume que relativement à son union avec la Porte, a éprouvé plus de considération que le Grand Seigneur même dans cette occasion, quoique la France ne pût, par sa situation, s'opposer physiquement à rien de ce qui se faisait à Varsovie. La Russie, ennemie naturelle des Turcs, est sur le point de s'approprier par un traité de limites une province entière qui lui facilitera les moyens de faire la guerre à l'Empire ottoman, sans passer par des déserts meurtriers pour les troupes russes, et la Porte n'a pas la force de se réveiller sur un intérêt limitrophe. [...] Il est certain que dans la situation où se trouve l'Empire ottoman, quand même il n'aurait aucun sujet de plainte contre ses voisins, il lui conviendrait d'en supposer pour faire la guerre. Il est dans le cas malheureux où une guerre étrangère lui est nécessaire ; c'est la seule ressource qui lui reste pour reprendre sa considération dans son propre pays et au-dehors ; mais il a de plus les raisons les plus fortes de faire la guerre à la Russie, La conjoncture même est aussi pressante qu'elle est favorable ; le désespoir, l'enthousiasme de la liberté et le fanatisme de la religion ont armé les confédérés ; toute la nation n'attend qu'un mot de la Porte pour se joindre à eux. Si la Porte manque ce moment, tout est perdu pour elle ; la Russie aggrave le joug de la Pologne et consomme le grand ouvrage de son ambition. La considération de l'Empire turc, la seule montre de ses forces, la seule déclaration de ses sentiments peuvent encore remettre la Pologne sous la protection de la Porte ainsi qu'elle doit y être, empêcher le démembrement de ce royaume, calmer les troubles de la Suède. Enfin la Porte glorieuse rétablira par quelques démarches vigoureuses sa considération, veillera à la sûreté de ses frontières, sera utile à ses amis de plusieurs siècles et abaissera l'orgueil de ses ennemis naturels qui feignent de la mépriser depuis plusieurs années en faisant connaître qu'ils enchaînent sa vigilance par des séductions. Les Russes murmurent hautement de l'injustice et de l'ambition de Catherine II qui épuise leur empire pour satisfaire l'orgueil d'une ancienne passion. Cette princesse, déjà chancelante sur son trône, succombera aux factions de ses sujets, lorsqu'on fera sentir à la nation révoltée que c'est le caprice orgueilleux de cette princesse que la Porte se propose uniquement de réprimer. L'Empire russe rentrera sous sa domination naturelle ; la Pologne et la Suède redeviendront des alliées fidèles et utiles à l'Empire ottoman ; la France reprendra son ancienne influence dans le Nord que la nonchalance des Turcs a seule pu affaiblir, et elle dirigera dans l'occasion les forces réunies de ses amis au soutien des mesures que la gloire et l'intérêt de l'Empire ottoman lui dicteront. Le chevalier de Saint-Priest a vu dans la correspondance du chevalier de Vergennes le commencement de l'exécution d'un système aussi digne des grandes vues du roi et aussi utile pour le bien commun de l'Europe et de l'humanité. Il en reprendra les errements avec le zèle et la vivacité que la grandeur de l'intérêt et la force des circonstances exigent. La Russie, par ses artifices, ses hauteurs et ses infidélités, semble travailler elle-même à déchirer le bandeau de l'illusion volontaire que les Turcs se sont faite jusqu'à présent. C'est à nous à hâter le réveil du Divan par nos représentations. Le kan des Tartares les seconde. Les officiers des frontières provoquent le ressentiment de la Porte ; déjà elle a donné des marques éclatantes d'intérêt aux confédérés. L'ambassadeur du roi ne doit rien négliger pour faire germer et éclore d'aussi heureuses dispositions. Si l'appât de l'argent pouvait séduire les ministres turcs, le roi ne mettrait point de bornes au prix d'un service aussi important »



    — « Mémoire pour servir d'instructions à M. de Saint-Priest, ambassadeur du Roi à Constantinople, Versailles, 17 juillet 1768. » Publié dans Recueil des instructions..., op. cit., t. XXIX, Turquie, éd. P. Duparc, Paris, 1969, p. 457-460. Et Sources d'histoire de la France moderne – XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle – Larousse – 1994 – p 710




  23. La Révolution de Turgot à J. Ferry, 1770-1880, Hachette, 1988, p. 39.


  24. Dans La Cour de France, Fayard, 1987, p. 521


  25. «La méfiance de Votre Majesté (à l'égard de ses serviteurs les plus zélés) provient des délations qu'Elle laisse approcher d'Elle. De bonne foi, Sire, pouvez-vous croire qu'un maréchal de Richelieu, une d'Esparbès, un Bertin, un d'Amécourt, un vieil abbé de Broglie, soient des sujets dont l'opinion puisse altérer la confiance que vos ministres méritent ? … Quand nous savons que ces espèces méprisables ont la liberté de vous écrire sur nous, le dégoût s'empare de nos esprits… L'honneur est attaqué en vous servant.»

    ..« Madame d'Esparbès se donne pour être votre maîtresse dans Paris et se déchaîne contre moi et contre ma famille dans les termes les plus odieux; la considération du ministère, qui n'est autre que la vôtre, est anéantie dans la capitale…»



  26. Correspondance de Madame Du Deffant


  27. a et bRoglo 2012.


  28. a b et cPopoff 1996, p. 98.


  29. Bunel Amboise.


  30. Bunel Choiseul.


  31. a b et cRietstap 1884.


  32. Généastar : Ascendants d'Etienne François De Choiseul



Sources |



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  • « Étienne François de Choiseul », sur roglo.eu (consulté le 4 avril 2012) ;


  • Arnaud Bunel, « Héraldique européenne », Duché de Choiseul, sur www.heraldique-europeenne.org, 1997-2011 (consulté le 11 juillet 2011) ;

  • Arnaud Bunel, « Héraldique européenne », Duché d'Amboise, sur www.heraldique-europeenne.org, 1997-2011 (consulté le 11 juillet 2011)



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