Anticolonialisme





L'anticolonialisme est un courant ou une attitude politique remettant en cause les principes et l'existence du système colonial[1]. Même si le terme n'est apparu qu'au début du XXe siècle (1903) [2], une critique de la colonisation se fait jour dès la période des Grandes découvertes.




Sommaire






  • 1 Présentation


  • 2 Notes et références


  • 3 Voir aussi


    • 3.1 Articles connexes


    • 3.2 Bibliographie


    • 3.3 Liens externes







Présentation |


À chaque étape de l'histoire coloniale correspond un certain type d'anticolonialisme[3]. Au siècle des Lumières, l’anticolonialisme n’est pas une doctrine homogène : le colonialisme est dénoncé pour des raisons qui peuvent être philosophiques, morales ou économiques et les partisans de l’anticolonialisme ne dressent pas les mêmes analyses politiques. Parmi les auteurs concernés figure Denis Diderot et son Supplément au voyage de Bougainville, qui est une réécriture du Voyage de Bougainville.Il n'existe pas encore alors d'empire colonial formel et la critique porte donc de ce fait sur les migrations elles-mêmes ainsi que sur leurs conditions.


Le développement considérable des empires coloniaux au XIXe siècle entraîne un essor de la réflexion anticolonialiste. Le discours colonialiste est alors guidé par la volonté d'apporter le progrès de la civilisation aux « races inférieures »[4], en particulier pour les courants républicains. Ainsi, Jules Ferry déclarait : « il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures »[5]. Georges Clemenceau lui répond vertement[6] à la Tribune trois jours plus tard[7]. Jules Ferry perdra son siège peu après.


En 1925, Léon Blum fait un discours devant la Chambre des députés critiquant le colonialisme comme étant de l'impérialisme et donc à repousser : « Vous vous méprenez, Il y a au moins dans cette Chambre un parti qui est resté hostile dans son fond même à la politique colonialiste, c'est le nôtre. Je dois le déclarer en son nom, nous sommes par principe, par tradition, des adversaires du colonialisme. (applaudissement à l’extrême gauche) Nous considérons que, dans l'état actuel de la société, le colonialisme est la forme la plus redoutable, la plus pernicieuse de ce qu'on appelle d'un mot par trop courant et qui cependant à un sens, l'impérialisme, c'est-à-dire l'instinct ancien, probablement naturel, qui pousse toute nation à étendre le plus loin possible son imperium, sa domination, sa puissance. (Mouvements divers) Nous sommes les adversaires du colonialisme en tant qu'il est la forme moderne de cet impérialisme. »


La parole est donnée à d'autres députés puis lui est redonnée :


M. Léon Blum. « Notre proposition de principe au colonialisme ne se fonde pas sur les raisons qu'invoquaient autrefois contre Ferry, par exemple, les radicaux clemencistes. Non, elle n'est pas de cette nature. Elle se fonde sur la raison essentielle que je viens d'exposer. Tous tant que nous sommes, nous avons trop l'amour de notre pays pour ne pas désirer l'expansion de la pensée. Tous, nous souhaitons le développement, la propagation de la pensée française, de la civilisation française. Mais nous n'avons jamais admis et je suis sûr que nous n'admettrons jamais que l'occupation militaire soit le véhicule sûr et fécond soit de la pensée, soit même de la force colonisatrice. (Applaudissements à l'extrême gauche.) La pensée de la France, la civilisation française, c'est par d'autres moyens que nous voulons la voir s'étendre dans le monde. Nous admettons qu'il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation... »


M. Gratien Candace. « Qui sont attardées. »


M. Léon Blum. «... et de les faire bénéficier par une sorte de devoir, de solidarité et de protection humaine de ce qu'elles-mêmes ont pu conquérir par l'effort de la science, de l'industrie et de la pensée. Mais, à notre sens, ce devoir ne doit s'exercer que par l'influence, par l'attrait, par la conscience donnée aux races dites inférieures du bienfait matériel ou moral que nous leur apportons. Le colonialisme de guerre qui s'installe par l'occupation et par la conquête, est quelque chose que nous avons toujours repoussé et que nous continuerons à repousser.»[8].


C'est alors généralement dans les milieux libéraux que se trouvent les opposants à la colonisation. Ils s'opposent en particulier à cet argument selon lequel il faut apporter la liberté par la force. Yves Guyot écrit ainsi : « Il est étrange qu'il faille employer le canon contre les opprimés pour les délivrer de leurs tyrans »[9]. Ils s'opposent au colonialisme, en particulier car il est pour eux le fruit du dirigisme et la volonté d'un État d'étendre son pouvoir. Guyot dénonce en particulier le colonialisme comme prolongement du « socialisme d'État ». Frédéric Bastiat a pour sa part dénoncé dans Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas l'erreur économique à vouloir coloniser l'Algérie pour s'approprier ses ressources[10]. Au Royaume-Uni, des libéraux comme Richard Cobden ou Herbert Spencer s'opposent vigoureusement à la politique d'expansion de l'Empire. Néanmoins, un libéral institutionnel comme Alexis de Tocqueville prit parti pour la colonisation de l'Algérie, s'opposant à la Chambre à Bastiat Guy Millière.


Aimé Césaire a mené une carrière active d'homme politique, en lien étroit avec son engagement culturel qui le pousse à dénoncer les méfaits de la colonisation dans Cahier d'un retour au pays natal (1947), dans le Discours sur le colonialisme (1950) et à revendiquer la culture antillaise à travers la négritude. Il crée pour les Antilles l'expression génocide par remplacement qui sera reprise par la mouvance identitaire au XXIe siècle.


La question coloniale prend une importance centrale au XXe siècle. Lénine et l'Internationale communiste développent la thèse selon laquelle le colonialisme est le prolongement du capitalisme et s'y opposent à ce titre[11]. Dans l'après-guerre, l’anticolonialisme est en liaison avec les mouvements indépendantistes dans les colonies. Ce nouvel anticolonialisme regroupe à la fois les mouvements d’extrême gauche, des intellectuels et une partie des catholiques.



Notes et références |




  1. Encyclopédie Encarta


  2. En 1903 selon Le Nouveau Petit Robert.


  3. Jean Bruhat, « Anticolonialisme », Encyclopædia Universalis.


  4. Le terme doit être compris dans le contexte de l'époque


  5. Jules Ferry, Discours devant la Chambre des députés, 28 juillet 1885.


  6. « Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit. Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! (...)

    C'est le génie de la race française que d'avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d'avoir compris que le problème de la civilisation était d'éliminer la violence des rapports des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la violence, pour un avenir que nous ne connaissons pas, des rapports des nations entre elles. (...) Regardez l'histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l'oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l'histoire de votre civilisation ! (...) Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l'Européen apporte avec lui : de l'alcool, de l'opium qu'il répand, qu'il impose s'il lui plaît. Et c'est un pareil système que vous essayez de justifier en France dans la patrie des droits de l'Homme !

    Je ne comprends pas que nous n'ayons pas été unanimes ici à nous lever d'un seul bond pour protester violemment contre vos paroles. Non, il n'y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. Il y a la lutte pour la vie qui est une nécessité fatale, qu'à mesure que nous nous élevons dans la civilisation nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit. Mais n'essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c'est l'abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s'approprier l'homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n'est pas le droit, c'en est la négation. »



  7. Réponse de Clemenceau à Ferry le 31 juillet


  8. Léon Blum, Débat sur le budget des Colonies à la Chambre des députés, 9 juillet 1925, J.O., Débats parlementaires, Assemblée, Session Ordinaire (30 juin-12 juillet 1925), p. 848.


  9. Yves Guyot, "La Politique coloniale", Journal des économistes, janvier 1885


  10. Frédéric Bastiat, L'Algérie, 1850


  11. Lénine, L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme.



Voir aussi |


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Articles connexes |



  • Colonialisme

  • Néo-colonialisme

  • Anti-impérialisme

  • Décolonisation

  • Libéraux d'Algérie



Bibliographie |




  • Hachemi Baccouche, Décolonisation. Grandeurs et servitudes de l'anticolonialisme, éd. Nouvelles éditions latines, Paris, 1962


  • L'anticolonialisme européen de Las casas à Karl Marx, Pris Armand Colin, 1969, textes choisi et présentés par Marcel Merle


  • Yves Benot, Diderot, de l’athéisme à l’anticolonialisme, Paris, Maspero, 1970.


  • Dominique Chagnollaud et Jean Lacouture, Le Désempire, Figures et thèmes de l'anticolonialisme, Denoël, coll. « Destins croisés », 1993.


  • Gabriel Esquer, L'Anticolonialisme au XVIIIe siècle. Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, Paris, Presses universitaires de France, 1951.


  • Claude Liauzu, Histoire de l'anticolonialisme en France. Du XVIe siècle à nos jours, Armand Colin, 2007, 304 p.


  • Charles-André Julien, Une Pensée anticoloniale, Sindbad, 2007.



Liens externes |



  • Colonialisme et anticolonialisme, 1955-2005

  • Textes sur l'anticolonialisme



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