Siècles obscurs





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L'historiographie moderne appelle siècles obscurs (Dark Ages, « Âges sombres » suivant l'expression anglo-saxonne d'origine), en Grèce antique, l'époque qui va approximativement du XIIe au VIIIe siècle av. J.-C.




Sommaire






  • 1 Siècles obscurs


  • 2 Le renouveau historiographique


    • 2.1 Sources


      • 2.1.1 La période proto-géométrique


      • 2.1.2 La période géométrique




    • 2.2 Conclusions




  • 3 Bibliographie


  • 4 Notes





Siècles obscurs |


L'expression « siècles obscurs » ou « âges obscurs » fut popularisée par The Dark Age (1971) d'Anthony Snodgrass et The Greek Dark Ages (1972) de V. R. d'A. Desborough. À cette époque, la fin du XIIIe siècle apparaissait comme une chute irrémédiable de la civilisation mycénienne, surnommée « la Catastrophe ». On parle aussi de « Moyen Âge grec ». Par contraste, le VIIIe siècle apparaît comme une véritable Renaissance de la Grèce.


Selon Desborough, le recul du XIIIe siècle s'explique par de grandes invasions.


Article détaillé : Invasion dorienne.

Snodgrass se montre plus prudent. Aujourd'hui, les historiens ont tendance à rejeter cette hypothèse, en l'absence de preuves archéologiques. L'effondrement de la civilisation mycénienne peut aussi avoir eu des causes climatiques déstabilisant l'équilibre économique et donc politique régional (la sédimentologie indique des sécheresses prolongées alternant avec des pluies diluviennes, d'où perte probable des récoltes et turbidité de la mer réduisant les prises de pêche[1]) car à peu près à la même époque, la domination hittite en Anatolie prenait brutalement fin avec la destruction de leur capitale Hattusa, tandis que la fin de la XIXe et la XXe dynasties égyptiennes étaient confrontées aux invasions des Peuples de la mer.


Il n'y a pas d'explication arrêtée à la chute du monde mycénien, mais son déclin progressif est probablement dû à une combinaison de phénomènes naturels, de tensions intérieures et de fragilité intrinsèque du système mycénien.


Desborough et Snodgrass s'accordaient pour dresser un tableau apocalyptique de la période des âges sombres : chute dramatique de la démographie, perte de l'écriture et des techniques architecturales, pauvreté, etc.


De fait, les grands palais mycéniens succombèrent aux incendies à Mycènes elle-même, Tirynthe, Pylos et Thèbes. En Crète exceptée, aucune grande construction en pierre ne fut plus entreprise. Les grandes tombes collectives furent remplacées par des tombes individuelles, beaucoup plus modestes, ou par l'incinération. Le travail du bronze s'éteignit, faute des nécessaires contacts avec l'extérieur pour importer le cuivre et l'étain. Seule la céramique demeura comme trace matérielle de la culture de l'époque. Le linéaire B disparut, sauf à Chypre. Enfin, de grandes régions se trouvèrent dépeuplées, comme en Laconie et Messénie. Certaines populations cessèrent de cultiver leurs champs et se consacrèrent exclusivement à l'élevage.



Le renouveau historiographique |






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Néanmoins, depuis l'époque de Snodgrass et Desborough, les historiens[Lesquels ?] se montrent beaucoup plus prudents par rapport à un tableau qui n'est pas sans rappeler l'image longtemps négative du Moyen Âge occidental.



Sources |


L'archéologie récente a examiné avec plus d'attention les vestiges des siècles obscurs. Tout d'abord, elle a exploré davantage les strates du sol et les structures des monuments. Des traces de temples sont ainsi apparues. Ensuite, elle a entrepris de fouiller les lieux situés à l'écart des grands palais mycéniens, qui restaient mal connus même pour l'ère achéenne. Enfin, des sites importants ont été mis au jour. Au premier chef figure celui de l'hérôon de Lefkandi, en Eubée. Il s'agit d'un grand bâtiment à substruction de pierre, surmontée par des briques crues et une colonnade extérieure en bois. Le tout, long de plus de quarante mètres, constitue la sépulture d'un homme riche, incinéré selon des rites proches de ceux décrits par Homère. Il est daté de la fin du Xe siècle. L'hérôon lui-même est entouré d'un cimetière entier, dont la plupart des tombes sont richement décorées. Parmi les autres sites, peuvent être cités celui de Kalapodi (sanctuaire religieux de plein air), d'Isthmie, près de Corinthe, d'Assiros Toumba en Macédoine, Nichoria en Messénie, etc.


L'ethnographie a également suppléé en partie au déficit de vestiges. Pour comprendre les évolutions de la société grecque à l'époque, des comparaisons ont été établies avec des sociétés connues. Ainsi, l'exemple des bergers nomades Saracatsanes, en Épire, a été utilisé comme modèle pour la société pastorale de la fin de la période. De même, la structure hiérarchique de peuplades mélanésiennes a servi à éclairer les relations de pouvoir montrées par les textes homériques. L'archéologie doit ensuite confirmer la pertinence du rapprochement.


Enfin, l'exemple d'Athènes tranche avec le reste. Selon la mythologie grecque, Athènes échappa à la régression post-mycénienne car elle fut le lieu où se réfugièrent les Néléides, descendants de Nélée, chassés de Pylos. De fait, Athènes conserva une agriculture et une activité artistique de premier plan, avec en particulier sa céramique proto-géométrique.


Toutes ces recherches permettent de mettre au jour une évolution complexe de la société en Grèce à cette époque qui peut être partagée en deux périodes: proto-géométrique et géométrique.



La période proto-géométrique |


Article détaillé : Période protogéométrique.

Au début du XIe siècle, la Grèce paraît dépeuplée. Les sites d'habitat ont fortement chuté (320 sites au XIIIe siècle contre 40 sites au XIe siècle) et les nécropoles possèdent moins de tombes. Cette dépopulation est inégale : l'Argolide et la Messénie semblent se vider alors que l'Attique et l'Eubée semblent moins touchées par cette baisse de population. Les habitants vivent dans des maisons rudimentaires en brique crue aux toits couverts de chaume.


Cependant, des innovations se développent durant cette période. La céramique, de style proto-géométrique (1050-900), utilise de nouvelles techniques, aux décors en cercles et demi-cercles (tracés au compas), de lignes et de motifs peints, qui donnent un aspect géométrique aux décors. Le fer remplace le bronze dans de nombreux objets et outils ; les zones d'extractions se situent en Grèce même : l'Attique, l'Argolide, Lefkandi en Eubée deviennent de grands centres de la métallurgie du fer. Les pratiques funéraires évoluent : l'incinération remplace l'inhumation (excepté pour les jeunes enfants) et les tombes sont individuelles. Les Grecs émigrent par petits groupes pour aller s'établir sur les côtes de l'Asie mineure et dans les îles de la mer Égée. À cette époque, ils peuplent les deux côtés de la mer et semblent s'être installés sans heurts.


On ne peut pas tracer un tableau totalement négatif de cette période où les éléments de continuité sont aussi nombreux que ceux de rupture : un dépeuplement sévère mais une continuité culturelle. Certains historiens avancent l'hypothèse d'une transformation du mode de vie vers le pastoralisme comme explication de ces changements[2].



La période géométrique |


Article détaillé : Époque géométrique.

Les Xe siècle -VIIIe siècle sont souvent appelés période géométrique du nom du style de céramique qui se développe alors. Si l'on se réfère au nombre de tombes dans les nécropoles du VIIIe siècle, la tendance démographique s'inverse; mais cette interprétation est toujours l'objet de débats.


Les campagnes se repeuplent ; les indices sont un habitat de petits villages entourés de murailles, la reprise des cultures (silos à grains, récipients pour contenir de l'huile), la trace d'un artisanat textile et du travail de la céramique.


Les premiers sanctuaires naissent à cette époque ; on en trouve beaucoup au nord et au centre de la Grèce (Dodone, Thermon, Delphes, Erétrie, Eleusis, Perachora), dans le Péloponnèse (Olympie, Argos) et dans les îles (Délos, Samos). Ces bâtiments pouvaient être des lieux de banquets ou de simples lieux de réunion. Leur fonction cultuelle est probable même si ce ne sont pas des temples au sens strict (les temples n'apparaissent que vers 800). Des rituels se mettent en place comme les offrandes aux dieux dont on a retrouvé de nombreux exemples ; de la figurine en terre cuite jusqu'aux chaudrons tripodes en bronze. Ces offrandes donnent un aperçu de la fréquentation de ces sanctuaires et de la condition de ceux qui les offrent et qui fréquentent ces sanctuaires.


L'habitude de déposer des offrandes se met aussi en place sur les tombes très anciennes, souvent de l'âge mycénien. Le mort anonyme devient un héros auquel on donne un nom et à qui l'on rend un culte. Cette manière de se créer un passé et de s'ancrer dans un territoire est un point d'accord pour les historiens. Cependant, son lien avec la récitation des épopées (surtout homériques) est affaire d'interprétation.


L'écriture alphabétique est attestée par des graffiti sur vase et des inscriptions de la deuxième moitié du VIIIe siècle : les signes sont empruntés aux Phéniciens pour les consonnes, mais les Grecs y ajoutent des voyelles. Son usage se répand très vite dans toute la Grèce, sur tous les supports hormis les tablettes d'argile et son invention semble dater de la fin du IXe siècle ou le début du VIIIe siècle[2].



Conclusions |


Les « siècles obscurs » paraissent aujourd'hui davantage une période de changement que de déclin ; ils portent les prémisses des techniques, pratiques sociales et modes de pensée qui vont définir la Grèce antique des cités-états. Ils sont aussi l'époque de rédaction de documents écrits dont certains sont d'une importance capitale dans la culture grecque, les poèmes homériques, l’Iliade et l'Odyssée, attribués à Homère. La cité grecque ne semble plus apparaître d'un coup au VIIIe siècle : elle figure déjà en filigrane dans les textes homériques.


Reste qu'après l'effondrement des civilisations minoenne et mycénienne, le XIIe siècle avait été marqué par la disparition de l’Économie palatiale et de la loi et l'ordre qu'elle avait imposés, par l'oubli de l'écriture, la dégradation du commerce, la baisse démographique, la décadence des arts. Il en va de cette controverse comme de celle qui fit rage naguère à propos du Moyen Âge occidental : le tableau sombre et tragique qu'offre la première partie de la période a longtemps masqué l'originalité et la force de la civilisation qui émerge durant la seconde partie, tandis qu'à présent ce serait plutôt l'inverse[pas clair].



Bibliographie |




  • (en) Vincent R. D'Arba Desborough, The Greek Dark Ages, Palgrave Macmillan, 1972 ;

  • Claude Mossé, La Grèce archaïque d'Homère à Eschyle, Seuil, coll. « Points Histoire », 1990 (ISBN 2-02-006944-X) ;

  • Annie Schnapp-Gourbeillon, « Ces âges qu'on disait obscurs… », in « La Méditerranée d'Homère, de la guerre de Troie au retour d'Ulysse », Les collections de L'Histoire no 24, juillet-septembre 2004 ;


  • (en) Anthony M. Snodgrass, The Dark Age of Greece: An Archaeological Survey of the Eleventh to the Eight Centuries BC, Routledge, 2001 (1re édition 1971) (ISBN 0-415-93636-5) ;


  • (en) James Whitley, Style and Society in Dark Age Greece: The Changing Face of a Pre-Literate Society 1100-700 BC, Cambridge University Press, 2003 (ISBN 0-521-54585-4).


  • (en) Susan Langdon, Art and Identity in Dark Age Greece. 1100-700 B.C.E., Cambridge University Press, 2008 (ISBN 978-0-521-51321-0).


  • (en) Susan Langdon, From pasture to police : art in the age of Homer, University of Missouri Press, 1992 (ISBN 0-8262-0928-9).


  • (en) Susan Langdon, New Light on a Dark Age, University of Missouri Press, 1997 (ISBN 0-8262-1099-6).

  • Jean-Claude Poursat, La Grèce préclassique, Des origines à la fin du VIe siècle, Seuil, coll. « Points Histoire », 1998 (ISBN 2-02-013127-7).



Notes |





  1. J. Faucounau : Les Peuples de la Mer et leur histoire, L'Harmattan, Paris, 2003 et J. Trichet, J. Gaillardet, M. Rotaru, M. Steinberg : Les climats passés de la Terre, 216 pp., Vuibert, 2006, (ISBN 978-2-7117-5394-9).


  2. a et bC. Orrieux, P. Schmitt Pantel, Histoire grecque, Coll. Premier Cycle, PUF, 1995.





























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