Cimmériens
Les Cimmériens sont un peuple de l'Antiquité, d'origine indo-européenne, installé en Tauride et sur le pourtour de la mer d'Azov avant de se disséminer aux VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. sur tout le pourtour du Pont Euxin en Asie mineure ainsi que dans les Balkans[1].
Sommaire
1 Étymologies
2 Histoire
2.1 Des sources fragmentaires
2.2 Les Cimmériens de Chersonèse
2.3 Les Cimmériens du Proche-Orient
3 Les Cimmériens dans la littérature
4 Voir aussi
4.1 Articles connexes
4.2 Liens externes
4.3 Bibliographie
4.3.1 Sources antiques
4.3.2 Travaux récents
5 Liens externes
6 Notes et références
Étymologies |
Ils sont connus en grec ancien comme Κιμμέριοι / Kimmérioi qui pourrait provenir de Κιμή / Kimế, « bout, bord, marge, rivage » : à titre d'exemple, à l'époque de Ptolémée, les Grecs appellent l'actuel Danemark Κιμϐρική χερσόνησος / Kimbrikế chersónêsos, la « péninsule du bord, les rivages des Cimbres »[2] ; dans ce cas, leur nom signifierait « ceux du bout/bord du monde ». Mais les tablettes assyriennes mentionnent un peuple du nom de Gimirraya, il s'agit peut-être des mêmes.
Dans l'« hypothèse des Kimris », leur nom a été rapproché d'autres dénominations comme Κύμβριοι / Kúmbrioi (Cambrie) donné aux habitants de l'actuel pays de Galles, Κίμϐριοι / Kímbrioi (Cimbrioi), peuple celtique repoussé par le général romain Caius Marius près d'Aix-en-Provence, ou bien encore des cités de Kumaïri (aujourd'hui Gumri en Arménie) et de Κυμή / Kumế (Cymè en Italie), ce qui a fait supposer des liens entre les Cimmériens et ces peuples ou lieux[3], mais le phénomène de « polynymie » (présence d'une même dénomination ou de noms proches, pour plusieurs peuples différents) est fréquent dans l'Antiquité, comme en témoignent Hérodote et Strabon[4] : on trouve, sans pouvoir prouver de filiation, des Albains en Italie et dans le Caucase ; des Ibères en Hispanie et dans le Caucase et aussi des Hibernes dans l'actuelle Irlande ; des Taurisques en Norique (actuelle Autriche) et en Tauride (actuelle Ukraine) ; des Vénètes en Armorique, en Italie du nord et en Germanie (Wendes) ; des Volques en plusieurs endroits de l'Europe occidentale et centrale… et on pourrait multiplier les exemples ; dans la plupart des cas, il s'agit d'hellénisation ou de latinisation tardive des noms de peuples ou de lieux initialement différents, et provenant de langues très variées, aboutissant à des ethnonymes grecs ou latins très proches phonétiquement, qui, à l'origine, n'entretenaient pas de rapports sémantiques, donc ethniques. Par exemple, le nom du pays de Galles Cymru (latinisé en Cumbria) et des gallois est d'origine celtique *com-brogi signifiant « du même pays, compatriote », d'un terme du celtique insulaire *mrogi- « frontière, marche », apparenté au proto-germanique *marka (vieux bas francique *marka > marche « frontière »). *Mrogi- s'est labialisé en *brogi (ancien gallois et breton *brogā > gallois, breton bro « territoire, pays ») semblable au gaulois brog(i)- « territoire, région, frontière, marche » cf. breuil du dérivé *brogilos)[5]
Histoire |
Des sources fragmentaires |
Les Cimmériens étaient un peuple cavalier nomade initialement signalé dans la steppe pontique, au nord du Pont Euxin (aujourd'hui la mer Noire), comme ce sera aussi le cas, après eux et successivement, des Scythes, des Sarmates, des Iazyges, des Roxolans, des Alains, des Huns, des Avars, des Bulgares, des Magyars, ainsi que de nombreux peuples turcs (Khazars, Petchénègues, Kiptchaks, Tatars…). Les Cimmériens étant les plus anciennement mentionnés, les sources écrites (des passages d'Hérodote et de Strabon, des tablettes assyriennes…) sont très succinctes. On a rapproché ce peuple des civilisations néolithiques pontiques révélées dans le même périmètre géographique par les fouilles archéologiques : nous sommes là davantage dans la protohistoire, que dans l'histoire, et on ignore presque tout de leur vie religieuse, sur laquelle les renseignements proviennent des tumulus funéraires contenant des représentations de déités anthropozoomorphes, centaures, chimères, dragons ourobores. Ces artefacts montrent des ressemblances avec ceux des cultures de Sintachte et de Srubna en Europe orientale, et avec la culture de Novotcherkassk dans l'actuelle Russie méridionale. Si l'origine des Cimmériens n'est pas encore totalement élucidée, leurs habitudes funéraires dont la position des défunts semblent les ranger du côté des Celtes. Leur localisation géographique les placeraient vraisemblablement sous la culture de Kemi Oba ainsi que sous la culture de Maïkop et ultimement de la culture de Sredny Stog, ils auraient toutefois été assimilés aux Scythes (émergeant de la culture de Yamna) durant l'âge du fer ce qui rejoint les données génétiques recueillies à ce jour. Seules les recherches linguistiques peuvent apporter quelques données complémentaires sur leurs apparentements.
Les Cimmériens de Chersonèse |
Dans l'Antiquité, la Chersonèse (« presqu'île » en grec) désigne la Crimée. Les Cimmériens s'y sont installés vraisemblablement dès 1200 av. J.-C., dans le territoire qu'Hérodote appelle le « Bosphore cimmérien ». Vers 700 av. J.-C., les peuples cavaliers de la steppe subissent la crise climatique de cette période dite Subatlantique[6], et les Cimmériens sont soumis à la pression des Scythes, eux-mêmes soumis à celle des Massagètes[7]. La noblesse cimmérienne tente de résister mais le peuple finit par se disperser, une partie se dirigeant vers le centre de l'Europe, une autre vers l'Anatolie. Hérodote rapporte qu'il subsistait encore des murs cimmériens dans le pays des Scythes et qu'une région porte le nom de Cimmérie, qui serait la Crimée. La principale différence connue entre Cimmériens et Scythes concerne l'art, dominé par des symboles géométriques chez les Cimmériens[8] tandis que l'art des Scythes est surtout zoomorphe.
Les Cimmériens du Proche-Orient |
Vraisemblablement en raison du climat de la période dite Subatlantique, les Grecs de l'Antiquité les disaient « Peuples de la Nuit »[9]. Homère écrit que leur pays est « couvert de nuées et de brumes » que « les rayons du soleil ne percent jamais »[10] : Éphore de Cymé rattache cette légende de nuit éternelle à leurs habitations dans des grottes reliées par de longues galeries creusées dans la roche volcanique. On a corrélé la période Subatlantique à des éruptions massives en Islande, avec injection dans l'atmosphère de cendres cachant le Soleil durant plusieurs années, et dépôt éolien de ces mêmes cendres que l'on retrouve intercalées entre les strates de lœss[11]. Probablement victimes de la mort de leurs troupeaux et de mauvaises récoltes, les Cimmériens n'avaient d'autre choix que de se porter vers des régions plus méridionales, moins touchées par les perturbations climatiques.
Vers 708 av. J.-C., ils franchissent le Bosphore et/ou le Caucase[12] et établissent une colonie dans la région de Sinope[7]. Ils vivent alors de piraterie et de pillage, et poursuivent leur progression jusqu'à l'Assyrie. Ils commencent par s'attaquer au royaume d'Urartu, dans la région du lac d'Ourmia. Le roi Rusa Ier puis son fils Argishti II ne parviennent pas à les contenir et subissent de lourdes défaites. Les Cimmériens sont alors crédités d'une réputation de redoutables guerriers dans toute la région.
Arrêtés en Cappadoce par Assarhaddon en 679 av. J.-C.(ou -695), ils se dirigent vers le royaume de Phrygie, où ils battent le roi Midas, puis vers la Lydie où ils livrent bataille vers 660 av. J.-C. contre le roi Gygès qui doit demander l'aide d'Assurbanipal dont la mort en 644 av. J.-C. leur laisse le champ libre. Les Cimmériens envahissent alors le pays, mettent à sac la ville de Sardes et dévastent la campagne. Entre 650 et 630 av. J.-C., ils sont signalés en Cappadoce, en Cilicie et dans le Pont.
Après la mort du roi des Cimmériens Lygdamis, vers 620 av. J.-C., les rapports de combats sont de moins en moins nombreux. Selon les auteurs grecs, le roi lydien Alyatte II chassa les envahisseurs et mit un terme définitif à la menace cimmérienne vers 610 av. J.-C.[13].
Les Cimmériens dans la littérature |
- Selon Étienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire, les Cimmériens vivent aux pôles car ils sont six mois dans l'obscurité complète : « comme le dit Homère de celui des Cimmériens, où le soleil se montre tout différent qu’à nous, où après les avoir éclairés pendant six mois consécutifs, il les laisse dans l’obscurité durant les six autres mois ».
- Dans sa fameuse « Prière sur l'Acropole » (Souvenirs d'enfance et de jeunesse, 1883), Ernest Renan évoque les Cimmériens : « Je suis né, déesse aux yeux bleus, de parents barbares, chez les Cimmériens bons et vertueux qui habitent au bord d'une mer sombre, hérissée de rochers, toujours battue par les orages. On y connaît à peine le soleil ; les fleurs sont les mousses marines, les algues et les coquillages coloriés qu'on trouve au fond des baies solitaires. Les nuages y paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d'eau froide y sortent du rocher, et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d'herbes ondulées, se mire le ciel. »
- L'Américain Herbert W. Armstrong, fondateur de la secte « Église universelle de Dieu », considère dans son livre Les Anglo-Saxons selon la Prophétie (1982, 196 p.) que les Cimmériens ne sont autres que les fameuses dix tribus perdues déportées vers le nord par les Assyriens au VIIIe siècle avant notre ère.
- Le personnage de fiction nommé Conan est identifié comme « cimmérien » dans la série de récits de Robert Ervin Howard, dont une adaptation est portée à l'écran dans les années 1980 avec l'acteur Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal. L'univers dépeint par Howard est une époque antédiluvienne qu'il dénomme Âge Hyborien, où les Cimmériens sont présentés comme descendants des Atlantes et ancêtres des Celtes.
- Les Cimmériens sont également décrits comme un peuple guerrier, des barbares envahisseurs « prêts à croiser le fer » dans la chanson La Tribu de Dana du groupe de rap français Manau (mai 1998).
- Une littérature et une langue cimmériennes fictives sont évoquées dans le roman d'Italo Calvino, Si par une nuit d'hiver un voyageur.
Voir aussi |
- Culture de Sredny Stog
Articles connexes |
- Taures
- Tokhariens
Liens externes |
Bibliographie |
Sources antiques |
Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne]
Strabon, Géographie [détail des éditions] [lire en ligne]
Travaux récents |
Iaroslav Lebedynsky, Les Cimmériens : les premiers nomades des steppes européennes, IXe – VIIe siècle av. J.-C., Errance, 2004.- Askold Ivantchik, Les Cimmériens au Proche-Orient, Orbis Biblicus et Orientalis, 1993.
- Notes sur Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne], d'après Robert Flacelière (1993).
Liens externes |
Scythie, une bibliographie introductive Les bibliographies de la Bibliothèque des Sciences de l'Antiquité
Notes et références |
Jan Bouzek, Les Cimmériens en Anatolie, Publications de l'École Française de Rome, 1983(lire en ligne), p. 150, 152, 155
Henri Martin, Histoire de France et « Sur les Celtes et les anciens habitants de l'Europe méridionale », dans Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris, 1877, vol. 12, p. 483-493, plus particulièrement page 487, disponible en ligne sur le site Persée et Amédée Thierry : Histoire des Gaulois.
Elizabeth Hazelton Haight, « Cumae in Legend and History », dans The classical journal', 130.8, mai 1918, p. 565-578 (p. 567).
V, 4 & 5
Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise, Une approche linguistique du vieux-celtique continental, Errance, Collection des Hespérides, 2003 (ISBN 2-87772-237-6). p. 90-91.
Jacques Bertin (dir.), Atlas historique universel, p. 29, éd. Minerva, 1997, Genève
Hérodote, Histoires, IV
C. Gras, Anthracite (Roman), Paris, Stock, août 2016, 335 p. (ISBN 978-2-234-07978-6), « Les soirées du hameau »
Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne], XI
L'Odyssée, p. Chant XI, vers 15
Groupement de recherches 1056 du CNRS, Les religions du Pont-Euxin : vers une nouvelle approche, Actes du 8-e symposium de Vani, Colchide, Géorgie, Presses universitaires francomtoises, Besançon 1997.
Selon Jean-Paul Roux : Histoire de l'Iran et des Iraniens - Fayard 2006
Hérodote, Histoires, I
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