Galicie
1084 | Principauté de Galicie |
---|---|
1199 | Union avec la Volhynie, Royaume de Galicie-Volhynie |
1349 | Royaume de Pologne |
1772 | Rattachement à l’Autriche |
1918 | Rattachement à la Pologne |
1939 | Annexion de la Galicie orientale par l’URSS (Ukraine) et de la Galicie occidentale par l’Allemagne nazie (Gouvernement général) |
1941 | Annexion par l’Allemagne nazie (Gouvernement général) de la Galicie orientale |
1945 | Partage entre Union soviétique (Galicie orientale) et la République populaire de Pologne (Galicie occidentale) |
1991 | La Galicie orientale (oblasts de Lviv, Ivano-Frankivsk et Ternopil) fait partie de l'Ukraine indépendante |
La Galicie (en ukrainien, Галичина, Halyčyna ; en allemand, Galizien ; en polonais, Galicja ; en hongrois, Gácsország ; en tchèque et en slovaque, Halič ; en yiddish, גאַליציע, Golicje ; en turc, Galiçya ; en roumain, Galiția ; en russe, Галиция, Galitsiya) est une province de l'empire d'Autriche formée en 1772 à partir des territoires polonais annexés lors du premier partage de la Pologne. D’une superficie d’environ 78 000 km2, elle est restée autrichienne jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Elle est actuellement répartie entre la Pologne (ouest) et l’Ukraine (est).
Toutefois, le nom de Galicie existait avant 1772, désignant des territoires situés dans la région du Dniestr, autour de la ville de Halych, et au Moyen Âge, il a existé une principauté de Galicie-Volhynie.
La ville de Lviv, qui était la capitale de la Galicie autrichienne (sous le nom allemand de Lemberg), a d'ailleurs été fondée au XIIIe siècle par Daniel Ier de Galicie.
Il ne faut pas confondre la Galicie avec la Galice, région autonome d’Espagne, ni avec la Galatie, région d'Anatolie, même si elles partagent toutes les trois la racine celtique et indo-européenne gall- pour étranger (cf. Gaulois et Gallois).
Sommaire
1 Toponymie
2 Géographie
2.1 Villes principales
3 Histoire
3.1 Royaume ruthène
3.2 Royaume de Pologne
3.3 Partages de la Pologne
3.4 La Galicie sous la monarchie autrichienne
3.4.1 Structure démographique
3.4.2 Administration
3.4.3 Économie et société
4 Dates clés
5 Une histoire faite de traumatismes
6 La Galicie, terre d’émigration et berceau de célébrités
7 Voir aussi
8 Sources
9 Liens externes
Toponymie |
La Galicie doit son nom à la ville de Halytch (ou Galitch), située sur le Dniestr, l'ancienne capitale de la principauté de Galicie et du royaume de Galicie-Volhynie du XIIe au XIVe siècle. Le nom Halytch (Galitch) serait d'origine celte, une trace laissée par les Galice à l'époque romaine. Plusieurs ethnographes considèrent que l'ethnie montagnarde des Carpates, les Boïko, seraient les descendants des Boïens, un peuple celtique de l'Europe centrale.
Géographie |
Le territoire de la Galicie, création de l'empire austro-hongrois, s'étendait en 1914 sur 78 502 km2 et correspond aujourd’hui aux régions suivantes :
- en Ukraine :
oblast de Lviv,
oblast d'Ivano-Frankivsk,
oblast de Ternopil ;
- en Pologne :
- voïvodie de Silésie, seulement Żywiec et Biała,
- voïvodie de Petite-Pologne, sauf Miechów et Olkusz,
- voïvodie des Basses-Carpates.
En Galicie se trouve la partie ukrainienne des Carpates, dont le Hoverla, le plus haut sommet d'Ukraine avec 2 060 m d'altitude.
Villes principales |
Brody, mentionnée pour la première fois en 1084, connue aussi sous le nom de Lubicz.
Drohobytch, fondée en 1422.
Jarosław, mentionnée pour la première fois en 1152.
Kalouch, fondée en 1437.
Kolomyia, fondée en 1370.
Cracovie, fondée en 1257.
Lviv, fondée vers 1256.
Nowy Sącz, fondée en 1292.
Przemyśl, fondée en 1383.
Rzeszów, fondée en 1354.
Sambir, fondée en 1390.
Sanok, fondée vers 1356.
Ivano-Frankivsk, fondée en 1663.
Stryï, fondée en 1431.
Tarnobrzeg, fondée en 1567.
Tarnów, fondée en 1380.
Ternopil, fondée en 1540.
Tchervonohrad, fondée en 1692.
Histoire |
Royaume ruthène |
Au milieu du VIe siècle, les Slaves remplacèrent les tribus germaniques et celtiques. Il s'agissait de tribus des Croates blancs alliés au IXe siècle à la Moravie et au Xe siècle à la Bohême. Les rois de Pologne et les princes de Kiev se disputèrent la Galicie au XIe siècle.
En 1084, des principautés indépendantes émergèrent à Przemyśl, Terebovlia et Zvenyhorod, dirigées par les fils de Rostislav de Tmutarakan (en), respectivement, Riurik, Vassilko (en) et Volodar (en) de la dynastie des Riourikides. En 1141, Vladimirko de Galicie les réunit au sein d'une seule principauté et transféra la capitale à Halych. Iaroslav Ier Osmomysl, la Galicie connut une période du développement économique rapide et étendit son territoire jusqu'au delta du Danube et le port de Galați, établissant un commerce florissant avec l'Empire byzantin et la Bulgarie. En 1199, Roman de Volhynie, dit le Grand, s'empara de Galicie et forma la principauté double de Galicie-Volhynie dont Halych fut la capitale.
Lors de l'invasion mongole de 1241, la Galicie-Volhynie fut durement touchée, et les souverains de Galicie-Volhynie cherchèrent une union à l'ouest et souhaitèrent une alliance avec l'Église catholique. Daniel Ier, qui fut proclamé roi par le pape Innocent IV en 1253, et son fils Léon Ier minimisèrent l'influence mongole sur leur royaume. Sous leur règne, la Galicie-Volhynie connut une période de croissance économique rapide. De nombreuses villes furent fondées dont Lviv, attirant des commerçants et artisans allemands, juifs et arméniens.
Royaume de Pologne |
À la mort de Léon II et André II, derniers rois de la dynastie fondée par Roman le Grand, probablement lors d'un combat contre les Mongols en 1323, leur neveu, descendant de la branche de Mazovie de la dynastie des Piast, monta sur le trône sous le nom de Boleslas Georges II. En 1340 il fut empoisonné. Il en résulta une lutte de pouvoir entre la Pologne dont la dynastie des Piast revendiquait le trône, le grand-duché de Lituanie, et la Hongrie dont les rois revendiquèrent le titre de roi de Galicie et Lodomérie (nom latinisé de la Volhynie).
La majeure partie du territoire disputé fut soumis à l'autorité du roi de Pologne Casimir le Grand. Ainsi commença une période de polonisation de la région et d'influence croissante de l’Église catholique. Sous Louis le Grand qui régnait sur la Pologne et la Hongrie, la hiérarchie catholique fut définitivement établie. En 1378, la Galicie fut rattachée à la Hongrie. À la mort de Louis en 1382, le grand-duc de Lituanie Ladislas II Jagellon épousa la reine de Pologne Hedwige. Ainsi les deux pays furent liés l'un à l'autre. En 1387, Ladislas Jagellon reconquit la Galicie pour la Pologne, qui la conserva jusqu'au premier partage de la Pologne en 1772.
Lorsqu'en 1569, l'union de Lublin transforma la Pologne et la Lituanie en une république des Deux Nations, les territoires de la future Galicie des Habsbourg fut divisée en voïvodies :
- la voïvodie ruthène avec Lviv, Halytch, Chelm et Sanok ;
- la voïvodie de Volhynie avec Luck et Rowne ;
- la voïvodie de Podolie ;
- la voïvodie de Belz.
Au sein du royaume de Pologne, la Galicie connut une période de développement rapide. De nombreuses villes obtinrent ou, à l'instar de Lviv, se firent confirmer le droit de Magdebourg. En s'appuyant sur ses différentes communautés nationales et religieuses, plusieurs centres commerciaux se développèrent en Galicie, source de prospérité dont témoignent encore de nombreux monuments Renaissance et baroque.
Le déclin de la Pologne commença au XVIIIe siècle, avec une série de guerres appelée communément le Déluge, dont le soulèvement des cosaques ukrainiens mené par Khmelnytsky en 1648-1667 et l'occupation par la Suède en 1655. Quoique liée aux cosaques de Khmelnytsky par la langue et la religion, la majorité ruthène (ukrainienne) de la population de la Galicie resta loyale au rois de Pologne, malgré deux campagnes menées par Khmelnytsky, allié d'abord aux Tatars, et ensuite aux Moscovites. En particulier Lviv, la plus grande ville de la Galicie, résista à deux sièges en 1648 et en 1655. De même, alors que les Cosaques se livrèrent aux pogroms et aux massacres de Juifs en Ukraine, ce ne fut pas le cas en Galicie où diverses communautés (Polonais, Ruthènes, Arméniens) restèrent solidaires. Ainsi, alors que la majeure partie de l'Ukraine reconnut l'autorité des tsars de Moscou à la suite du traité de Pereïaslav de 1654, la Galicie resta liée à la Pologne.
Partages de la Pologne |
Le déclin de la Pologne offrit à la Prusse, l'Autriche et la Russie un moyen d'effacer les tensions politiques aux dépens de la Pologne.
Au début du XVIIIe siècle, la Pologne, qui était un des États d'Europe les plus tolérants à l'époque de la Réforme, démarra un processus de Contre-Réforme. La chasse aux non-catholiques et les discriminations pour raisons religieuses donnèrent aux puissances voisines l'occasion de s'immiscer dans les affaires du pays, sous le prétexte de vouloir protéger leurs minorités.
Le 5 août 1772, la Prusse, la Russie et l'Autriche, d'abord très réticente, conclurent un accord à Saint-Pétersbourg pour se partager la Pologne en annexant en même temps les territoires qui les intéressaient. Ainsi, une guerre européenne entre l'Autriche et la Russie fut évitée aux dépens de la Pologne.
Lors de ce premier partage, la Prusse obtint une grande partie de la Prusse-Orientale (sans Dantzick ni Thorn), l'Ermeland et le district de Notec. La Russie annexa les régions peuplées de Russes et d'Ukrainiens à l'est de la Daugava et du Dniepr ainsi que la partie polonaise de la Livonie. L'Autriche reçut la moitié sud de la Petite-Pologne comprenant les anciens duchés d'Auschwitz et de Zator, Zips la Galicie. Elle réunit tous ces territoires dans la province de Galicie. L’État polonais continua d'exister, il conserva deux tiers de son territoire et la moitié de sa population.
Marie-Thérèse d'Autriche, fille de Charles VI, était reine de Bohême et de Hongrie ainsi qu'archiduchesse d'Autriche depuis la mort de ce dernier en 1740. À la mort de son mari, François de Lorraine, elle nomma son fils aîné Joseph II co-régent. Il régna seul à la mort de sa mère en 1780 jusqu'à la sienne dix ans plus tard. Le traité d'abandon de la Galicie par la Pologne à l'Autriche ne fut signé que le 18 septembre 1773. Marie-Thérèse n'ayant pris part au partage de la Pologne que poussée par son fils, elle considérait en effet cet acte comme douteux d'un point de vue du droit des peuples.
Pendant les années qui suivirent, des milliers de familles, essentiellement venues du Palatinat s'installèrent en Galicie et peuplèrent les villages nouvellement fondés, créant ainsi des communautés allemandes.
Lors du deuxième partage de la Pologne en 1793, la Russie obtint la Volhynie et l'Est de la Podolie. Deux ans plus tard, lors du troisième partage, de grands territoires au centre de la Pologne incombèrent à l'Autriche sous le nom de Galicie occidentale. Ils durent cependant être cédés au duché de Varsovie dans le cadre de la paix de Schönbrunn en 1809 signée avec Napoléon. Ce duché fut ensuite majoritairement rattaché à l'Empire russe par le congrès de Vienne en 1815. En 1810, l'Autriche céda les arrondissements de Ternopol et Czortkow à la Russie, mais les récupéra en 1814 dans le cadre du traité de Paris.
La Galicie sous la monarchie autrichienne |
La Galicie intégrée à la monarchie de Habsbourg s'étendait loin sur le territoire de l'actuelle Ukraine et comprenait Tarnów et Rzeszów et, à partir de 1846 Cracovie. Le nom officiel de la province était royaume de Galicie et de Lodomérie avec le grand-duché de Cracovie et les duchés d'Auschwitz et Zator.
La Bucovine, que l'Autriche occupait depuis 1774 après des périodes de domination russe et turque, fut rattachée à la Galicie en 1786 avant de devenir en 1849 une province indépendante. Lors du congrès de Vienne, Cracovie et ses alentours furent constituée en république de Cracovie, sous protection russo-austro-prussienne. Mais après les révoltes en Pologne en 1846, son indépendance lui fut ravie, et elle fut incorporée à la province de Galicie.
Structure démographique |
En 1773, un premier recensement fut réalisée sous l'impulsion de l'armée. La Galicie avait une population d'environ 2,6 millions d'habitants, répartis dans 280 villes et 5 500 villages. On comptait près de 19 000 familles nobles représentant un total de 95 000 personnes. La population de paysans s'élevait donc à 1,86 million de personnes, soit plus de 70 % des habitants. Une petite partie d'entre eux étaient des agriculteurs possédant leur propre exploitation, tandis que la grande majorité (84 %) n'avait que peu, voire pas du tout, de biens.
La région comptait plus de 4 000 églises catholiques et 244 synagogues, ainsi que 16 000 auberges, soit environ une pour 160 habitants. De plus, on dénombrait 216 monastères et 363 châteaux. Les habitations se partageaient entre 161 000 propriétés paysannes ou bourgeoises, 15 700 propriétés juives et 322 000 maisons paysannes appelées chalupa, sans cheminée.
Aucune autre province autrichienne n'était habitée par autant de peuples que la Galicie : Ruthènes, Polonais, Allemands, Arméniens, Juifs, Moldaves, Hongrois, Tziganes etc. Les Polonais, Ruthènes et Juifs représentaient la majorité de la population. Cela dit, les Polonais habitaient très majoritairement l'Ouest de la province, tandis que les Ruthènes se trouvaient à l'est. Les Juifs et Arméniens dominaient le commerce. Les Juifs représentaient 8 % de la population de la province.
Les statistiques anciennes donnent des chiffres sur la population de Polonais, Ruthènes et Juifs. Cependant, il est difficile de différencier l'appartenance ethnique, linguistique et nationale, car lors de ces recensements, on se basait sur la langue parlée et non sur la nationalité. La religion est alors le critère de différenciation privilégié : les Polonais étaient catholiques romains tandis que les Ruthènes appartenaient à l'Église grecque-catholique ukrainienne. Ses membres sont souvent appelés les « uniates » car ils reconnaissent l'autorité du Pape. Ces Églises sont organisées de manière synodale, peu hiérarchisée. L'influence des laïcs et de l'État y est importante. Il n'y a pas de célibat pour les prêtres. L'inimitié entre Polonais et Ruthènes ne venait pas seulement de l'oppression économique des Ruthènes par la noblesse polonaise, mais aussi de divergences religieuses malgré la fidélité commune au pape de Rome.
Le troisième grand groupe religieux est constitué des Juifs, qui pour la plupart tenaient très fort à leur confession. Les Juifs de Galicie appartenaient en majorité aux Ashkénazes, immigrés d'Allemagne au Moyen Âge. On trouvait d'ailleurs quelques sectes juives comme les karaites, paysans, qui se caractérisaient par un strict respect des rites.
Les deux Églises catholiques, d'importance à peu près égale, avaient leurs chefs à Léopol : un archevêque pour les catholiques romains et un métropolite pour les uniates. Les Juifs se soumettaient à l'autorité du rabbin de leur arrondissement, ou au chef de leur communauté. Les protestants de la confession d'Augsbourg, arrivés plus tard en colons, avaient pour chef un superintendant installé aussi à Lemberg.
Répartition ethnique de la Galicie au début du XXe siècle[1],[2]
Galicie orientale 55 300 km2 | Galicie occidentale 23 200 km2 | |
---|---|---|
Ruthènes (Ukrainiens) | 64,5 % | 13,2 % |
Polonais | 21,0 % | 78,7 % |
Juifs | 13,7 % | 7,6 % |
Allemands | 0,3 % | 0,3 % |
Autres | 0,5 % | 0,2 % |
Administration |
Du point de vue polonais, l'annexion de la province par l'Autriche était un acte arbitraire. L'empereur à Vienne devient le symbole de cette occupation jugée illégale. Et ce d'autant plus que la noblesse, principalement d'origine polonaise et rarement ruthène (mais fortement polonisés) et le haut clergé perdirent peu à peu leur privilèges. Par contre, les paysans, pour la plupart ruthènes, furent acquis à la monarchie autrichienne à la suite de l'abolition du servage par Joseph II en 1781-1785.
Toutes les mesures prévues par les Habsbourg avaient pour condition une bureaucratie efficace qui n'existait pas en Galicie auparavant. Ainsi, ce ne furent pas que des médecins, professeurs, techniciens ou juristes allemands qui furent envoyés en Galicie, mais aussi beaucoup de fonctionnaires, qui furent cependant rejetés par l'ancienne élite polonaise qui les considéraient comme des occupants. En 1776, la province comptait 724 fonctionnaires. Ce chiffre grimpa à 17 135 en l'espace de quatre ans. C'est à Lviv que fut installée l'administration centrale, appelée Gubernium, dirigée par un gouverneur nommé par l'empereur.
Cependant, la création en 1861 d'une diète de Galicie, entièrement dominée par la noblesse polonaise, permit aux Polonais de retrouver une place dominante, les Ruthènes restant dans une position politique et sociale subordonnée[3].
Économie et société |
L'établissement d'une administration contribua à un nouvel essor des villes qui avaient perdu de l'importance après leur âge d'or à la Renaissance. Les villes commerçantes les plus importantes au début du XIXe siècle étaient Lwów/Lemberg/Lviv et Brody.
La région était une des plus pauvres de l'Empire (en) : en 1880, seulement 17% des hommes et 10% des femmes savaient lire et écrire ; la Galicie alimentait d'importants courants d'émigration vers le Brésil[4], les États-Unis[5], l'Allemagne et la France[6]. En tout, 500 000 Ukrainiens de Galicie émigrèrent vers les Amériques entre 1890 et 1914[3].
Cependant, au tournant des XIXe et XXe siècles, la Galicie connaissait un début d'essor économique avec le développement de l'industrie pétrolière en Galicie orientale[7].
Dates clés |
Habitée par des tribus germano-celtes tels que les Lugiens (qui comptent également les (H)Arii, les (H)Elveconi, les Naharvali, les Manimes et les (H)Elisiens), associé à la culture de Przeworsk à l’époque de Ptolémée qui les mentionne dans sa Géographie, la région est aussi peuplée par les Vandales (dont les Sillings sont probablement parents avec les Élisiens) et les Goths avant la chute de Rome.
En 1141, la principauté de Galicie émerge avec comme capitale la ville de Halych.
En 1199, la Galicie est unie avec la Volhynie au sein du royaume de Galicie-Volhynie (Lodomérie) sous Roman le Grand.
En 1349, à la suite du décès des derniers rois de la dynastie fondée par Roman le Grand, la Galicie est rattachée en 1340 à la Pologne par le roi Casimir III le Grand (Kazimierz Wielki).
En 1648-1655, elle résiste aux attaques des cosaques de Bohdan Khmelnytsky allié aux Tatars de Crimée et aux Moscovites.
En 1772, lors du premier partage de la Pologne, la Galicie devient autrichienne et le restera jusqu’en 1914.
En 1914, elle est conquise par l’armée impériale russe lors des premières opérations militaires de la Première Guerre mondiale (batailles de Krasnik et de Lemberg).
En 1915, elle est reprise par l’armée austro-allemande.
En 1919, elle est conquise par les troupes polonaises lors de la guerre polono-ukrainienne.
En 1921, par le traité de Riga, la Galicie occidentale revient à la Pologne et le restera jusqu’en 1939.
En 1923, la Galicie orientale est incorporée à son tour à la Pologne.
En 1939, après l’écrasement de la Pologne, elles sont annexées par l’Union soviétique en vertu du Pacte germano-soviétique.
En 1941, elles sont envahies et occupées par les troupes allemandes. Des unités nazies spécialisés (les SS-Einsatzgruppen) procèdent à une liquidation systématique, sans précédent dans l’histoire, de la nombreuse population juive au travers de fusillades, puis dans un deuxième temps au moyen de camions à gaz itinérants, avant la mise en place définitive des camps d'extermination.
En 1943, le Reichsführer SS Heinrich Himmler ordonne de créer une division de la Waffen SS constituée de volontaires ukrainiens de Galicie (division SS Galizien).
En 1944, la Galicie est conquise par l’Armée rouge, qui reprend Lviv le 28 juillet.
En 1945, elle est découpée par la ligne Curzon (proposée par Lord Curzon durant la conférence de paix de Paris le 8 décembre 1919) et adoptée lors des accords de Yalta, qui part de la Lituanie et passe à l’est de Przemyśl en Pologne et à l’ouest de Lviv (Lwów) en Galicie. La partie à l'est de la ligne Curzon est rattachée à l’Ukraine, alors l’une des républiques composant l’Union soviétique.
Une histoire faite de traumatismes |
De province reculée et sans histoire de la Couronne autrichienne, la Galicie fut le théâtre d’affrontements après la Première Guerre mondiale, opposant les communautés polonaise catholique romaine, ukrainienne gréco-catholique et orthodoxe et juive.
À la chute de l’Empire austro-hongrois se forme, en octobre 1918, une brève République populaire d'Ukraine occidentale. La toute nouvelle armée ukrainienne affronte les troupes polonaises qui s’emparent de la capitale, puis de l’ensemble de la région en juillet 1919. Victorieux lors de la bataille de Lwów (en), des soldats et civils polonais se livrent durant trois jours à un pogrom (pogrom de Lwów de 1918). La Galicie fut ensuite intégrée dans les territoires orientaux de la Pologne fraîchement reconstituée à la faveur de la révolution russe, formant l’une des contrées des kresy, zone frontière ou tampon de la Seconde République, peuplée de minorités. La province perd son nom autrichien et prend, avec la Galicie occidentale, le nom de Małopolska (« Petite-Pologne »).
À partir du milieu des années trente, l’idéal d’une grande Pologne multiethnique de Piłsudski est dépassé par une politique de polonisation agressive, ouvertement antisémite, imposant par la violence la « pacification » des villages ukrainiens.
En 1939, en vertu de l’accord secret Molotov-Ribbentrop, tandis que l’Allemagne envahit la moitié occidentale de la Pologne, l’Union soviétique met la main sur sa partie orientale. L’Union soviétique y mène une politique de collectivisation forcée et de mise au pas idéologique, assortie d’une violente répression (déportations, emprisonnements, exécutions) qui touche les élites politiques, économiques et intellectuelles polonaises, ukrainiennes et juives, ainsi que les nationalistes ukrainiens et polonais.
Fin juin 1941, la région est conquise par la Wehrmacht. Les nazis y développent rapidement une politique de nettoyage ethnique et racial. Les nazis intègrent la Galicie au « Gouvernement général » de la Pologne occupée et mettent progressivement en place la « solution finale » : les 500 000 Juifs (12 % de la population d’environ 4 millions), d’abord rassemblés dans des ghettos et camps de travail, sont ensuite transférés à Bełżec et autres camps d'extermination. Par ailleurs, 350 000 Polonais et Ukrainiens sont déportés en Allemagne comme travailleurs forcés. Seuls quelques milliers des Juifs galiciens ont survécu à l'occupation nazie, et des populations des villes entières, telles que Brody ou Belz, ont été massacrées, avec un soutien des milices ukrainienne et polonaise. L’OUN et l’UPA et l'Armia Krajowa polonaise organisent la résistance contre les Allemands, mais occasionnellement s'affrontent entre elles au milieu du chaos dans lequel se trouve plongée la région.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Galicie revient à l'URSS. Entre 1945 et 1956, les gouvernements soviétiques et polonais mettent en place l’opération Vistule : 560 000 Galiciens d'origine polonaise sont déportés en Pologne, tandis qu’environ 600 000 Ukrainiens de l’autre côté de la frontière (Lemkos) sont déportés vers l’Ukraine (la plupart vers la Galicie) ou dispersés dans les territoires que la Pologne a récupérés sur l’Allemagne. Au cours de cinq décennies suivantes, la population de la Galicie, désormais principalement ukrainienne, subit une forte soviétisation, alors que les vestiges du passé — rares synagogues ayant survécu à la destruction nazie, cathédrales catholiques, uniates ou arméniennes sont transformées en prisons, asiles pour malades mentaux ou entrepôts.
Dans les années 1980, la Galicie, à l'instar des pays baltes, également rattachés à l'Union soviétique après la Seconde Guerre mondiale, devient un centre de la dissidence et du mouvement indépendantiste. Toutefois, au sein de l'Ukraine indépendante, les Galiciens catholiques, ukrainophones et pro-européens se retrouvent minoritaires face à l'Ukraine orientale, orthodoxe, russophone et pro-russe. Cette division du pays est à l'origine de la révolution orange, partie de la Galicie en 2004.
La Galicie, terre d’émigration et berceau de célébrités |
La Galicie a été depuis le milieu du XIXe siècle une terre d’émigration. Une proportion considérable des « Galiciens » se trouvent aujourd’hui hors de Galicie. Près d’un million de Galiciens ukrainiens, dits « Ruthènes », ont émigré au début du siècle aux États-Unis, au Canada et en Europe occidentale, tout comme de nombreux Galiciens polonais. Chicago, Milwaukee, Philadelphie, New York sont devenus de grands centres d’émigration galicienne. Des 800 000 Juifs galiciens d’avant la Première Guerre mondiale, 200 000 à 300 000 ont fui pogroms et guerres vers les capitales occidentales et les États-Unis entre 1880 et 1914.
En raison des possibilités d’éducation et de promotion sociale offertes par la monarchie autrichienne à l’ensemble de ses minorités, la renommée de la Galicie est aussi née d'avoir été le terreau fertile de la constitution d’une intelligentsia nationale (autrichienne, polonaise, ruthéno-ukrainienne ou juive) de premier plan. La Galicie fut le laboratoire de mouvements nationaux modernes, polonais, ukrainiens et juifs. Au regard des persécutions ultérieures, la période de l’Empire austro-hongrois fait figure rétrospectivement d’ère de liberté.
La Galicie a également bénéficié de la notoriété de ses figures de proue, qui l’ont d’ailleurs souvent quittée lors de leur ascension sociale et culturelle Gerda Taro, ou sont devenues des symboles phares dans leurs cultures nationales respectives : les germanophones Joseph Roth, Martin Buber et Emil-Edwin Reinert, les polonophones, Joseph Wittlin et Bruno Schulz, les ukrainophones Ivan Franko, Vassyl Stefanyk et Martovitch, auxquels il faut ajouter les écrivains de langue hébraïque Shmuel Yosef Agnon ou Aharon Appelfeld, et les écrivains yiddish Moyshe Leyb Halpern (en), Melekh Ravitsh et Uri Tsi Grinberg, sans parler de la pléiade de l’école yiddish galicienne du début du siècle ou du chanteur yiddish Benzion Witler.
On dénombre également des figures plus exotiques comme des hommes politiques (Karl Radek, Isaac Deutscher, ou Maximilien Rubel), ou bien des auteurs qui ont fait l’objet d’une « re-découverte » plus récente, comme les chantres germanophones de la Galicie multiethnique (certes germanocentrée) Karl Emil Franzos et Leopold von Sacher-Masoch, et pour l’après-guerre, les mémorialistes Soma Morgenstern et Manès Sperber, tout comme les romanciers polonais Andrzej Kusniewicz et Julian Stryjkowski (en).
Ces Galiciens ont porté à travers le monde le nom de leur « petite patrie », tout en en chantant le multiculturalisme avant la lettre, le pluralisme religieux, culturel et ethnique, vus à travers le prisme de la communauté disparue. Ainsi, le shtetl juif, la grande propriété foncière aristocratique polonaise, la colonie ou bien l’îlot linguistique germanophone ou polonophone dans la « mer » ukrainienne, ou encore la splendeur passée des métropoles régionales qu’étaient Cracovie ou Lvov incarnent une Arcadie perdue de l’enfance ou une Atlantide submergée par le déferlement du mal (guerres, stalinisme, occupation hitlérienne).
Bien que les ruthéno-ukrainiens n’aient pas subi, comme les Juifs, une tentative d’annihilation totale, les organisations d’émigrants ukrainiens aux États-Unis et au Canada perpétuent une mémoire centrée sur la persécution des Ukrainiens ou Ruthènes par les Polonais et les Russes puis par le régime soviétique. En Union soviétique, la Galicie orientale, divisée en trois oblast (Lvov, Ternopol et Ivano-Frankovsk), forma avec la Transcarpathie, l’« Ukraine occidentale ». Reléguée dans un coin excentré du territoire national de l’URSS, elle subit néanmoins une forte soviétisation.
Voir aussi |
- Drapeau de la Galicie et de Lodomérie
- Histoire des Juifs en Galicie
Sources |
http://www.nbuv.gov.ua/portal/natural/Nvvnu/geograf/2008_1/2/Gydzeljak_Roik.pdf.
Piotr Eberhardt, Ethnic groups and population changes in twentieth-century Central-Eastern Europe: history, data, analysis, M.E. Sharpe, 2003, p. 92-93 (ISBN 978-0-7656-0665-5).
Arkady Joukovsky, Histoire de l'Ukraine, Dauphin, 2005, p. 66.
Laure Teulières, Mémoires des migrations, temps de l’histoire, Presses universitaires François Rabelais, 2015, p. 42-44.
Paul Robert Magocsi, A History of Ukraine, Toronto: University of Toronto Press, 1996.
Janine Ponty, Polonais méconnus : histoire des travailleurs immigrés en France dans l'entre-deux-guerres, Publications de la Sorbonne, 2005, p. 7-8.
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La Galicie au temps des Habsbourg (1772-1918). Histoire, société, cultures en contact, éd. par Jacques Le Rider et Heinz Raschel, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2010.
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