Principautés danubiennes






Principautés danubiennes (Principatele române)


1330 – 1859








Drapeau Blason


Description de l'image Danubian Principalities 1750.jpg.

















































Histoire et événements
1330 – 1359
fondation de la Valachie (écu d'azur) puis de la Moldavie (écu de gueules)
1422 – 1484
l'Empire ottoman annexe les ports et côtes de la Mer Noire (Dobrogée valaque et Bugeac moldave)
1534 – 1538
l'Empire ottoman annexe les ports danubiens valaques de Turnu, Giurgiu et Brăila, et la région (raïa) moldave de Tighina
1713 – 1714
l'Empire ottoman annexe la région (raïa) moldave de Hotin ; début de la période phanariote dans les deux principautés
1775
annexion autrichienne de la région moldave alors nommée Bucovine
1812
annexion russe de la moitié orientale de la Moldavie, alors nommée Bessarabie
1821
première révolution moldo-valaque
1829
la Valachie récupère les ports danubiens de Turnu, Giurgiu et Brăila ; fin de la période phanariote dans les deux principautés
1848
seconde révolution moldo-valaque et transylvaine
1856
la Moldavie récupère le Bugeac
1859
fusion des deux principautés pour former la Roumanie



Entités précédentes :



  • Duchés roumains vassaux de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Galicie ou des Tatars



Entités suivantes :




  • Fictitious Ottoman flag 2.svg Empire ottoman (Dobrogée et Bugeac, XVe siècle)


  • Flag of the Habsburg Monarchy.svg Empire d'Autriche (Bucovine, 1775)


  • Flag of Russia.svg Empire russe (Bessarabie, 1812)


  • Flag of the United Principalities of Romania (1862 - 1866).svg Principautés unies de Moldavie et de Valachie (le reste, 1859)






Principautés danubiennes (en russe : Дунайски княжества, en grec : παραδουνάβιες χώρες, en serbe : kneževine Dunavske) est une expression ancienne désignant les principautés de Moldavie et de Valachie. Ce terme a été forgé par les chancelleries diplomatiques depuis le traité de Koutchouk-Kaïnardji de 1774, puis largement utilisé par les historiens et les milieux politiques hors des pays roumains (où on les appelle principatele române : les « principautés roumaines »). Après l'union des deux principautés en 1859, qui inaugure l'existence politique de la Roumanie, les expressions principautés danubiennes ou provinces danubiennes cessent d'être employées dans les chancelleries, mais sont encore utilisées par les historiens non-roumains pour désigner les anciennes principautés.




Les principautés de Moldavie et Valachie en 1786, carte italienne de G. Pittori, d'après le géographe Giovanni Antonio Rizzi Zannoni.




Sommaire






  • 1 Enjeux sémantiques


  • 2 Spécificités


    • 2.1 Une monarchie élective


    • 2.2 Des offices aux enchères


    • 2.3 Vassalités et tributs


    • 2.4 Influence des « Lumières »


    • 2.5 Des clivages sociaux et ethniques




  • 3 Bibliographie


  • 4 Articles connexes


  • 5 Notes





Enjeux sémantiques |


Les historiens roumains contestent la pertinence de l'emploi, dans les ouvrages étrangers modernes, du nom principautés danubiennes et plus encore de l'expression provinces danubiennes, avançant quatre arguments[1] :



  • le refus de l'historiographie russe et européenne d'utiliser l'adjectif « roumains » pour les États et les populations roumanophones d'avant 1859 (au motif que ce serait un néologisme du XIXe siècle) est historiquement infondé et géographiquement inéquitable, car cet adjectif est attesté comme endonyme dès le XVIe siècle[2] et les adjectifs équivalents allemand ou italien sont bien utilisés internationalement pour désigner les États et les populations germanophones ou italophones d'avant les unités allemande ou italienne de 1871 ;

  • le terme de principautés danubiennes est géographiquement et historiquement flou pour les non-spécialistes, puisque de nombreuses principautés ont été situées le long du Danube au cours du temps, notamment dans l'Empire germanique ;

  • à partir de 1817 le concept vaut aussi pour la principauté de Serbie, et devrait donc désigner les trois principautés chrétiennes vassales de l'Empire ottoman ensemble, et non les seules Moldavie et Valachie comme c'est le plus souvent le cas dans l'historiographie occidentale, russe ou grecque ;

  • le terme de provinces danubiennes est historiquement encore plus faux, puisque les principautés roumaines furent vassales du sultan ottoman mais ne furent jamais des provinces ottomanes et ne firent pas partie de l'Empire turc ; il s'agit souvent d'une mauvaise traduction du grec παραδουνάβιες χώρες qui signifie en fait « pays danubiens » (et non « provinces ») et cette erreur aboutit, sur de nombreuses cartes historiques pour la période 1815 – 1878, à représenter la Serbie, le Monténégro, la Tunisie ou l'Égypte comme indépendantes et/ou autonomes vis-à-vis de l'Empire ottoman, tandis que les principautés roumaines ne figurent pas, leur territoire étant rendu comme turc[3]. De plus, les Grecs utilisent plus souvent le terme Μολδοβλαχία (« Moldo-Valachie ») que celui de παραδουνάβιες χώρες.


En français, ce sont Émile Ollivier, Edgar Quinet et Élisée Reclus qui, vers la moitié du XIXe siècle ont introduit dans le langage courant le gentilé « roumains », « roumaines », issu de l'endonyme de ces populations, à la place de Danubiennes, Valaques, Moldaves ou Moldo-Valaques.



Spécificités |




Pierre tombale du prince Radu Mihnea (XVIIe siècle) portant les armes de la Valachie et de la Moldavie, dans le monastère de Radu Vodă.




Monnaie d'1,3 para des « principautés danubiennes » avec les armes des deux États.


Les deux principautés de Moldavie et Valachie avaient leurs souverains nommés voïvodes, hospodars ou domnitori selon les époques et les sources), leurs conseils (sfat domnesc ou conseil princier), leur législation (pravila), armées (oastea), flottes sur le Danube (bolozanele) et un corps diplomatique (clucerii).


Articles détaillés : Liste des souverains de Moldavie et Liste des souverains de Valachie.

Elles avaient une monnaie commune (galbeni, bani, parale…), ont eu comme langues de chancellerie et liturgique le slavon, le grec et le roumain, et utilisaient la même écriture gréco-slavonne spécifique de 43 signes qui leur était propre, et dont la translittération[4] permet de rendre les patronymes et les toponymes roumains anciens en graphie roumaine moderne, ce qu'ignorent la plupart des cartographes historiques actuels qui, par crainte non-fondée d'être anachroniques, emploient les formes allemandes, hongroises, polonaises, ottomanes (pourtant transcrites de l'écriture arabe, celles-là), tout sauf roumaines.


Article détaillé : Écriture du roumain.


Une monarchie élective |


La monarchie y était élective : le souverain était élu par (et souvent parmi) les boyards : pour être nommé, régner et se maintenir, il s'appuyait sur les partis de boyards et fréquemment sur les puissances voisines, Hongrie, Pologne, Transylvanie, Russie et surtout Turquie, car les deux principautés ont longtemps été tributaires de la « Sublime Porte ». Le candidat au trône devait ensuite « amortir ses investissements » par sa part sur les taxes et impôts, verser en outre le tribut aux Ottomans qui confirmaient son élection, payer ses mercenaires et s'enrichir néanmoins. Pour cela, un règne d'un semestre au moins était nécessaire, mais la « concurrence » était rude, certains princes ne parvenaient pas à se maintenir assez longtemps sur le trône, et devaient réessayer. Cela explique le « jeu des chaises musicales » sur les trônes, la brièveté de beaucoup de règnes, les règnes interrompus et repris, et parfois les règnes à plusieurs (co-princes). Quant au gouvernement, il était assuré par les ministres et par le Sfat domnesc (conseil des boyards)[5].



Des offices aux enchères |


Au début de l’existence des principautés (du XIVe siècle au XVIe siècle) le voïvode nommait seul les titulaires des offices, parfois proposés par le Sfat domnesc. Tous étaient révocables. Beaucoup de titulaires sont intégrés à la noblesse d’épée (boieri mari). Plus tard (à partir du XVIIe siècle) les hospodars mettent les offices civils aux enchères et anoblissent les acheteurs, créant ainsi une noblesse de robe (boieri mici). Dans ces cas, les titulaires gardent l’office à vie, et s’ils n’ont pas eux-mêmes les compétences requises, délèguent le travail à des adjoints (custozi) qui peuvent, eux aussi, être éventuellement anoblis. Les offices des principautés danubiennes ont évolué avec le temps et étaient principalement les suivants[6] :




  • Aprod : huissier, page, écuyer ;


  • Ban : gouverneur régional, chef de plusieurs juzi et pârcălabi ;


  • Cămărar : chambellan, chef des serviteurs de la cour et du souverain, ou encore du métropolite ;


  • Clucer : ambassadeur ;


  • Jude : gouverneur (préfet) et chef des sénéchaux (logofeți) d’un județ (comté) ;


  • Logofăt : greffier ou sénéchal d'un jude ou d’un vornic ;


  • Mare-Logofăt : chancelier de la cour ;


  • Mare-Vistiernic : grand-argentier (ministre des Finances) ;


  • Mare-Vornic (ou Mare-Ban) : Premier ministre de la principauté ;


  • Măscărici : bouffon de la cour, seul autorisé à brocarder, dans certaines limites, le pouvoir et l’église, mais seul à n’avoir aucun espoir d’être anobli ;


  • Paharnic : échanson (valet particulier du souverain) ;


  • Pârcălab : gouverneur d’une forteresse, bourgmestre d’une ville ;


  • Postelnic : ministre des Affaires étrangères, chef des clucères ;


  • Spătar : connétable, ministre des Armées ou consul ;


  • Stolnic : ministre de l'Économie et du Commerce ;


  • Vistiernic : collecteur d’impôts ;


  • Vornic : maire d’un village.



Vassalités et tributs |




Évolution territoriale des principautés roumaines jusqu'en 1859 :


  •      Territoires voisins

  •      Pour comparaison, territoire de la Roumanie en 1918-1940

  •      Formations politiques ayant une population roumaine (valaque, moldave) attestée

  •      Formations politiques à population et aristocratie roumaines attestées : Valachie (sud) et Moldavie (nord-est)



À deux reprises dans son histoire (1387 – 1455 et 1597 – 1623), la principauté de Moldavie a été vassale et alliée de la Pologne mais cela ne signifie pas, comme l'affirment par erreur certains auteurs ([4]) qu’elle soit devenue une province polonaise ou un fief de la couronne de Pologne. Ces erreurs sont dues d’une part à la confusion sémantique chez certains historiens modernes, entre voïvodie (province, en polonais) et voïvode (prince régnant, en roumain), ou encore entre suzeraineté et souveraineté, et d'autre part à la rétroprojection nationaliste de l’histoire[7].


Concernant le tribut aux Ottomans, la vassalité des principautés roumaines envers le sultan turc (à partir de 1461 pour la Valachie ; 1455 – 1457 et à partir de 1538 pour la Moldavie) ne signifie pas, comme le montrent par erreur beaucoup de cartes historiques, qu’elles soient devenues des provinces turques et des pays musulmans. Seuls quelques petits territoires moldaves et valaques sont devenus ottomans : en 1422 la Dobrogée au sud des bouches du Danube, en 1484 la Bessarabie alors dénommée Boudjak, au nord des bouches du Danube (Bessarabie ne désignait alors que les rives du Danube et de la mer Noire), en 1536 – 38 les rayas de Turnu Măgurele, Giurgiu, Brăila (alors dénommée Ibrahil), Tighina (alors dénommée Bender), et en 1713 de raya de Hotin. Le reste des principautés de Valachie et Moldavie (y compris la partie de la Moldavie située entre Dniestr et Prut qui sera appelée Bessarabie en 1812, lors de l’annexion russe) a conservé ses propres lois, sa religion orthodoxe, ses boyards, princes, ministres, armées et autonomie politique (au point de se dresser plus d’une fois contre le sultan ottoman)[8]. Les erreurs cartographiques et historiques sont dues à l'ignorance ou à des simplifications réductrices[9].


Traditionnellement, les musulmans considèrent les principautés roumaines tributaires de l’Empire ottoman, comme situées dans le Dar el Ahd (« maison du pacte », en arabe : دار العهد), qui définit de jure leur statut d’États chrétiens orthodoxes tributaires des Ottomans, États dont seuls des orthodoxes pouvaient être citoyens : les musulmans, avdétis, romaniotes et séfarades étaient sujets et protégés de l’Empire ottoman ; les catholiques, protestants et ashkénazes étaient sujets et protégés de l’empire des Habsbourg ou des États d’Europe centrale et occidentale dont ils étaient originaires. Certaines fonctions, droits et devoirs, comme servir l’État, accomplir le service militaire, acquérir des terres et ouvrir des entreprises, étaient réservées aux citoyens orthodoxes[10].


Depuis la fin du XVIIe siècle, l’élection du prince se joue de moins en moins à Jassy et Bucarest auprès du Sfat Domnesc (conseil des boyards), et de plus en plus à Constantinople parmi les phanariotes et auprès des Ottomans ; elle est aussi de plus en plus coûteuse. Au début du XVIIIe siècle (et jusqu’en 1829), les phanariotes supplantent les boyards roumains et seront très nombreux à régner sur les deux principautés ; les deux aristocraties s’entremêlent, les phanariotes se roumanisent, les boyards s’hellénisent[11].



Influence des « Lumières » |


Le XVIIIe siècle est aussi la période où l’Empire russe se rapproche territorialement des principautés, commence à se poser en champion de la foi orthodoxe contre l’Empire ottoman, y mène des campagnes militaires et intervient dans la politique des princes roumains, qui sont alors influencés par l’esprit des Lumières ; les aristocraties et bourgeoisies des deux principautés commencent à devenir francophiles et francophones, phénomène qui culminera au XIXe siècle et perdurera jusqu’au milieu du XXe siècle[12].


Sous l’influence de son ancien favori, Grigori Potemkine, l’impératrice Catherine II de Russie envisage d’expulser les Ottomans d’Europe afin de reconstruire l’Empire byzantin et de le donner à son petit-fils Constantin. Cet empire, qui aurait eu pour capitale Constantinople, aurait englobé la Grèce, la Thrace, la Macédoine et la Bulgarie, tandis que les principautés danubiennes auraient formé un « royaume de Dacie » promis à Potemkine. Le reste des Balkans, soit la Bosnie, la Serbie et l’Albanie, aurait été donné en compensation à l’Autriche et Venise aurait récupéré la Morée, la Crète et Chypre[13]. Même s’ils restèrent dans les cartons, ces projets séduisirent une partie des boyards et la majorité des lettrés roumains, qui y virent la matrice d’une future nation roumaine indépendante[14].




Les armoiries des principautés (Moldavie à gauche, Valachie à droite) sur le blason de la famille princière Mavrocordat au XVIIIe siècle.




Armoiries des principautés (Moldavie à gauche, Valachie à droite) sur le blason de la famille princière Ghica au XIXe siècle.




Valachie (bleu) et Moldavie (rouge), par Theodor Aman, 1856.




Les Bezirke du grand-duché de Transylvanie et les județe des principautés danubiennes en 1711, d'après N. Iorga et C. Giurescu.


Durant cette période, des princes (Alexandru IV Lăpușneanu, Radu Șerban, Șerban Cantacuzène et Antioche Cantemir) et des lettrés fondent des académies (en 1561 à Cotnari en Moldavie, en 1603 à Târgoviște et en 1688 à Bucarest en Valachie, en 1707 à Jassy en Moldavie ; les princes Constantin Brâncoveanu et Dimitrie Cantemir accomplissent des réformes juridiques et fiscales dans un sens plus équitable, et en 1741, le hospodar Constantin Mavrocordato instaure en Valachie une Constitution (Marele Hrisov), avant d’abolir le servage en 1746 – 49 en Valachie et en Moldavie, où il règne successivement. Le Marele Hrisov a été publié in extenso dans le Mercure de France de juillet 1742. En 1780, la Pravilniceasca Condică, code juridique rédigé par le hospodar Alexandre Ypsilantis (ancêtre d’un autre Alexandre Ypsilántis célèbre en 1821) instaure la notion de citoyenneté. Le hospodar moldave Ioan Sturdza lève les restrictions religieuses légales en 1823, commence une réforme agraire en sécularisant les domaines ecclésiastiques, et émancipe les Roms[15].


Les révolutions roumaine et grecque de 1821 et européenne de 1848 soulèvent les deux principautés, contrairement à ce qu’indiquent les nombreuses cartes historiques non-roumaines qui, les prenant pour des provinces ottomanes, n’y marquent aucun signe de révolution locale, au motif que celle-ci n’a pas touché l’Empire turc. Les réformes du prince Ioan Sturdza, entre autres, sont des conséquences de la révolution de 1821. Ces réformes seront poursuivies après des interruptions par Alexandre Jean Cuza, et ne sont pourtant qu’un début : il faudra attendre 1921 pour voir disparaître, dans la législation roumaine, les dernières traces juridiques du statut spécifique des principautés roumaines aux marges de l’Empire ottoman. Toutefois, ces principautés étaient dotées de constitutions, pourvues de facultés et libérées du servage près d’un siècle avant les grands empires absolutistes voisins[16].



Des clivages sociaux et ethniques |


Une autre particularité des principautés roumaines est le fait que leur majorité paysanne a été, durant de longues périodes, en position d’asservissement à des financiers phanariotes, arméniens, arvanites, romaniotes, séfarades ou levantins qui l’exploitaient durement, et auxquels les hospodars, pour rembourser leurs dettes d’intronisation, affermaient les offices moldaves et valaques. Par conséquent, la majorité roumaine a longtemps été moins favorisée socialement, économiquement et culturellement que les minorités, liées aux classes dominantes des principautés roumaines ainsi qu’aux Empires voisins et à leur essor économique. La seule minorité encore moins favorisée que la majorité roumaine, était celle des Roms, soumis à une forme spécifique de servitude personnelle appelée « robie », que les historiens modernes assimilent parfois à l’esclavage[17].


Lorsque le mouvement d’émancipation roumain a commencé à émerger sous l’influence des Lumières, ses revendications ont remis en question cet ordre des choses, et lorsqu’en 1918 l’unité roumaine s’est politiquement accomplie, les minorités jadis favorisées, comme les Allemands et Magyars des territoires anciennement austro-hongrois, ou bien les Russes des territoires anciennement russes, ont perdu leurs avantages et ont protesté avec d’autant plus de véhémence, que la démocratie parlementaire, instaurée en 1921, le leur permettait. De ce fait, le nationalisme roumain, comme bien d’autres en Europe, s’est teint de xénophobie, qui, attisée par la crise économique des années 1930, a culminé durant la Seconde guerre mondiale par la Shoah roumaine[18].


Le demi-siècle de dictature communiste qui s’est ensuivi n’a pas gommé toutes traces de ces particularités, qui ont ressurgi après la « Libération de 1989 » sous la double forme d’une vie politique riche en intrigues, changements de cap, affrontements, clientélismes, corruptions et scandales divers, et de discours populistes portés par des partis nationalistes comme le PRM. À tort ou à raison, mais assez systématiquement, ces particularités sont analysées par des commentateurs tel Andrei Pleșu comme « un héritage de la vassalité ottomane »[19].



Bibliographie |




  • Alexandru Dimitrie Xenopol, Histoire des Roumains de la Dacie trajane : Depuis les origines jusqu'à l'union des principautés, E Leroux Paris, 1896.


  • Nicolae Iorga, Histoire des Roumains et de la romanité orientale, 1920.


  • (ro) Constantin C. Giurescu & Dinu C. Giurescu, Istoria Românilor Volume III (depuis 1606), Editura Ştiinţifică şi Enciclopedică, Bucureşti, 1977.


  • Neagu Djuvara, Les pays roumains entre Orient et Occident : les Principautés danubiennes au début du XIXe siècle, Publications Orientalistes de France, 1989.

  • Mihail Dimitri Sturdza, Dictionnaire historique et généalogique des grandes familles de Grèce, d'Albanie et de Constantinople, M.-D. Sturdza, Paris, chez l'auteur, 1983, (ASIN B0000EA1ET).

  • Jean-Michel Cantacuzène, Mille ans dans les Balkans, Éditions Christian, Paris, 1992, (ISBN 2-86496-054-0).

  • Joëlle Dalègre, Grecs et Ottomans 1453-1923. De la chute de Constantinople à la fin de l’Empire Ottoman, L’Harmattan Paris, 2002), (ISBN 2747521621).

  • Germaine Lebel, La France et les Principautés danubiennes : du XVIe siècle à la chute de Napoléon Ier, Presses universitaires de France, 1955.

  • Jean Nouzille, La Moldavie, Histoire tragique d'une région européenne, Éd. Bieler (2004), (ISBN 2-9520012-1-9).

  • Traian Sandu, Histoire de la Roumanie, Perrin, 2008, (ISBN 9782262024321).



Articles connexes |



  • Question d'Orient

  • Guerres russo-turques


  • Traité de Karlowitz (1699)


  • Traité de Passarowitz (1718)


  • Traité de Koutchouk-Kaïnardji (1774)


  • Traité d'Iași (1792)


  • Traité de Bucarest (1812)


  • Traité d'Andrinople (1829)



Notes |




  1. Florin Constantiniu, Une histoire sincère du peuple roumain, 4e édition revue et augmentée, éd. Univers encyclopédique, Bucarest, 1997.


  2. Bien qu'Ernest Gellner ait écrit que « ce sont les États qui créent les nations », la notion de Roumain ou Aroumain n'apparaît pas avec la Roumanie moderne (comme l'affirment les historiens occidentaux, soviétiques et grecs) mais la précède. Les premières attestations des Valaques se désignant eux-mêmes avec le nom de « romain » datent du XVIe siècle, alors que des humanistes italiens commencent à rendre des récits écrits sur leurs voyages dans les zones habitées par des Valaques. Ainsi :

    • Tranquillo Andronico écrit en 1534 que les Roumains (Valachi) « s’appellent eux-mêmes romains » (« nunc se Romanos vocant » dans A. Verress, Acta et Epistolæ, I, p. 243).

    • En 1532 Francesco della Valle accompagnant le gouverneur Aloisio Gritti note que les roumains ont préservé leur nom de romains et qu'« ils s’appellent eux-mêmes roumains (Romei) dans leur langue ». Il cite même une phrase : « Sti rominest ? » (« sais-tu roumain ? », roum. : « știi românește ? ») : « …si dimandano in lingua loro Romei… se alcuno dimanda se sano parlare in la lingua valacca, dicono a questo in questo modo: Sti Rominest ? Che vol dire: Sai tu Romano… » (dans Cl. Isopescu, Notizie intorno ai romeni nella letteratura geografica italiana del Cinquecento, dans Bulletin de la Section historique, XVI, 1929, p. 1- 90).

    • Ferrante Capeci écrit vers 1575 que les habitants des « provinces valaques de Transsylvanie, Moldavie, Hongro-valaquie et Mésie » s’appellent eux-mêmes roumains (romanesci) (« Anzi essi si chiamano romanesci, e vogliono molti che erano mandati quì quei che erano dannati a cavar metalli… » dans Maria Holban, Călători străini despre Țările Române, vol. II, p. 158 – 161).

    • Pierre Lescalopier remarque en 1574 que « Tout ce pays la Wallachie et Moldavie et la plupart de la Transilvanie a esté peuplé des colonies romaines du temps de Trajan l’empereur…Ceux du pays se disent vrais successeurs des Romains et nomment leur parler romanechte, c'est-à-dire romain… » (Voyage fait par moy, Pierre Lescalopier l’an 1574 de Venise a Constantinople, fol 48 dans Paul Cernovodeanu, Studii și materiale de istorie medievală, IV, 1960, p. 444).

    • Le Saxon transylvain Johann Lebel note en 1542 que les Valaques se désignent eux-mêmes sous le nom de Romuini : « Ex Vlachi Valachi, Romanenses Italiani,/Quorum reliquæ Romanensi lingua utuntur…/Solo Romanos nomine, sine re, repræsentantes./Ideirco vulgariter Romuini sunt appelanti » (Ioannes Lebelius, De opido Thalmus, Carmen Istoricum, Cibinii, 1779, p. 11 – 12).

    • Le chroniqueur polonais Orichovius (Stanislaw Orzechowski) observe en 1554 qu’« en leur langue ils s’appellent romin, selon les romains et valaques en polonais, d’après les Italiens » (« qui eorum lingua Romini ab Romanis, nostra Walachi, ab Italis appellantur » dans St. Orichovius, Annales polonici ab excessu Sigismundi, dans I. Dlugossus, Historiæ polonicæ libri XII, col. 1555).

    • Le Croate Antonio Veranzio remarque vers 1570 que les Valaques se nomment eux-mêmes romains (roumains) : « …Valacchi, qui se Romanos nominant… Gens quæ ear terras (Transsylvaniam, Moldaviam et Transalpinam) nostra ætate incolit, Valacchi sunt, eaque a Romania ducit originem, tametsi nomine longe alieno… » (dans De situ Transsylvaniæ, Moldaviæ et Transaplinæ, in Monumenta Hungariæ Historica, Scriptores ; II, Pesta, 1857, p. 120).

    • Le hongrois transylvain Martinus Szent-Ivany cite en 1699 les expressions : « Sie noi sentem Rumeni » (« nous aussi, nous sommes roumains », pour le roum. : « Și noi suntem români ») et « Noi sentem di sange Rumena » (« nous sommes de sang roumain », pour le roum. : « Noi suntem de sânge român ») : Martinus Szent-Ivany, Dissertatio Paralimpomenica rerum memorabilium Hungariæ, Tyrnaviæ, 1699, p. 39.

    • À la même époque, Grigore Ureche (Letopisețul Țării Moldovei, p. 133-134) écrit : « În Țara Ardealului nu lăcuiesc numai unguri, ce și sași peste seamă de mulți și români peste tot locul… ».

    • Enfin, dans son testament littéraire, Ienăchiță Văcărescu écrit : « Urmașilor mei Văcărești!/Las vouă moștenire:/Creșterea limbei românești/Ș-a patriei cinstire. » Enfin dans une Istoria faptelor lui Mavroghene-Vodă și a răzmeriței din timpul lui pe la 1790 un Pitar Hristache versifie : « Încep după-a mea ideie/Cu vreo câteva condeie/Povestea mavroghenească/Dela Țara Românească ».




  3. Y compris par des centres de diffusion cartographiques importants comme toutes les grandes maisons d'édition françaises, l'Université d'Oxford ou IEG-MAPS (dir. Andreas Kunz de l'Université de Mayence), voir par exemple Map-GermanConfederation.svg.


  4. Ion-Aurel Candrea, Dicţionarul enciclopedic ilustrat „Cartea românească”, 1re partie, Cartea românească, Bucarest, imprimé entre 1926 et 1931 :






































































































































































































































































































































































    Lettre
    Nom de la lettre
    Valeur numérique
    Prononciation
    Correspondant actuel
    1 Α α az 1 /a/
    a
    2 Б б buche /b/
    b
    3 В ϐ vede 2 /v/
    v
    4 Г г glagol 3 /ɡ/
    g, gh
    5 Д δ dobru 4 /d/
    d
    6 Є ε iest 5 /e/
    e
    7 Ж ж jivete /ʒ/
    j
    8 Ѕ ѕ dzelo, dzialu 6 /d͡z/
    9 З з zeta, zemlia 7 /z/
    z
    10 И η ije, ita 8 /i/
    i
    11 І і I 10 /i/
    i
    12 К ϰ capa, caco 20 /k/
    c, ch
    13 Л λ lambda, liude 30 /l/
    l
    14 М μ mi, mislete 40 /m/
    m
    15 N ɴ naş 50 /n/
    n
    16 О o on 70 /o/
    o
    17 П π pi, pocoi 80 /p/
    p
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    39 Ѯ ξ csi 60 /ks/
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  5. Catherine Durandin, Histoire des Roumains, Fayard 1995, (ISBN 978-2213594255)/6 et Traian Sandu, Histoire de la Roumanie, Perrin 2008, (ISBN 9782262024321).


  6. Nicolae Iorga, Histoire des Roumains et de la romanité orientale, Université de Bucarest, 1945


  7. L'expression « rétroprojection nationaliste », du Pr Jean Ravenstein de l'Université de Marseille, désigne la tendance historiographique moderne à projeter dans le passé les nationalismes modernes, comme s’ils étaient apparus dès le Moyen Âge ou l’Antiquité.


  8. Gilles Veinstein et Mihnea Berindei, L'Empire ottoman et les pays roumains, EHESS, Paris, 1987.


  9. Erreurs cartographiques et simplifications réductrices : voir par exemple ro:File:Europa_1800_franceza.jpg, carte française omettant l'existence des principautés, ou File:Map-GermanConfederation.svg, carte allemande qui figure le grand-duché de Finlande et la Pologne du Congrès comme indépendants de la Russie, et la Serbie comme indépendante de l'Empire ottoman, tandis que les principautés roumaines n'y figurent pas : ces deux cartes sont pourtant inspirées de sources universitaires.


  10. Concernant les Juifs, les dreptari, pour la plupart Romaniotes et Sephardim (Ladinos de l'Empire ottoman) depuis longtemps intégrés à la société phanariote roumaine et peu nombreux (environ 12 000 personnes) sont devenus citoyens à l'indépendance du pays en 1878 et ont été exemptés des mesures discriminatoires durant la période 1938-44, alors que les Ashkénazes venus au XIXe siècle d'Allemagne, d'Autriche (Galicie) et de Russie, ou citoyens de ces empires avant le rattachement à la Roumanie de leurs territoires d'origine, et beaucoup plus nombreux (plus de 700 000 personnes), n'obtiendront l'égalité des droits qu'en 1919 suite aux pressions occidentales, et la perdront lors de la montée des extrémismes dans la période 1938-44 : voir Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, p. 1410-1411.


  11. Gilles Veinstein, Mihnea Berindei, op. cit.


  12. Andrei Oțetea (dir.), Istoria lumii în Date, éd. Enciclopedică, Bucarest, 1969, et Gilles Veinstein, Mihnea Berindei, op. cit.


  13. Georges Florovsky, Les Voies de la théologie russe, Paris, 1937, trad. et notes de J.C. Roberti, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 150.


  14. Les projets de Catherine II de Russie [1] ont par exemple inspiré César Bolliac, l'un des leaders de la révolution roumaine de 1848 : [2]


  15. Andrei Oțetea, op. cit. 1969, et Gilles Veinstein, Mihnea Berindei, op. cit., 1987.


  16. Traian Sandu, Histoire de la Roumanie, Perrin, 2008.


  17. Des auteurs comme Ian Hancock et ceux qui l’utilisent comme source ne font pas de différence entre la Robie et l’esclavage, et illustrent leurs ouvrages tel The pariah Syndrome : An Account of Gypsy Slavery and Persecution, Karoma Publishers, Ann Arbor, Michigan, 1987, (ISBN 0897200799), par des affiches comme celle-ci [3] annonçant la vente d’un « lot » de robs Roms en 1852 et omniprésente sur Wikipédia mais vraisemblablement apocryphe (voir discussion ici Talk:Slavery in Romania) car à cette époque on n’utilisait pas encore l’écriture latine, les expressions A vinde, Sclavi ţigăneşti et în condiţie fină sont des calques linguistiques de l’anglais To sale, Gypsy slaves, in fine condition (en roumain correct de l’époque on aurait dit De vânzare, Robi ţigani, sănătoşi) et il est impossible de trouver cette image ailleurs que dans l’œuvre de Hancock, qui présente d’autres affiches semblables, telle Discuție:Robia în țările române#/media/File:200 de familie de țigani de vânzare.jpg (dans Ian F. Hancock, We Are the Romani People, Univ of Hertfordshire Press, 2002, (ISBN 9781902806198), censée dater de 1845 alors que l’écriture latine n’a été adoptée qu'en 1860.
    En fait, les Roms sont arrivés dans les principautés danubiennes au XIVe siècle, à travers l’Asie centrale, l’Anatolie et le Sud de l’ex-URSS, où ils s’étaient mis, comme charrons, éleveurs de chevaux, servants et éclaireurs, au service des Mongols et des Tatars, qui les protégèrent et leur laissèrent, en échange, une part du butin (voir Stéphane Zweguintzow, « Les Roms de l’ex-URSS », dans Échos de Russie et de l’Est, Éd. B. de Saisset, 1994). Avec la Horde d'or, les Roms parvinrent ainsi en Moldavie, d’où ils passèrent en Transylvanie et en Valachie.
    Une fois parvenus dans ces trois voïvodats, ils se mirent sous la protection des boyards et des monastères, continuant à exercer leurs métiers traditionnels au service de leurs nouveaux maîtres à travers une servitude de type féodal nommée Robie, mot qui ressemble à leur nom de Roma mais qui provient du mot slave « robota » : le travail. La présence des Roms sur l’actuel territoire de la Roumanie a été mentionnée pour la première fois dans un document datant du 3 octobre 1385, par lequel Dan Ier, prince de Valachie, faisait donation de la Robie de 40 familles de Roms au monastère de Tismana.
    La robie n’est ni une forme de servage, ni un esclavage au sens de la traite esclavagiste : le rob peut appartenir aux monastères, aux boyards et aux voïvodes, mais non à des particuliers ; il peut être vendu et acheté mais, après accord de son maître, il peut se marier, et surtout, ul peut se vendre et se racheter lui-même. C’est un statut qui s’apparente à un contrat féodal de servitude personnelle, hérité des Tatars au service desquels les Roms sont arrivés dans les principautés danubiennes au XIIIe siècle. Par exemple, en 1428, le voïvode moldave Alexandre le Bon, vainqueur des Tatars, fait don de la Robie de 31 familles de Roms au monastère Bistrița en Moldavie. Le rob pouvait se vendre ou bien racheter sa liberté et celles des membres de son clan, et la revendre ailleurs : c’est pour cela que traditionnellement les chefs Roms (boulibachas) portent fièrement leur or sur eux, bien visible, sous forme de colliers, bijoux ou dents, afin de montrer leur solvabilité et leur capacité à se racheter, eux et leurs familles. Il est la marque de leur dignité. Par ailleurs, les familles ne pouvaient pas être séparées sans leur propre accord : l’église s’y opposait.
    L’entrée des Roms en « robie » va contribuer au paiement du tribut du à l’Empire ottoman, tandis que les monastères envoient d’immenses richesses au mont Athos. Les robs du voïvode sont libres d’aller et venir, mais payent tous les ans une redevance pour ce droit. Ils pratiquent toutes sortes de métiers : commerçants ambulants, forains, ferronniers, forgerons, rétameurs, bûcherons, maquignons, fossoyeurs, chiffonniers, saltimbanques, musiciens. Quant aux monastères et aux boyards, ils utilisent leurs « robs » comme domestiques ou comme contremaîtres pour faire travailler les paysans serfs. Ils offrent à quelques-uns une formation et des postes de majordomes ou de comptables. Les « robs » peuvent être donnés, légués, vendus aux enchères, loués aussi.
    Au XVIIIe siècle, des fils de boyards étudiants à Paris, initiés à l’esprit des Lumières, lancent un mouvement abolitionniste. Le processus se fait en plusieurs étapes. En 1825, en Moldavie, le Hospodar Ioniță Sandu Sturza délie les Roms de leurs liens envers les monastères et les boyards. Cet acte officiel part d’une bonne intention : mettre fin à la « robie ». Mais en pratique, cela laisse les Roms sans protection face aux agriculteurs sédentaires qui réclament des réformes agraires. De nombreux Roms reprennent alors le nomadisme, alors qu’ils s’étaient sédentarisés en majorité autour des domaines seigneuriaux (konaks) et abbatiaux. De toute façon, Sturdza est renversé en 1828 et la « robie » est aussitôt rétablie.
    En 1856, sous l’influence des idées propagées par la révolution de 1848 et par Victor Schœlcher, le prince humaniste Alexandru Ioan Cuza sécularise les immenses domaines ecclésiastiques et abolit la « robie » en Moldavie et Valachie (voir Catherine Durandin, Histoire des Roumains, Fayard, Paris, 1995. (ISBN 2-213-59425-2). Toutefois il faut attendre 1923 pour que des lois leur donnent des droits égaux aux sédentaires et les protègent contre les discriminations (constitution roumaine de 1923). Mais ces lois sont remises en question entre 1940 et 1944 (voir Histoire de la Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale et le film Latcho Drom de Tony Gatlif).



  18. Florin Constantiniu, op. cit., 2012.


  19. Catherine Durandin, Perspectives roumaines : du postcommunisme à l'intégration européenne, éd. L'Harmattan, 2004.



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